Entre la physiothérapie et la magie de Noël

  • Forum
  • Le 8 décembre 2014

  • Dominique Nancy

En 5 secondes

Est-ce que les résidences privées et publiques québécoises actuelles sont les mieux adaptées aux besoins des aînés québécois et de leurs proches aidants?

Qui a la responsabilité de s’assurer du bien-être des aînés institutionnalisés? (Photo : Thinkstock)«Mon bon monsieur Julien a été trouvé mort au petit matin, il est mort noyé dans ses poumons, tout seul, le soir de Noël...» Le garde de sécurité d'une résidence pour personnes âgées est seul sur la scène lorsqu'il dit cette phrase de la pièce de théâtre Magie de Noël à la résidence intermédiaire, un conte urbain écrit par Maude Laliberté et inspiré d'un fait dramatique qui est survenu à Montréal en décembre 2009.

«Un homme de 84 ans atteint de problèmes pulmonaires est mort à la résidence intermédiaire du parc Jarry. M. Gibeau avait tenté d'appeler à l'aide, mais le préposé de nuit dormait et avait débranché les sonnettes d'alarme», raconte la professeure adjointe de clinique de l'École de réadaptation de l'Université de Montréal qui travaillait comme physiothérapeute à la résidence à l'époque.

L'histoire a largement été médiatisée quelques mois plus tard, car les dirigeants avaient caché la faute professionnelle à la famille. Les médias ont été mis sur la piste par un employé. Profondément touchée par cette affaire, Maude Laliberté, qui est diplômée de l'UdeM (maîtrise en sciences biomédicales en 2007; certificat en éthique et droit en 2006; baccalauréat en physiothérapie en 2002), quitte son emploi pour un poste offrant plus de flexibilité à l'Hôpital Royal Victoria afin de consacrer davantage de temps à l'enseignement de l'éthique professionnelle aux étudiants en physiothérapie de l'Université.

Maude LalibertéMais l'histoire de M. Gibeau la hante. En 2013, elle décide d'écrire une fiction inspirée du drame. «Je voulais illustrer les enjeux éthiques qui entourent la protection de populations vulnérables et la négligence dans la surveillance des ressources intermédiaires par les divers organismes gouvernementaux. Qui a la responsabilité de s'assurer du bien-être de ces individus? se demande Mme Laliberté. Est-ce que les résidences privées et publiques québécoises actuelles sont les mieux adaptées aux besoins des aînés québécois et de leurs proches aidants?»

Elle a choisi comme moyen d'expression le théâtre, en créant une pièce en un acte où le seul personnage est le garde de nuit. La pièce, empreinte d'émotion et d'humour malgré le sérieux du sujet, n'a pas encore été jouée sur scène, mais elle a fait l'objet d'une publication l'année dernière dans la section création de la revue Bioéthique Online.

Ce travail créatif a permis à Maude Laliberté d'exorciser ses démons. Son expérience de clinicienne l'a également amenée à vouloir approfondir l'aspect bioéthique de la physiothérapie dans le cadre d'études doctorales en sciences biomédicales qu'elle poursuit présentement sous la direction des professeurs Bryn Williams-Jones et Debbie Feldman, respectivement du Département de médecine sociale et préventive et de l'École de réadaptation de l'UdeM. «J'ai observé plusieurs biais dans le choix des priorités et le suivi des patients, souligne-t-elle. Par exemple, les gens âgés, les minorités visibles, les femmes et les personnes à faible revenu ou celles souffrant de douleurs chroniques ont moins accès aux services de physiothérapeutes comparativement au reste de la population. Le délai d'attente pour ces gens, parfois de plus d'un an, entraîne des conséquences majeures sur leur santé. Dans un contexte d'austérité, la gestion des listes d'attente soulève des questions d'équité et de justice sur lesquelles il est important de se pencher», estime-t-elle.

Son projet de thèse, qui lui a valu le prix Acfas-Fondation Desjardins en 2014, propose une exploration des enjeux éthiques liés à l'accessibilité aux services de physiothérapie. Pour y parvenir, elle évaluera dans quelle mesure la source de financement des services et les diverses caractéristiques telles que l'âge, le sexe et le statut socioéconomique influencent la fréquence et la durée moyenne des traitements, ainsi que le délai de prise en charge. «J'espère que mes travaux permettront aux patients en physiothérapie d'accéder plus facilement à ces services.»

Dominique Nancy

 

Pour lire la pièce de théâtre : Magie de Noe?l a? la re?sidence interme?diaire : un conte urbain