Claudie Roussy: changer le système de santé de l’intérieur

Claudie Roussy et le recteur Guy Breton.

Claudie Roussy et le recteur Guy Breton.

Crédit : Amélie Philibert

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Guy Breton et la diplômée Claudie Roussy partagent leurs réflexions sur l’avenir des soins de santé au Québec.

Après 10 ans d’existence au Québec, la profession d’infirmière praticienne spécialisée (IPS) n’a pas encore atteint sa vitesse de croisière, mais cela ne saurait tarder. Québec envisage de quadrupler le nombre de ces «superinfirmières», comme on surnomme ces spécialistes qui peuvent accomplir certains actes auparavant réservés aux médecins. Un changement de culture est en marche et il sera porté par de jeunes pionnières de la profession telle Claudie Roussy, infirmière praticienne spécialisée à l’Institut de cardiologie de Montréal depuis maintenant un an.

Le recteur Guy Breton, qui est également médecin radiologiste, et la diplômée se sont rencontrés à la Faculté des sciences infirmières pour partager leurs réflexions sur l’avenir de nos soins de santé.

Claudie Roussy: Les cardiologues me disent parfois, avec un sourire en coin: «Ce cas-là est complexe, c’est un cas pour vous, madame Roussy!» Certains patients vivent des expériences relatives à la maladie et des situations familiales difficiles, d’autres ont du mal à changer des habitudes de vie associées à leur maladie. En tant qu’IPS, j’offre un suivi qui tient compte de tous les facteurs influant sur l’état de santé de la personne et sur son environnement. Je rencontre les familles. Je fais la liaison avec tous les professionnels de la santé concernés, j’aide les patients à modifier leurs habitudes de vie.

Guy Breton: Avant, on soignait une maladie, voire un organe. Aujourd’hui, on a compris que ce qu’on soigne, c’est une personne dans son entièreté, dans sa famille et dans son milieu. Or, donner une dimension holistique aux soins de santé n’est possible que si l’on confie à des professionnels un mandat clair pour le faire. Voilà pourquoi l’existence de votre profession me réjouit.

CR: «Je ne peux pas imaginer comment je faisais avant l’arrivée des IPS!» C’est ce que disent mes collègues médecins. Dans une journée, un cardiologue pouvait avoir plus d’une trentaine de patients à sa charge. Maintenant, j’assure le suivi auprès de 10 à 12 patients par jour avec une vision holistique.

GB: Pour illustrer les progrès que permettent ces infirmières, j’utilise les trois «C». Le premier, c’est le lien de «confiance» qu’elles établissent avec le patient et qui est le corollaire de l’attention qu’elles leur accordent. Le deuxième, c’est la «continuité»: que ce soit la même personne qui puisse voir et revoir le patient, ce qui n’est pas toujours le cas, puisqu’un même patient est souvent suivi par plusieurs médecins. Le troisième, c’est d’assurer la «connexion» entre les divers professionnels de la santé. Ces trois fonctions semblent naturelles, mais elles ont longtemps manqué à notre système de santé.

CR: Ce qui est paradoxal au Québec, c’est que nous avons la formation la plus complète au pays, mais le champ de pratique le plus limité. Par exemple, actuellement, la prescription de médicaments est restreinte à une liste préétablie, ce qui réduit mon efficacité et la qualité du service que je peux offrir. La bonne nouvelle est que les choses changent. Entre autres nouveautés, le règlement sur les IPS est en cours de révision. Il est donc fort probable que ces listes de médicaments et de soins médicaux soient abolies, ce qui augmentera notre autonomie et aura un effet favorable sur l’accessibilité et la qualité des soins. D’autres champs de pratique seront également mis en place, comme celui de l’IPS en santé mentale.

GB: Avoir davantage d’infirmières praticiennes spécialisées va rendre notre système de santé plus flexible. C’est important parce que les défis vont évoluer avec le temps. Présentement, nous avons une population vieillissante, mais qu’est-ce que ce sera dans 30 ans? Un bon système de santé sait s’adapter aux besoins qui changent et ces infirmières joueront le rôle clé d’agents de transformation. Cette jeune profession a donc un brillant avenir.