Comme nous sommes infiniment petits!
- UdeMNouvelles
Le 7 novembre 2014
Depuis les premières tentatives de l'humanité visant à comprendre ce dont nous sommes constitués, nous nous sommes efforcés de voir et d'étudier des choses minuscules et invisibles à l'œil nu.
L'apparition du microscope a rapidement permis aux scientifiques de constater que le corps humain est formé de cellules, et que celles-ci sont composées de constituants encore plus infimes. De nos jours, une grande partie des informations recueillies au sujet du fonctionnement cellulaire sont basées sur des observations à l'échelle microscopique. Récemment, trois scientifiques se sont vus décerner le prix Nobel de chimie pour le développement de nouvelles approches de microscopie permettant d'observer d'encore plus près les molécules que recèlent les cellules. En effet, Stefan Hell (Allemagne), Eric Betzig et William Moerner (États-Unis), ont été désignés colauréats de ce prestigieux prix pour leur participation au développement de la microscopie à fluorescence en super-résolution.
Mais quelle est l'importance de cette découverte? Pour les Canadiens? Pour moi? Dans mon laboratoire à l'Université de Montréal, nous utilisons des microscopes de dernière génération afin de détecter des molécules individuelles dont l'étude permet d'établir comment l'information génétique est décodée et interprétée par les cellules. Nous nous penchons sur des organismes simples, comme la levure du boulanger, pour mettre sur pied des techniques expérimentales et étudier des concepts cellulaires élémentaires, puis nous utilisons ces techniques pour étudier les mécanismes moléculaires à la source de diverses maladies. Lorsque les membres de notre équipe ont développé les premiers outils en vue de détecter des molécules individuelles parmi les millions d'autres présentes dans les cellules de levure, cela a radicalement changé la manière dont les données étaient précédemment interprétées. Désormais, bien des chercheurs utilisent ces outils dans l'étude des maladies. L'intégration de ces techniques de microscopie en super-résolution reconnues par la Fondation Nobel à nos approches expérimentales permettra de nouvelles découvertes importantes quant aux processus moléculaires derrières plusieurs pathologies.
La microscopie à fluorescence est un outil indispensable en recherche biomédicale moderne. Elle permet aux scientifiques d'observer les molécules qui composent les cellules et d'étudier pourquoi ces molécules sont parfois à l'origine de maladies. Jusqu'à tout récemment, la microscopie à fluorescence était limitée par les propriétés physiques de la lumière. En 1873, le spécialiste de la microscopie Ernst Abbe a été le premier à décrire la « limite de diffraction des microscopes», un phénomène qui nous empêche de distinguer les molécules lorsque la distance qui les sépare se situe en deçà de 200 nanomètres. Malheureusement, la plupart des processus cellulaires se produisent à des échelles beaucoup plus petites. L'obstacle semblait si insurmontable qu'on a gravé l'équation de Abbe dans la pierre sur le monument érigé en son honneur par l'Université d'Iéna. Or, les méthodes élaborées par les nouveaux lauréats du prix Nobel permettent de surmonter cette limite et de faire entrer la microscopie en fluorescence dans la nanodimension.
La science a toujours reposé sur l'observation. Nous avons, par exemple, appris à concevoir des avions en observant les oiseaux. En tant que chercheurs, notre rôle consiste à observer et à formuler des hypothèses que nous mettons ensuite à l'épreuve. Cela fait partie du processus créatif scientifique. Le deuxième facteur en importance, outre l'observation, est la technologie. Plusieurs percées majeures en sciences biomédicales surgissent parallèlement à l'émergence de nouvelles technologies, dont sont issus de nouveaux moyens pour détecter des molécules en quantités infimes, ou de formes plus variées ou entièrement nouvelles. Le développement constant de nouvelles technologies est crucial pour que les avancées scientifiques, souvent minuscules, soient parfois ponctuées de pas de géant qui modifient profondément notre compréhension de la vie.
Dans ce contexte, au Département de Biochimie et de Médecine Moléculaire, qui abrite mon laboratoire, nous nous réjouissons tout particulièrement du choix des lauréats du prix Nobel de chimie de cette année, surtout qu'il coïncide avec l'installation de deux nouveaux microscopes en super-résolution dans notre université. Ces instruments, financés par l'entremise de la Fondation Canadienne pour l'Innovation, et partagés en partie avec la Faculté de Médecine Dentaire, nous donneront tout le loisir de repousser les frontières de la Science en reliant la biologie cellulaire moléculaire et la biologie structurale, deux domaines d'expertise de notre Département. Nous serons maintenant en mesure d'observer de minuscules molécules à une résolution inédite, pour enfin scruter des yeux les processus magnifiquement complexes qui sont à la base de la vie, et dont la compréhension se révélera essentielle en vue de développer de nouvelles thérapies aux nombreuses maladies dans lesquelles des processus cellulaires altérés entrent en jeu.
Daniel Zenklusen, Ph. D., Professeur sous octroi, adjoint, au Département de Biochimie et de Médecine Moléculaire, Université de Montréal
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