Un monstre à trois têtes guette les futurs enquêteurs

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  • Le 20 avril 2018

  • Mathieu-Robert Sauvé
Selon Maurice Cusson, les enquêtes non élucidées en moins de 24 heures donnent beaucoup de fil à retordre aux enquêteurs.

Selon Maurice Cusson, les enquêtes non élucidées en moins de 24 heures donnent beaucoup de fil à retordre aux enquêteurs.

Crédit : Thinkstock

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Le criminologue Maurice Cusson a présenté sa vision de l’enquête aux participants d’une journée d’étude sur ce thème à la FEP.

Huit enquêtes sur 10 conduites en France au cours des dernières années ont été résolues en moins de 24 heures, conclut une étude de Jérôme Barlatier, de l’Université de Lausanne. Le suspect a été pris en flagrant délit, a avoué son crime ou a agi devant suffisamment de témoins pour que sa culpabilité ne fasse aucun doute. «Les 2 enquêtes sur 10 non élucidées donnent beaucoup de fil à retordre aux enquêteurs. Dans un cas, c’est un crime en pratique insoluble et, dans l’autre, les experts enquêteront pendant une période plus ou moins prolongée et leur travail s’apparentera à ce qu’on trouve dans les romans policiers. Ils parviendront, grâce à différentes techniques, à identifier les coupables, qui seront jugés», affirme Maurice Cusson, professeur émérite de l’Université de Montréal. Il était venu prononcer l’allocution d’ouverture de la journée d’étude sur la formation et la recherche en enquête et renseignement de la Faculté de l’éducation permanente (FEP) le 13 avril.

Le criminologue, qui a mené durant 30 ans des activités d’enseignement à l’École de criminologie de l’UdeM et qui poursuit ses travaux de recherche au Centre international de criminologie comparée, propose de «filtrer» soigneusement les cas qui relèvent des services d’enquête privés ou publics: régler en une semaine les cas simples; abandonner les affaires qui ne peuvent pas être résolues (sauf pour ce qui est des meurtres) et travailler sur celles susceptibles d’être conclues.

M. Cusson avait devant lui un auditoire captivé d’une soixantaine de personnes qui avaient répondu à l’invitation de Fabienne Cusson, responsable du nouveau certificat en enquête et renseignement. Le doyen de la FEP, Christian Blanchette, leur avait souhaité la bienvenue et les avait invitées à faire connaître le programme, qui accepte dès maintenant les inscriptions. Adopté récemment par la Commission des études et mettant à contribution la Faculté de droit, l’École de criminologie et Polytechnique Montréal, le certificat comprend un volet théorique et des activités d’intégration. Les étudiants sont amenés à effectuer des enquêtes semblables à celles qui sont ouvertes dans la réalité, en procédant au besoin à des filatures.

Le chien à trois têtes

Le professeur Cusson a utilisé une image de la mythologie grecque pour faire part aux futurs enquêteurs des écueils qui les guettent: celle du cerbère, cet animal à trois têtes qui garde l’entrée de la porte des enfers. Il a imaginé une conversation entre les trois entités. La première cherche la vérité, la seconde use de stratégie et la troisième se soucie d’appliquer la justice.

«Dans le cas d’un vol perpétré par des employés d’une usine par exemple, l’enquêteur à la recherche de la vérité procédera de différentes manières pour la découvrir. Il voudra savoir quels produits sont les plus fréquemment volés, dans quel secteur et à quel moment de la journée ou de la nuit. Il accumulera les indices qui le mèneront aux voleurs. Il fera installer des caméras de surveillance, un système d’alarme et embauchera des gardiens pour surveiller les entrées et les sorties.»

La «tête stratégique» s’intéresse à la vérité aussi, mais pour en faire un usage raisonné. Si elle démasque les coupables, ils seront congédiés. Le problème sera réglé et l’affaire ne sera pas ébruitée.

La «tête de la justice» aura une tout autre approche. Les coupables seront jugés et condamnés, les innocents blanchis, les torts réparés. Le processus sera conforme à l’esprit et la lettre des lois et de la charte des droits et libertés…

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