Dévoiler la complexité de la nébuleuse entourant NGC 1275 avec SITELLE
- UdeMNouvelles
Le 15 mai 2018
Quatre astrophysiciens ont utilisé SITELLE, un instrument installé au télescope Canada-France-Hawaii, afin de révéler pour la première fois la dynamique très complexe de la galaxie NGC 1275.
Située à 250 millions d’années-lumière de la Terre, NGC 1275 n’est pas une galaxie comme les autres. Elle se trouve au cœur de l’amas de galaxies de Persée, un amas formé de milliers de galaxies situées dans la constellation du même nom. La galaxie NGC 1275 baigne dans un gaz intra-amas chaud et diffus, dont la température moyenne est de quelques dizaines de millions de degrés – un gaz formant la majeure partie de la masse lumineuse des amas de galaxies. Cet environnement est très complexe: d’une part, le gaz chaud tend à refroidir et à tomber vers la galaxie, mais, d’autre part, le trou noir supermassif en son centre produit de puissants jets de particules très énergétiques, visibles dans le domaine des ondes radio et soufflant d’immenses bulles dans le gaz chaud, l’empêchant de se refroidir complètement.
Les quatre astrophysiciens qui ont mené ce projet de recherche sont Marie-Lou Gendron-Marsolais, étudiante au doctorat, et la professeure Julie Hlavacek-Larrondo, de l’Université de Montréal, ainsi que le professeur Laurent Drissen et le chercheur postdoctoral Thomas Martin, de l’Université Laval, tous membres du Centre de recherche en astrophysique du Québec.
Un spectaculaire réseau de minces filaments intriqués, entourant la galaxie NGC 1275, est visible à des longueurs d’onde bien précises. «On voit souvent ce type de filaments autour de galaxies se trouvant dans un environnement semblable, mais leur origine est un véritable mystère», souligne Marie-Lou Gendron-Marsolais.
S’étendant sur 250 000 années-lumière, soit environ deux fois et demie la taille de notre propre galaxie, le lien entre cette large nébuleuse et son environnement est encore très mal compris. Deux hypothèses s’affrontent: il pourrait s’agir de filaments se condensant à partir du gaz chaud de l’amas et s’écoulant vers le centre de la galaxie ou plutôt de gaz soulevé par les bulles créées par les jets du trou noir supermassif central et entraîné vers l’extérieur de la galaxie.
C’est pour percer le mystère de ces filaments que les chercheurs ont eu l’idée d’utiliser SITELLE, un nouvel instrument permettant de cartographier la galaxie à plusieurs longueurs d’onde différentes simultanément. «On obtient alors un spectre à chaque pixel de l’image, a mentionné Julie Hlavacek-Larrondo. Mais ce qui est unique avec SITELLE, c’est son vaste champ de vue, permettant de couvrir toute la région entourant NGC 1275, une première depuis la découverte de cette nébuleuse, il y a 60 ans.» Installé au sommet du Mauna Kea sur la grande île d’Hawaii depuis 2015, cet instrument, subventionné par la Fondation canadienne pour l'innovation, est le fruit d'une collaboration entre l’entreprise de technologies à haute performance ABB, le télescope Canada-France-Hawaii, l'Université de Montréal et l'Université Laval, sous la supervision scientifique de Laurent Drissen.
Grâce à cet instrument, l’équipe de chercheurs a pu mesurer la vitesse radiale, c’est-à-dire la vitesse le long de la ligne de visée, de chacun des filaments, révélant ainsi leur dynamique avec un degré de précision inégalé. «Il semblerait que le mouvement de ce réseau de filaments soit très complexe, il ne semble pas y avoir de mouvement uniforme, c’est extrêmement chaotique», a dit Marie-Lou Gendron-Marsolais. Les chercheurs sont convaincus que de telles observations pourront aider à éclaircir le mystère de ces structures. Globalement, la compréhension de la dynamique de ces filaments est directement liée aux processus de réchauffement et de refroidissement du gaz qui alimente le trou noir central. Il s’agit donc d’un élément clé dans l’étude de l’évolution des galaxies et, à plus grande échelle, des environnements tels que les amas de galaxies.
À propos de cette étude
Les résultats de la recherche menée par Marie-Lou Gendron-Marsolais, Julie Hlavacek-Larrondo, Laurent Drissen et Thomas Martin, ainsi que des collaborateurs étrangers, paraissent dans une lettre du dernier numéro de la revue Monthly Notices of the Royal Astronomical Society.
Il est possible de visionner une vidéo illustrant la structure des filaments en fonction de la longueur d’onde.