Une consommation régulière de bière est associée au risque de cancer de la prostate
- Forum
Le 4 septembre 2018
- Martin LaSalle
Boire de la bière à tous les jours, sur une longue période, est associé à un risque d’être atteint d’un cancer de la prostate agressif, selon une étude menée auprès de 3927 hommes du grand Montréal.
Les hommes atteints d’un cancer de la prostate de stade avancé ont, en partie, une chose en commun: ils consomment ou ont consommé des quantités appréciables de bière de façon régulière pendant plusieurs années.
C’est ce qui se dégage d’une étude dirigée par l’uro-oncologue Pierre Karakiewicz, du Centre de recherche du Centre hospitalier universitaire de Montréal (CRCHUM), réalisée auprès de 3927 hommes vivant dans la grande région de Montréal et dont l’âge moyen était de 64 ans.
Dans l’article, les auteurs utilisent la variable «drink-years»*, c’est-à-dire le nombre moyen de bière par jour multiplié par le nombre d'années de consommation. Ainsi, le risque d’être atteint d’un cancer de la prostate à un stade avancé équivalait à la consommation quotidienne :
- d’une bière pendant 63 ans, ou
- de deux bières pendant 31 ans, ou
- de trois bières pendant 21 ans, et ainsi de suite.
Près de 4000 hommes interviewés
L’une des caractéristiques de cette étude est de s’être concentrée sur une région géographique particulière, ce qui rend plus pertinente l’association entre la consommation d’alcool et l’apparition d’un cancer de la prostate, notamment chez les hommes qui boivent le plus d’alcool.
Professeur de chirurgie et d’urologie à la Faculté de médecine de l’Université de Montréal, Pierre Karakiewicz a d’abord recensé, avec ses collègues Marie-Élise Parent et Claire Demoury, les hommes qui avaient reçu un diagnostic de cancer de la prostate dans la région métropolitaine de 2005 à 2009. Ainsi, 1933 hommes atteints d’un cancer de la prostate ont pris part à l’étude, soit 80 % des cas diagnostiqués dans la région.
Comme il s’agit d’une étude cas témoins, ils ont été appariés avec 1994 autres hommes de l’agglomération de Montréal qui ne souffraient pas de ce cancer.
Tous les participants ont été interviewés individuellement quant à leurs habitudes de vie, leur alimentation, leurs activités physiques ainsi que leur consommation d’alcool, en distinguant les quantités et les types d’alcool bus au cours de leur vie.
Un risque qui peut apparaître à partir de 50 ans
Globalement, les chercheurs ont découvert qu’il n’y a pas, à première vue, d’association significative entre une consommation élevée d’alcool, peu importe le type, et le cancer de la prostate.
En revanche, il y en a une pour les gros buveurs de houblon. «Chez les hommes qui sont dans le quartile de consommation la plus grande, on observe un risque plus haut de cancer avancé de la prostate qui atteint 40 %, en comparaison des cas témoins, soit au-delà de 63 "drink-year" ou encore, pour être plus concret, soit par exemple une caisse de 24 par semaine pendant plus de 18 ans ou une caisse de 12 par semaine pendant plus de 36 ans», explique Pierre Karakiewicz.
Directeur de l’Unité de recherche quantitative et évaluative au CHUM, M. Karakiewicz souligne que ceux qui boivent un peu plus de bière que la moyenne ne voient pas leur risque augmenter: c’est lorsque la quantité de bière prise quotidiennement atteint un certain seuil que le risque s’accroît.
«Par exemple, notre modèle indique que théoriquement, pour un homme qui commence à boire à 18 ans et qui consomme tous les jours plus de deux bières, le risque d’avoir un cancer de la prostate de stade avancé apparaît à l’âge de 65 ans, illustre-t-il. S’il boit plus de trois bières par jour, ce risque se manifeste plutôt à 50 ans.»
«Et, parmi les participants de l’étude, au moins un sur cinq buvait de la bière au-delà des seuils considérés comme sécuritaires», ajoute Pierre Karakiewicz, en précisant qu’il semble que la consommation cumulative de bière au fil des ans semble être un prédicteur de la maladie et dont les médecins et les urologues devraient tenir compte lorsqu’un patient les visite.
Mécanisme inconnu
Les chercheurs ignorent pour l’instant quel mécanisme pourrait expliquer le risque de souffrir d’un cancer de la prostate de stade avancé parmi les gros buveurs de bière plus spécifiquement.
«On sait que l’acétaldéhyde, le principal métabolite de l’éthanol libéré par l’alcool, est un élément cancérigène, car il interfère notamment dans le processus de réplication de l’ADN des cellules», mentionne le chercheur.
D’autres hypothèses montrent la carence en acide folique (vitamine B9) que peut entraîner une forte consommation d’alcool, tout comme pour l’immunosuppression qui peut s’ensuivre et faciliter l’apparition de tumeurs.
«Ces mécanismes devraient s’appliquer pour tout type d’alcool, mais dans notre étude, nous avons aussi observé une diminution de 25 % du risque de cancer de la prostate chez les consommateurs de spiritueux, dit M. Karakiewicz. Il est donc clair que ces mécanismes restent à élucider.»
Selon lui, l’ensemble des résultats révèlent surtout l’importance de tenir compte de la consommation d’alcool, et plus particulièrement de bière, au moment d’effectuer des tests de dépistage du cancer de la prostate.
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* Ce texte a été modifié le 11 septembre 2018 puisque la version précédente laissait entendre, à tort, que le risque de cancer de la prostate est associé à une consommation de 63 bières par année. Nous avons intégré la notion de « drink-year » et l’avons illustrée pour préciser la nature du risque associé.