Les défis du 21e siècle en santé: maladies chroniques et soins à domicile

Réjean Hébert

Réjean Hébert

Crédit : Amélie Philibert

En 5 secondes

Le vieillissement de la population demande une transformation du système de santé, qui doit miser notamment sur la prévention et le suivi des maladies chroniques, selon le professeur Réjean Hébert.

Par Réjean Hébert, professeur et doyen de l’École de santé publique

Le Québec vit actuellement un changement démographique majeur: le vieillissement accéléré de sa population, qui portera le pourcentage des personnes de plus de 65 ans au-delà de 25 % en 2031, soit dans moins de 15 ans.

Loin de constituer une catastrophe, ce phénomène commande toutefois une adaptation de la société et de nos services sociaux et de santé. Notre système public et universel, implanté dans la seconde moitié du 20e siècle pour une population jeune, a été bâti autour des hôpitaux et des médecins. Nous devons transformer ce système pour qu’il réponde maintenant aux nouveaux défis imposés par le vieillissement de la population: la prévention et le suivi des maladies chroniques et les soins et services à domicile.

Prévention et suivi des maladies chroniques

Les maladies chroniques ont maintenant remplacé les maladies aigües comme causes principales de mortalité et morbidité. La bonne nouvelle, c’est que la grande majorité de ces maladies peuvent être prévenues par des actions sur les déterminants de la santé que sont le revenu, l’éducation, l’alimentation, l’activité physique, les comportements sexuels et la consommation de tabac, d’alcool et autres drogues.

En particulier, les iniquités sociales dans la distribution des revenus s’avèrent un déterminant puissant dans l’adoption de comportements sains et conditionnent l’espérance de vie. Ainsi, sur l’île de Montréal, on observe des différences de plus de 10 ans d’espérance de vie entre les quartiers pauvres et les quartiers riches. Or, les inégalités salariales ont progressé au Québec au cours des dernières décennies. Il faut renverser cette tendance par des mesures fiscales qui atténuent la disparité des salaires et facilitent l’accès des populations défavorisées à l’éducation et à de plus saines habitudes de vie.

Le traitement et le suivi des maladies chroniques se font principalement en première ligne. Les services de santé présentement centrés sur l’hôpital ne sont plus adaptés à cette nouvelle réalité.

De plus, le médecin autrefois au cœur des services devient maintenant l’un des acteurs des soins aux personnes atteintes de maladies chroniques. Les infirmières jouent un rôle de premier plan, mais aussi les travailleurs sociaux, les psychologues, les diététistes, les professionnels de la réadaptation et de l’activité physique. Cela doit donc amener une transformation du système de soins en priorisant l’accès à des structures de première ligne (groupes de médecine de famille, CLSC), mais aussi en modifiant le financement des professionnels pour permettre l’intervention de chacun dans son champ de compétences.

Soins et services à domicile

Enfin, les soins et services à domicile aux personnes âgées et handicapées doivent être renforcés. Actuellement, nous ne consacrons que 14 % des dépenses publiques en soins de longue durée aux services à domicile. Le financement est majoritairement attribué à l’hébergement en centres d'hébergement et de soins de longue durée (CHSLD), contrairement à beaucoup de pays occidentaux.

Par exemple, le Danemark alloue 73 % des budgets de soins de longue durée aux services à domicile, tout un contraste. Pas étonnant que le placement en CHSLD représente la seule option lorsque les proches aidants n’en peuvent plus de compenser l’insuffisance du soutien de l’État.

Ces dernières décennies, les maigres investissements en soins à domicile n’ont pu contrebalancer l’augmentation de la demande liée au vieillissement de la population. En fait, la quantité de services à domicile a diminué régulièrement.

Il faut donc investir massivement dans les services à domicile. Nous devons aussi transformer le mode de financement pour permettre aux personnes et à leurs proches de retrouver la liberté de choisir où ils veulent vivre et comment ils souhaitent recevoir les services requis par leur état de santé. Le projet d’assurance autonomie que nous avions proposé il y a quelques années est encore pertinent et incontournable.

Pour répondre au défi démographique, il nous faut une société plus juste, un système de soins axé sur la prévention et le suivi des maladies chroniques et des services accessibles là où les individus choisissent de vivre en dépit d’une perte d’autonomie. Ce sont là des enjeux cruciaux pour le maintien de notre système de santé et surtout pour l’amélioration de la qualité de vie des citoyens.

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