Enseigner la psychoéducation en Haïti pour répondre aux besoins de la population
- Forum
Le 18 septembre 2018
- Martin LaSalle
Depuis 2015, la chargée de cours et doctorante Mélanie Poitras enseigne la psychoéducation au campus Henri-Christophe de l’Université d’État d’Haïti, où sera diplômée une première cohorte d’étudiants.
Pays polytraumatisé, Haïti ne comptait jusqu’à tout récemment aucun psychoéducateur – dont le travail consiste à intervenir auprès de personnes en difficulté d’adaptation. Or, la situation est en train de changer, notamment en raison du travail de Mélanie Poitras, chargée de cours à l’École de psychoéducation de l’Université de Montréal et doctorante en cotutelle à l’Université du Québec en Outaouais (UQO).
En 2015, Mélanie Poitras visite Haïti pour la première fois à titre de cochercheuse afin d’y recueillir des données relatives à une recherche menée avec Claudine Jacques, professeure de psychoéducation et psychologie à l’UQO. Elle y rencontre les responsables du campus Henri-Christophe de l’Université d’État d’Haïti – le premier campus en dehors de Port-au-Prince de la seule université publique d’Haïti ‒ et… c’est le coup de foudre pour le pays et pour ses habitants.
Depuis ce temps, elle y a effectué plusieurs séjours, au cours desquels elle enseigne comme professeure invitée afin de contribuer à l’essor du programme de psychoéducation.
«Haïti est un pays durement touché par la pauvreté, l’instabilité politique, les catastrophes naturelles, la violence et le rôle peu considéré de la femme dans la société, explique la doctorante. Il y existe un grand besoin d’accompagnement sur le plan psychosocial et j’ai voulu contribuer à aider la population par l’entremise de l’enseignement.»
«Montrez-nous comment faire…»
En 2016, elle est devant une classe de 100 étudiants qui l’implorent de leur montrer «comment faire» de la psychoéducation pour améliorer le sort de leurs concitoyens. «Comme je ne pouvais y arriver seule, j’ai eu l’idée de faire venir des psychoéducateurs de Montréal qui accompagneraient ces étudiants dans leurs stages», relate-t-elle.
Avec Claudine Jacques, la collaboration de Psychoéducation sans frontières et l’appui financier du ministère québécois des Relations internationales et de la Francophonie, Mélanie Poitras jette les premiers jalons d’une collaboration interuniversitaire qu’elle souhaite pérenne.
Neuf psychoéducateurs québécois viennent ainsi superviser les 100 étudiants dans leurs milieux de stage et à l’Université d’État. Une 1re Journée de la psychoéducation en Haïti est également organisée où Haïtiens, Québécois, intervenants et chercheurs partagent leurs savoirs.
L’année suivante, en 2017, celle qui était déjà chargée de cours à l’École de psychoéducation s’inscrit au doctorat; elle sera dirigée par Steve Geoffrion, professeur à l’École de psychoéducation de l’UdeM, et par Claudine Jacques.
Déjà intéressé par la coopération internationale, M. Steve Geoffrion l’accompagne en Haïti pour y donner des cours en intervention psychoéducative et en premiers soins psychologiques.
Cette année-là, le projet s’échelonne sur sept semaines. Grâce à la participation bénévole de huit psychoéducateurs québécois ainsi qu’à l’appui financier de l’Agence universitaire de la Francophonie et à celui de l’Association générale des étudiants de psychoéducation de l’Université de Montréal, les étudiants haïtiens ont pu bénéficier de la supervision de stage et de cinq cours en psychoéducation.
Et ces interventions et engagements portent leurs fruits: en 2017-2018, pas moins de trois sessions ont été offertes aux étudiants, soit automne, hiver et printemps-été.
«Notre objectif était de donner aux étudiants une base théorique et pratique plus solide tout en leur permettant de l’appliquer sur le terrain avec des psychoéducateurs professionnels», indique Mme Poitras, qui veille aussi à l’adaptation de la formation en psychoéducation à la réalité haïtienne.
Élargir la portée de la psychoéducation
À plus long terme, Mélanie Poitras souhaite continuer à participer à l’essor de l’enseignement de son domaine d’études. «L’enseignement de la psychoéducation à l’étranger est un phénomène nouveau et ma thèse vise justement à établir la définition de la psychoéducation en Haïti et le rôle du psychoéducateur dans les milieux d’intervention haïtiens à partir du discours des acteurs du milieu», précise-t-elle.
Toutefois, la poursuite de la supervision de stages par des professionnels québécois demeure incertaine au-delà de 2019, faute de financement.
«Nous espérons pouvoir poursuivre l’amélioration de la formation existante dans un objectif d’autonomisation des populations locales en Haïti, en formant adéquatement une relève en psychoéducation», conclut celle qui a remporté l’une des plus importantes distinctions du pays, soit le prix Reconnaissance de l’Université d’État d’Haïti, pour toute l’aide qu’elle a apportée.
Pour en savoir plus, consultez la page Facebook du projet de Mélanie Poitras.
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Mélanie Poitras a reçu le prix Reconnaissance de l’Université d’État d’Haïti pour sa contribution à l'essor du programme de psychoéducation. Elle est entourée de Coulange Raphaël (directeur adjoint de l'enseignement), d'Audalber Bien-Aimé (président du conseil d'administration de l'Université d'État d'Haïti) et d'Angela Vévé (responsable du programme).