Les plantes soignent les diabétiques autochtones au Québec… et en Guyane
- Forum
Le 16 octobre 2018
- Mathieu-Robert Sauvé
Michael Rapinski étudie le diabète chez les Cris et les Innus du Québec ainsi que chez les Palikur de Guyane et leur façon de se soigner en recourant aux plantes médicinales.
Les autochtones de la Guyane française ont une incidence du diabète de type 2 au moins deux fois supérieure à celle de leurs compatriotes du continent européen. Chez les Cris et les Innus du Québec, à l’autre bout du monde, pourrait-on dire, des problèmes similaires sont observés. «Le diabète de type 2 est de trois à cinq fois plus présent chez eux que dans l’ensemble du Québec. Comme pour les autochtones guyanais, cette maladie constitue un enjeu de santé publique hérité de la colonisation», explique Michael Rapinski.
Le biologiste mène actuellement une étude comparative entre les deux populations pour mieux comprendre les raisons de cette convergence et les moyens d’y faire face en recourant, notamment, aux plantes alimentaires et médicinales. Son doctorat, qu’il effectue en cotutelle sous la direction d’Alain Cuerrier, de l’Université de Montréal, et de Damien Davy, de l’Université de Guyane, relève de l’ethnobotanique et de l’ethnomédecine, des sciences qui étudient les populations humaines en rapport avec les plantes et la médecine.
La sédentarisation et les changements dans leur alimentation expliquent en partie le haut taux de diabète de type 2 chez les autochtones, qui se déplaçaient jadis sur de longues distances et se nourrissaient de mets moins gras, moins salés et moins sucrés qu’aujourd’hui. Si des recherches sont entreprises depuis deux décennies auprès des autochtones d’Amérique du Nord, le «tueur silencieux» est moins étudié du côté des Guyanais. «On parle d’une crise de santé publique, mais très peu de travaux sérieux ont permis de documenter ce problème», mentionne M. Rapinski.
Le premier constat, c’est que le système de santé guyanais est inadéquat pour traiter ce problème en croissance. Mais les professionnels de la santé tentent de trouver des solutions. Au terme de 60 entretiens avec des membres de la nation Palikur, une des six ethnies amérindiennes de Guyane, l’ethnobotaniste a noté que les guérisseurs tentent d’intégrer cette maladie dans leurs cibles médicales. «Les diabétiques utilisent une combinaison de médicaments contemporains et locaux pour se soigner, adaptant dans certains cas des outils biomédicaux pour gérer leur diabète», a-t-il souligné dans une conférence donnée en août dernier au congrès de la Société internationale d’ethnobiologie.
Le remède par les plantes
En d’autres termes, les Palikur comptent le diabète de type 2 parmi les affections qui les touchent et ils tentent de réduire ses complications à l’aide de leurs pratiques médicales ancestrales. Ils le font, notamment, en recourant aux plantes, comme les Cris du Québec qui se servent du thé du Labrador dans le même but.
«Bien entendu, on ne trouve pas d'espèces végétales identiques dans la forêt boréale et dans la forêt tropicale. Mais les peuples autochtones ont été de part et d’autre projetés dans un mode de vie en rupture avec leurs traditions et ils utilisent des méthodes qu’ils connaissent pour s’y adapter», indique Michael Rapinski.
Cette recherche s’inscrit dans le cadre du Protocole de Nagoya sur l’accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation, signé à l’ONU en 2010. La France a ratifié ce protocole, mais pas le Canada, qui héberge pourtant le secrétariat général de la Convention sur la biodiversité. M. Rapinski a étudié de quelle façon une équipe de recherche québécoise, à laquelle il est rattaché, a négocié avec les Cris un accord permettant de partager le potentiel antidiabétique de leur pharmacopée.
Trois minutes gagnantes
Michael Rapinski a présenté son projet de recherche devant un auditoire guyanais au concours Ma thèse en 180 secondes. Il a remporté le premier prix, ce qui lui a valu de représenter le département au concours national français, tenu en avril dernier. «Une belle expérience», résume-t-il à sa troisième année d’études doctorales.
Pourquoi avoir participé au concours en Guyane plutôt qu’à Montréal? «J’étais là-bas quand j’ai entendu parler de la compétition. J’ai décidé de relever le défi», répond-il simplement.
Il faut dire qu’il est un peu chez lui en Guyane, puisque sa mère est d’origine martiniquaise.