Le libre accès aux documents savants passe par Érudit
- UdeMNouvelles
Le 23 octobre 2018
- Mathieu-Robert Sauvé
Le consortium Érudit offre un accès libre à la production savante en sciences humaines et sociales au Canada.
Créé à l’Université de Montréal en 1998 et toujours logé sur le campus montréalais, le consortium Érudit offre quelque 200 000 documents en libre accès à la communauté universitaire canadienne. «Nous rendons disponible le contenu de plus de 178 revues savantes et nous souhaitons en attirer d’autres de façon à rendre la production intellectuelle le plus accessible possible aux chercheurs, professeurs et étudiants du Canada», explique Tanja Niemann, directrice générale de l’organisme qui compte 23 employés.
Chaque année, ce sont 21 millions de pages qui sont consultées sur Érudit, dont plus des trois quarts de l’étranger; les utilisateurs sont originaires de plus de 85 pays. Les responsables ont conclu 1100 ententes commerciales ou partenariales avec des services de documentation à travers le monde.
Imaginée et lancée il y a 20 ans par Guylaine Beaudry, alors bibliothécaire, la plateforme Érudit n’a jamais cessé de s’épanouir depuis. Elle a reçu l’an dernier une subvention de 4,1 M$ de la Fondation canadienne pour l’innovation, qui l’a propulsée parmi les acteurs majeurs de la diffusion scientifique au pays.
«Érudit offre une solution à la commercialisation abusive de la production savante par les éditeurs scientifiques privés, mentionne le doyen de la Faculté des arts et des sciences de l’Université de Montréal, Frédéric Bouchard, président du conseil d’administration d’Érudit. Nous travaillons avec les bibliothèques universitaires pour les amener à adhérer massivement à ce réseau. L’objectif est de redonner à la communauté scientifique les résultats de la recherche en sciences humaines et sociales.»
«L’environnement numérique a eu l’effet paradoxal de privatiser la diffusion des documents scientifiques; Érudit représente une réponse intelligente et mesurée à ce problème», commente Vincent Larivière, directeur scientifique du consortium et titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les transformations de la communication savante à l’École de bibliothéconomie et des sciences de l’information de l’UdeM. Pour le professeur Larivière, c’est tout le domaine des sciences qui souffre de cette commercialisation abusive, mais il est difficile de ramener vers le libre accès les auteurs d’articles en chimie, physique ou médecine, qui préfèrent les éditeurs commerciaux. «Pourtant, indique-t-il, les chercheurs en sciences pures et en santé sont conscients du problème, mais ils manquent d’incitatifs à la diffusion en libre accès.»
Partenariat canadien
Érudit s’est associé officiellement, l’an dernier, à l’autre acteur influent au Canada en matière de libre accès, le Public Knowledge Project, des universités Simon Fraser (Colombie-Britannique) et Stanford (Californie), dont l’objectif est de rendre la recherche financée par les fonds publics librement accessible. Le Public Knowledge Project a conçu, notamment, l’outil Open Journal System, employé par plus de 10 000 revues savantes dans le monde.
On comprend dès lors qu’Érudit propose le libre accès à des articles des deux langues officielles. «Ce n’est pas nouveau, mais nous sommes encore perçus comme une plateforme de diffusion en français. Nous tâchons donc de convaincre les éditeurs de revues scientifiques du Canada de publier chez nous.»
En cette semaine du libre accès (voir l’encadré), les responsables du consortium Érudit soulignent la décision de la direction des bibliothèques de l’Université de Montréal de renégocier en 2015 ses contrats avec les géants de l’édition que sont les Elsevier, Springer Nature, John Wiley & Sons, Taylor & Francis et Sage. Le service des bibliothèques économise désormais 1 M$ par année sur un budget d’acquisitions d’environ 11 M$. Depuis, 28 universités canadiennes ont emboîté le pas à l’UdeM.
Un modèle exemplaire
La question de la langue a joué un rôle dans la croissance d’Érudit depuis ses débuts. «Comme les revues du Québec n’intéressaient pas les grands éditeurs commerciaux, elles se trouvaient en périphérie du monde numérique. C’est pourquoi on a créé cette plateforme; l’expertise aujourd’hui est prise en exemple à l’étranger», illustre Vincent Larivière.
Au Brésil, on a observé un phénomène similaire et le consortium SciELO, l’équivalent lusophone d’Érudit, permet d’accéder en ligne depuis 20 ans à quelque 745 000 articles publiés dans les revues nationales. C’est dans ce pays que s’est tenue le mois dernier une importante rencontre de spécialistes du libre accès. Érudit y était représenté. «On voit dans ce genre de rencontre que la résistance s’organise», conclut Tanja Niemann.
C’est la semaine du libre accès!
En cette 11e Semaine internationale du libre accès ‒ du 22 au 28 octobre ‒, rappelons que l’Université de Montréal soutient les initiatives de diffusion sans frais de la recherche. «Déterminer des politiques soutenant une diffusion élargie et libre des connaissances et des données de recherche produites à l’UdeM» est l’une des cinq stratégies de son plan quinquennal d’action en recherche, découverte, création et innovation, lancé en 2017.
Les 20 ans d’Érudit seront soulignés par une exposition qui se tiendra dans différentes bibliothèques de l’Université de Montréal entre le 22 octobre et le 9 novembre. L’exposition 20 ans d'Érudit: ça fait quoi, une plateforme numérique? relate le parcours de cette plateforme innovante de diffusion.
On pourra voir l’exposition du 22 au 28 octobre à la Bibliothèque ÉPC-Biologie, du 29 octobre au 4 novembre à la Bibliothèque des lettres et sciences humaines et du 5 au 9 novembre à la Bibliothèque du campus de Laval.