Épuisement professionnel: les symptômes varient grandement selon les périodes de vie
- Forum
Le 5 novembre 2018
- Martin LaSalle
Les symptômes d’épuisement professionnel surviennent à différentes périodes de vie et varient selon qu’on est un homme ou une femme, d’après une étude du professeur Alain Marchand, de l'UdeM.
Les symptômes d’épuisement professionnel varient considérablement en fonction des périodes de vie des travailleurs. Néanmoins, ils se font surtout sentir au début de la vie professionnelle chez les hommes, tandis qu’ils se manifestent de 20 à 35 ans puis après 55 ans chez les femmes. Aussi, les programmes de prévention et de réduction du risque d’épuisement professionnel devraient-ils viser ces groupes de personnes.
Voilà l’un des résultats d’une étude menée par le professeur Alain Marchand et sa collègue Nancy Beauregard, de l’École de relations industrielles de l’Université de Montréal, en collaboration avec Marie-Eve Blanc, agente de recherche à l’École de santé publique de l’UdeM.
L’étude a été réalisée à partir de l’analyse de données obtenues auprès de 2073 travailleuses et travailleurs de 63 entreprises québécoises du secteur privé, tirées d’une recherche effectuée de 2009 à 2012.
Les femmes plus touchées
L’équipe de chercheurs a centré son analyse sur les réponses des participants relatives à trois composantes de l’épuisement professionnel, soit l’épuisement émotionnel (qui découle d’un surcroît d'effort), le cynisme et la diminution de l’efficacité au travail.
Ils ont d’abord remarqué que l’épuisement (ou abattement) émotionnel est la composante qui s’avère la plus déterminante dans l’apparition de l’épuisement professionnel au fil du temps.
«Globalement, le cynisme et l’épuisement émotionnel sont relativement faibles en début de carrière et s’accentuent jusqu’au début de la trentaine pour ensuite diminuer, fait remarquer Alain Marchand. Mais chez les femmes, l’abattement émotionnel augmente radicalement à partir de 55 ans.»
Ainsi, les jeunes hommes sont plus à risque d’épuisement professionnel au début de leur vie active, soit à partir de 18 ans, et ce risque faiblit jusqu’aux alentours de 30 ans. Par contre, chez les femmes, ces symptômes s’accroissent de 20 à 35 ans, puis s’atténuent jusque vers la cinquantaine, après quoi ils s’amplifient à partir de 55 ans.
«Les études antérieures montraient que plus on vieillit, plus les symptômes d’épuisement professionnel s’estompent et c’est ce qu’on a vu chez nos sujets masculins, qui se sont vraisemblablement adaptés à leur travail ou qui ont obtenu de meilleures conditions de travail, mais les résultats pour les femmes différaient considérablement», mentionne Alain Marchand.
Selon lui, les résultats du côté des femmes indiquent que, après avoir acquis une certaine aisance au travail, elles font face à des problèmes de conciliation travail-famille de façon plus prononcée que les hommes. À noter que les participantes étaient d’ailleurs plus nombreuses que les hommes à être en couple.
«L’amplification des symptômes d’épuisement professionnel chez les femmes, à partir de 55 ans, pourrait découler d’une double pression, soit celle d’être performante au travail et celle de devoir venir en aide à un parent âgé», illustre celui qui est aussi directeur de l’Observatoire sur la santé et le mieux-être au travail.
Prévenir l’épuisement professionnel… et d’autres problèmes de santé
Malgré une littérature scientifique abondante sur l’épuisement professionnel, peu d’études ont jusqu’ici été publiées quant aux effets de l’âge et du genre des travailleurs sur sa manifestation.
«Le vieillissement de la main-d’œuvre est une tendance démographique lourde depuis plusieurs années et il pose notamment la question du maintien de la force de travail pour éviter les retraites précipitées, dit Alain Marchand. Or, les femmes auraient tendance à partir à la retraite plus tôt que les hommes possiblement à cause de symptômes d’épuisement plus marqués.»
Le professeur poursuit: «Nos résultats nous donnent une image plus claire de la façon dont l’âge et le genre influent sur l’apparition des symptômes d’épuisement professionnel. Et ils pointent vers l’établissement de programmes particuliers d’intervention et de prévention pour les femmes de 20 à 35 ans puis pour celles de 55 ans, alors qu’elles occupent des positions importantes et qu’elles subissent plus de pression.»
Pour Alain Marchand, pareils programmes doivent tenir compte des différences entre les hommes et les femmes pour éviter, certes, des pertes de nature économique, mais surtout «pour éviter l’apparition d’autres problèmes de santé chez les travailleurs», conclut-il.