Florence François: la réfugiée qui a franchi la frontière du savoir

Florence François

Florence François

Crédit : Amélie Philibert

En 5 secondes

À 51 ans, Florence François réalise son rêve: décrocher un diplôme universitaire après un parcours semé d’embûches.

Lorsqu’elle franchit le poste frontalier de Saint-Armand, à la fin de 2006, avec 35 sous en poche, pour demander le statut de réfugié avec ses deux filles, Florence François est loin de s’imaginer que, 10 ans plus tard, elle terminerait un baccalauréat à l’Université de Montréal. 

Les diplômés ont rencontré Mme François dans un parc de Montréal-Nord, le quartier où elle s’est installée à son arrivée à Montréal. «Ma mère venait d’une famille aisée et éduquée de Port-au-Prince, en Haïti, raconte-t-elle. J’ai grandi entourée de livres, des grands classiques européens du 16siècle, mais aussi des auteurs haïtiens comme Oswald Durand et Etzer Vilaire. Mes parents participaient souvent à des cérémonies de collation des grades.» C’est d’ailleurs à l’une d’elles que sa mère lui chuchote à l’oreille, alors qu’elle a seulement huit ans: «Un jour, ce sera ton tour.» 

Un long chemin pour arriver à l’UdeM

Ces mots d’encouragement mêlés à son amour du savoir ont tranquillement fait leur chemin en elle. Après avoir passé quelques années aux États-Unis pour tenter d’accéder à une vie meilleure, Florence François découvre le Canada à 40 ans, grâce à un centre de réfugiés du Vermont. 

Après quelques nuits passées au YMCA, elle retrouve des membres de sa famille à Montréal-Nord. Puisqu’elle n’a eu d’autre choix que de laisser ses maigres possessions aux États-Unis, elle doit pendant plusieurs mois recourir aux organismes communautaires pour se nourrir et se vêtir. Un jour, sur le chemin du CLSC de Côte-des-Neiges, pour aller en apprendre un peu plus sur le Programme régional d’accueil et d’intégration des demandeurs d’asile, un incident dans le métro l’oblige à descendre à la station Université-de-Montréal. Elle saisit la balle au bond et se rend à l’UdeM pour connaître la procédure d’admission. «Comme revendicatrice du statut de réfugié, je ne pouvais pas étudier, mais Guylaine Laforte, la conseillère du Service d’appui à la formation interdisciplinaire et à la réussite étudiante avec qui j’ai parlé, m’a tout expliqué et invitée à une journée portes ouvertes», relate-t-elle. 

En 2008, grâce à l’Agence des Nations unies pour les réfugiés, le gouvernement canadien lui accorde le statut de réfugié. Un nouveau pan de sa vie s’ouvre alors. «Après deux ans à craindre un retour en Haïti, où il y avait beaucoup de viols, d’enlèvements et de problèmes sociopolitiques, être acceptée comme réfugiée et pouvoir enfin m’inscrire à l’université était un grand rêve qui se réalisait.» Elle dit être très reconnaissante envers le Canada, un pays qu’elle aime et dont elle a à cœur de «promouvoir les valeurs fondamentales de démocratie, solidarité, fraternité, citoyenneté et respect». 

Les défis du retour à l’université

Malgré une grande soif d’apprendre, le retour aux études ne s’est pas fait sans heurts. Florence François, qui souhaite devenir travailleuse sociale, a dû commencer par réussir une année préparatoire aux études universitaires. Le tout en travaillant au service à la clientèle d’une grande banque, un emploi qu’elle obtient après avoir occupé différents petits boulots au Québec. Elle doit rapidement apprendre à concilier famille, travail, études, bénévolat dans sa communauté et… transport en commun! Chaque jour, il lui faut prendre deux autobus et deux lignes de métro pour se rendre à l’UdeM. Sans compter qu’à 43 ans ses années passées sur les bancs d’école étaient bien loin derrière. 

«J’étais la plus vieille de la classe et l’utilisation de la technologie était un grand défi pour moi, dit-elle. De plus, l’approche pédagogique ici, basée sur la compréhension, est très différente de mon expérience en Haïti, où l’on faisait beaucoup de mémorisation. J’ai dû m’adapter.» 

Le Centre étudiant de soutien à la réussite l’aide à progresser dans ses apprentissages et lui permet de rencontrer un psychologue. «J’ai vécu des traumatismes pendant mon périple, alors il fallait exorciser les démons», précise la bachelière en sciences de l’Université de Montréal, aujourd’hui employée du Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux du Nord-de-l’Île-de-Montréal. 

Un modèle d’intégration

Après avoir fièrement porté l’étendard de sa faculté au nom de sa promotion au cours de sa collation des grades l’an passé, Florence François travaille maintenant à satisfaire aux différentes exigences pour obtenir un permis de pratique de travailleuse sociale auprès de l’ordre professionnel. Elle suit notamment des cours à distance de l’Université Laurentienne, en Ontario, où elle souhaite terminer une maîtrise en travail social. «J’ai très hâte d’obtenir mon permis de pratique parce qu’il est temps pour moi de redonner à la communauté de ce pays qui m’a choisie», affirme-t-elle. 

Elle se verrait bien travailler dans un organisme communautaire, auprès de personnes âgées, de femmes immigrantes et de jeunes, pour les encourager à persévérer dans leurs études et les inspirer. «Mon diplôme n’est pas un trophée, mais un passeport. J’espère ouvrir des portes et être une source d’inspiration pour de futurs femmes et hommes immigrants, en particulier issus de la communauté haïtienne. À titre de femme trilingue, je pense que mon intégration est un modèle de réussite pour quiconque désire se réaliser, indique-t-elle. Il faut toujours continuer à avancer et, surtout, ne jamais arrêter de rêver grand.»  

Mon diplôme n'est pas un trophée, mais un passeport.