Karina Mongrain: la musique adoucit les maths
- Revue Les diplômés
Le 5 novembre 2018
- François Guérard
La diplômée du DESS en administration de l’éducation discute avec Guy Breton de la formation musicale pour les élèves du préscolaire qui a été créée à l’école Saint-Rémi de Montréal-Nord.
Au sortir d’une rencontre de deux heures avec Kent Nagano, la directrice de l’école Saint-Rémi de Montréal-Nord, Karina Mongrain, ne contenait plus son excitation. «Je me suis mise à sauter partout sur le trottoir!» se rappelle-t-elle. Le maestro venait de lui faire une offre qui ne se refuse pas. Il proposait de mobiliser l’Orchestre symphonique de Montréal (OSM) et la communauté pour aménager dans son école une mini-Maison symphonique et offrir une formation musicale à ses 200 élèves du préscolaire – jusqu’à trois heures par jour pour certains. Et des chercheurs de l’Université de Montréal seraient présents sur place pour évaluer les effets bénéfiques de l’apprentissage de la musique dans un établissement comptant parmi les plus défavorisés du Québec.
À l’automne 2016 commençait donc l’une des expériences en petite enfance les plus originales dans le monde: le projet La musique aux enfants. La diplômée du DESS en administration de l’éducation en discute avec le recteur Guy Breton.
Guy Breton: Le projet est en cours depuis maintenant deux ans. Quel bilan en faites-vous?
Karina Mongrain: C’est évident qu’il y a des effets positifs. Les élèves qui suivent la formation musicale intensive sont plus concentrés en classe et ils accomplissent leurs tâches plus rapidement. Ils ne sont qu’à la maternelle et l’on sent déjà que leur persévérance scolaire sera grande. Parce qu’ils passent plus de temps à l’école et, aussi, parce que leurs parents s’engagent dans le projet. Ceux-ci assistent aux concerts et les accompagnent lors des visites à la Maison symphonique. Les enfants ont même joué devant 2000 personnes au concert de Noël de l’OSM. Vous auriez dû voir la fierté sur le visage des parents!
G.B.: Si l’école ne met pas les enfants en contact avec la musique classique, seuls les parents qui ont les moyens de payer des cours particuliers le feront. La musique est une richesse à partager. C’est un véhicule pour explorer l’histoire et les cultures du monde. Apprendre à jouer d’un instrument permet aussi d’acquérir une discipline de travail et bien d’autres habiletés. C’est en jouant du trombone dans un orchestre de jazz au début de l’âge adulte que j’ai appris à affronter le trac, ce qui m’est bien utile lorsque je prends la parole en public.
K.M.: La musique aux enfants fonctionne parce que beaucoup de gens y croient. Pas seulement maestro Nagano, mais la commission scolaire, les enseignants, l’Université de Montréal et plusieurs donateurs, car il s’agit d’un projet philanthropique – l’État ne verse pas un sou. Ensemble, nous avons carrément transformé l’école Saint-Rémi: on trouve de jolis petits studios équipés de pianos là où, auparavant, il y avait un vide sanitaire… Pour répéter l’expérience ailleurs, il faudrait que d’autres architectes offrent leurs services pro bono, que d’autres entrepreneurs donnent du temps et des matériaux, c’est-à-dire qu’une communauté entière se mobilise autour d’une école.
G.B.: C’est ici que notre partenariat de recherche prend toute son importance. Nos chercheurs en musique, en sciences de l’éducation et en ergothérapie apporteront des réponses à des questions qu’on se pose depuis longtemps: quel est l’effet de l’apprentissage de la musique sur celui des autres matières? sur la motivation de l’élève? sur le lien entre la famille et l’école? Si les données nous confirment qu’une formation musicale favorise la réussite scolaire, je ne vois pas comment les décideurs pourraient ne pas en tenir compte. Surtout dans un contexte où l’on cherche à réinventer l’école afin, notamment, de lutter contre le décrochage.
K.M.: Tout à fait. Et nous obtiendrons de bien meilleurs résultats si nous transformons ce projet pilote en programme éducatif à long terme. Mais pour cela, nous avons besoin de ressources. Nous devons nous faire adopter par encore plus de donateurs. Je rêve qu’on puisse offrir La musique aux enfants chaque année aux élèves de Saint-Rémi et que notre initiative inspire d’autres communautés, partout au Québec.