Stéphane Laporte: le droit à l’humour, l’amour de la vie!
- Revue Les diplômés
Le 5 novembre 2018
- Martin LaSalle
Stéphane Laporte est un homme aux multiples talents. Le diplômé en droit possède un don exceptionnel: une capacité d’émerveillement qui lui permet de toucher les gens.
Le 20 mars 1961, Stéphane Laporte naît avec des «tendons trop courts» qui rendront sa mobilité atypique. Il grandit dans une famille qui le comble d’amour, à commencer par sa mère, Léonie, qui lui apprend l’importance de mordre dans la vie.
«Pendant ma petite enfance, je jouais beaucoup avec mon grand frère Bertrand [diplômé en médecine de l’UdeM et urgentologue au Nouveau-Brunswick] et j’étais un fan de ma grande sœur Dominique [diplômée en orthophonie de l’UdeM], qui était ballerine», se souvient-il. Tous deux n’avaient jamais fait sentir à leur petit frère qu’il n’était pas physiquement comme eux…
Ce n’est qu’à sa première journée d’école qu’il constate que les autres enfants voient en lui une personne handicapée. «De retour à la maison, j’en ai parlé à ma mère, qui m’a dit:
– Toi, te sens-tu handicapé?
– Non.
– Alors ne t’arrête pas à ce qu’ils te disent. Tu n’as aucune limite, tu peux faire ce que tu veux.»
Le regard des autres ne le freinera pas. Le regard de sa mère le fera avancer. Il peut faire ce qu’il veut et ce qu’il veut, c’est écrire.
Avant même d’entrer au primaire, Stéphane Laporte sait lire et écrire. «À cinq ans, je savais déjà que je vivrais de l’écriture», relate-t-il. Vers l’âge de sept ans, il conjugue l’écriture à son autre grande passion: le Canadien de Montréal. «Le lendemain d’un match, je décrivais le déroulement de la partie et, quand mon père avait terminé de lire son journal, je découpais les photos des joueurs: je collais le tout dans des albums!»
Écrire et faire rire
Plus tard, au Collège de Montréal, il use de son sens de la répartie pour faire rire ses professeurs. «Neuf fois sur dix, ça fonctionnait, rigole-t-il. J’étais tannant, mais j’avais de bonnes notes même si j’étudiais peu: je lisais beaucoup, j’étais attentif et je retenais la matière.»
Il apprend aussi beaucoup de ses activités parascolaires, qui forment d’ailleurs les assises de la carrière prolifique qu’il connaîtra plus tard.
Avec Pierre Dubois, un professeur estimé de tous, l’élève Laporte crée le journal Croc-Mort. «Ma passion de l’écriture s’est poursuivie: je rédigeais presque tout le contenu du journal et je parlais de tout, des conflits au Moyen-Orient aux victoires du Canadien de Montréal.»
C’était la belle époque des Glorieux… Au cours de ses années de secondaire, l’équipe remporte quatre Coupes Stanley. Et le défilé passait à quelques pas du Collège. «Nous n’avions pas le droit d’y assister, mais on sautait la clôture et on y allait quand même. Ça nous valait une retenue, mais on s’en fichait!» dit-il le sourire en coin.
Cette dissidence pacifique, il en fera bon usage à l’Université de Montréal…
Du «Pigeon dissident» au magazine «Croc»
Aspirant à une carrière en journalisme, Stéphane Laporte s’inscrit à la Faculté de droit de l’Université de Montréal, où il obtient son diplôme en 1982. Il ne deviendra toutefois pas avocat, car une autre voie l’attend.
C’est qu’au cours de ses études il écrit pour Le Pigeon dissident, le journal des étudiants de la Faculté de droit. À l’époque, il s’agit d’une publication sérieuse dans laquelle on analyse des causes et des jugements. Lorsque Stéphane Laporte en devient le rédacteur en chef, il lui donne une tournure satirique qui lui permettra d’aiguiser sa plume humoristique.
«Le sérieux du droit a développé mon sens de l’humour et j’y ai pris goût. J’ai envoyé des copies du journal à Pierre Huet, qui dirigeait le défunt magazine humoristique Croc, et je suis devenu un collaborateur du magazine tandis que je faisais mon barreau, raconte Stéphane Laporte. Je n’ai pas fait mon stage en droit, car Le Pigeon dissident m’a donné des ailes!»
Ses articles dans Croc sont remarqués par l’imitateur André-Philippe Gagnon, qui l’embauche pour écrire ses textes et assumer la direction artistique de ses spectacles. Le duo fera le tour du monde. Amorcée en janvier 1985, cette collaboration – qui se poursuit toujours – le propulsera.
Il devient tour à tour réalisateur, concepteur et directeur artistique de nombreuses émissions, dont L’enfer, c’est nous autres, animée par Julie Snyder – qui a été sa compagne pendant trois ans –, La fin du monde est à 7 heures et Infoman. Il travaille aussi avec Dominique Michel – un rêve de jeunesse – en réalisant les Bye Bye de 1993 à 1996.
En 1996, un autre rêve d’enfance se concrétise: La Presse lui offre une tribune d’humeur qui lui permet, aujourd’hui encore, de poser un regard personnel sur l’actualité.
Puis il adapte Star Académie, qui a remis la chanson à l’avant-plan dans une émission de variétés et qui a connu le succès que l’on sait. Il réalise aussi La voix et Le banquier. Pendant toutes ces années, Stéphane Laporte aura auditionné plus de 50 000 personnes et son flair aura permis de découvrir de nombreux talents, de Marie-Mai à Charlotte Cardin.
Dans l’intervalle, il se fait cinéaste en tournant le film Céline autour du monde, après avoir suivi Céline Dion et René Angélil pendant 18 mois, sur les cinq continents, avec la tournée Taking Chances et accumulé 800 heures de tournage.
Un homme heureux
«Ce qui est merveilleux dans tous ces projets, ce sont les rencontres, les liens créés, les heures partagées autant avec les gens dans la lumière comme André-Philippe, Julie, Dodo, Céline, René ou Yama qu’avec ceux dans l’ombre comme Elsa, Suzanne, Esther, Clodine ou Camille», confie-t-il.
«Ce qui me rend heureux, c’est lorsqu’on réussit à créer ensemble des moments qui touchent le cœur des gens, qui les rassemblent, qui les accompagnent et qui font partie de leur vie, conclut Stéphane Laporte. C’est ce qui me plaît dans une chanson, un livre, un film ou une émission. C’est ce que j’aime recevoir, alors c’est ce que j’aime donner à mon tour. Le fil rouge liant autant les chroniques que je rédige que les émissions que je réalise, c’est l’amour de la vie. Elle est si courte. Il faut profiter de chaque seconde, foncer et ne rien laisser nous arrêter.»
Préjugés tenaces à l’endroit des personnes handicapées
C’est aussi pour mettre en valeur la vie des personnes ayant des différences physiques et leur donner une chance que Stéphane Laporte devient, en 2011, porte-parole de l’Office des personnes handicapées du Québec, pour les prix À part entière. Remis tous les deux ans à l’Assemblée nationale, ces prix saluent les actions menées par des individus, des entreprises et des organismes qui contribuent à faire progresser la participation des personnes handicapées dans la société.
«J’ai vécu tous les préjugés, indique-t-il. On s’est adressé à ma blonde plutôt qu’à moi pour savoir ce que je voulais parce que j’étais en fauteuil roulant! Être en fauteuil roulant ne rend pourtant pas les gens inaptes», s’indigne-t-il.
«Les gens ont encore la perception que les personnes handicapées sont inférieures, se désole Stéphane Laporte. C’est un des derniers tabous de notre société et je souhaite contribuer à le faire tomber.»