Partis populistes: là pour de bon

  • Forum
  • Le 16 novembre 2018

  • Martine Letarte
Actuellement dans le monde, plusieurs partis populistes ont le vent dans les voiles. Leurs électeurs peuvent être assez fidèles, leur permettant de s’inscrire dans la durée.

Actuellement dans le monde, plusieurs partis populistes ont le vent dans les voiles. Leurs électeurs peuvent être assez fidèles, leur permettant de s’inscrire dans la durée.

Crédit : Getty

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On les pensait impulsifs, mais les partisans des partis populistes ne sont pas plus changeants que ceux des autres partis plus établis.

Plusieurs partis populistes ont le vent dans les voiles actuellement dans le monde et, si plusieurs pensaient que c’était en raison d’un mécontentement momentané dans l’électorat, Ruth Dassonneville, professeure adjointe au Département de science politique de l’Université de Montréal, vient de montrer que ces électeurs peuvent être assez fidèles. Et ils permettent ainsi aux partis populistes de s’inscrire dans la durée.

Au Brésil, où un climat de violence et la corruption nuisent à la croissance de l’économie, Jair Bolsonaro, leader d’extrême droite chef du Parti social-libéral, vient d’être élu à la présidence. L’Europe, dans un contexte de vagues migratoires et de terrorisme, voit aussi plusieurs pays porter l’extrême droite au pouvoir, telle la Hongrie. D’autres flirtent avec elle, comme la France, où le Front national de Marine Le Pen obtient des succès électoraux grandissants.

«Oui, il y a du mécontentement chez les partisans des partis populistes, mais ils ne forment pas un bassin d’électeurs vraiment plus instable que celui des autres partis plus établis», explique Ruth Dassonneville, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en démocratie électorale.

C’est ce qu’elle a découvert en réalisant avec Remko Voogd, un collègue de l’Université d’Amsterdam, cette étude publiée dans Government and Opposition.

Pour arriver à cette conclusion, ils ont puisé dans la Comparative Study of Electoral Systems, une base de données sur les élections dans plus de 50 pays.

Les chercheurs ont donc regardé les votes d’une cinquantaine d’élections, puis ceux de la suivante, pour quatre ou cinq partis politiques dans différents pays où existaient des partis populistes. Les chercheurs ont ensuite comparé le comportement des électeurs des partis populistes, situés principalement en Europe et en Amérique du Sud, avec ceux des autres partis en vue d’analyser leur stabilité.

Le populisme de gauche à droite

Ruth Dassonneville

Crédit : Amélie Philibert

Si le Canada et les États-Unis font partie de la base de données, ces deux pays n’ont pas été étudiés parce qu’aucun de leurs partis politiques dans l’histoire récente ne correspond à la définition de «populiste».

Mais qu’est-ce qu’un parti populiste, précisément? «La définition du populisme est très débattue dans la littérature, mais un élément fait consensus, et c’est l’opposition entre le peuple et l’élite», répond Ruth Dassonneville.

Et il peut être d’extrême gauche, comme le parti Podemos, en Espagne, ou d’extrême droite, comme le Parti pour la liberté de Geert Wilders, aux Pays-Bas. «Les partis populistes de droite vont parler du peuple comme ethnie, tandis que les partis populistes de gauche vont définir le peuple à partir de la classe sociale», nuance Ruth Dassonneville, qui s’intéresse entre autres dans ses recherches au comportement des électeurs.

Maintenir le mécontentement

S’il y a du mécontentement chez les partisans des partis populistes, Ruth Dassonneville et son collègue révèlent aussi que ce sentiment peut devenir un facteur important de la stabilité des appuis. «Si le parti peut faire en sorte que les électeurs restent mécontents, il les gardera comme électeurs», indique la chercheuse. Et ce, qu’il soit au pouvoir ou pas.

«Si, une fois élus, ces partis ne réussissent pas à réaliser leurs promesses, ils vont dire par exemple que c’est la faute des autres partis établis afin de maintenir le mécontentement», souligne Ruth Dassonneville.

D’ailleurs, la chercheuse a constaté que, si l’on assiste aujourd’hui à une montée des partis populistes, certains existent depuis longtemps. «Plusieurs datent d’une vingtaine d’années, précise-t-elle. Ils ne sont pas nouveaux. En misant sur le mécontentement et en l’alimentant, ils arrivent graduellement à constituer des bassins d’électeurs loyaux. Donc, cela signifie que ces partis ne vont pas disparaître. Ils sont là pour de bon.»

Ruth Dassonneville a fait son doctorat sur les déterminants de la volatilité électorale à l’Université catholique de Louvain, en Belgique, des travaux qui lui ont valu en 2016 le prix de la meilleure thèse des associations de science politique des Pays-Bas et de Flandre.

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