Les algorithmes: occasions pour la science politique

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  • Le 27 novembre 2018

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Éric Montpetit

Éric Montpetit

Crédit : Cait Lemieux

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L’intelligence artificielle permettra de mieux analyser les textes produits par l’État, en plus d’aider à la décision gouvernementale, selon Éric Montpetit, professeur de science politique à l’UdeM.

Par Éric Montpetit, professeur au Département de science politique


L’usage que font les gouvernants de l’intelligence artificielle est un objet de recherche important en science politique, mais ce champ de recherche offre aussi aux politologues des outils qui peuvent contribuer à améliorer le fonctionnement de l’État.

Gouverner, c’est entre autres produire des textes, des quantités monstres de textes rendus publics en version électronique par la plupart des États modernes, dont le Canada. Les lois figurent parmi les textes les plus contraignants. À celles-ci s’ajoutent les règlements, les politiques, les programmes, les budgets, les décisions administratives, les directives ministérielles, les analyses et j’en passe.

Les discours des élus sont pour la plupart retranscrits et rendus accessibles sur Internet; les débats parlementaires et les travaux des commissions et comités le sont aussi. Les rencontres intergouvernementales donnent lieu à des communiqués de presse, comme la plupart des initiatives prises par les ministères. Les documents de consultation sont publiés sur le site des ministères, de même que les mémoires et prises de position des groupes qui participent à ces consultations. Et chaque fois qu’un lobbyiste contacte le titulaire d’une charge, un rapport de communication doit être produit et mis en ligne dans un registre.

Le gouvernement doit aussi mettre en ligne les renseignements de base des contrats qu’il accorde à des entreprises privées. Et ces textes ne sont que des exemples de ce qu’on trouve sur les sites officiels des États modernes; il est maintenant notoire qu’élus et ministères utilisent abondamment les médias sociaux pour faire connaître leurs réalisations et leurs positions sur des enjeux d’actualité.

De nouvelles façons d’aborder la science politique

L’accessibilité de cette grande quantité de textes, conjuguée au développement des outils de l’intelligence artificielle qui permettent de l’analyser, offre aux chercheurs en science politique de nouvelles façons d’aborder les questions classiques de leur discipline.

L’État est-il plus prompt à écouter les demandes de l’industrie que celles d’autres groupes? L’État privilégie-t-il des instruments de plus en plus coercitifs? L’action de l’État correspond-elle aux préférences des citoyens? Comment cette action s’exerce-t-elle en fonction des contextes sociaux, économiques, scientifiques et politiques qui changent constamment?

Les algorithmes conçus pour répondre à ces questions peuvent aussi devenir des outils d’aide à la décision gouvernementale. Si l’analyse des textes produits par l’État permet aux chercheurs de comprendre la cohésion de l’action d’un État de plus en plus gros et fragmenté par exemple, elle peut aussi aider les gouvernements à améliorer cette cohésion en désignant rapidement les ministères et organismes publics qui agissent de façon contradictoire.

Permettant d’évaluer la probabilité qu’une décision soit contestée par les tribunaux, de cibler les sanctions qui favorisent le respect des règlements ou de mesurer la désuétude de mesures prescriptives, les algorithmes peuvent contribuer à l’établissement de meilleures politiques publiques.

Gouverner par algorithmes présente certes des risques pour la démocratie. Les algorithmes peuvent cependant aussi contribuer à la compréhension de ce que font les démocraties et à la bonification de leur action.