Une formation obligatoire pour aider les directions d’école à instaurer un milieu plus inclusif
- Forum
Le 17 janvier 2019
- Martin LaSalle

«L’inclusion constitue à la fois une visée et une condition du droit à l’éducation pour tous et pour toutes, aux côtés de principes d’égalité et de justice sociale ayant guidé la démocratisation du système éducatif à la fin des années 60, avec le rapport Parent», indique la professeure Marie-Odile Magnan.
Crédit : GettyGrâce aux travaux de la professeure Marie-Odile Magnan, l’UdeM innove en offrant un cours obligatoire sur l’éducation inclusive dans son DESS en leadership et gestion des établissements scolaires.
Parmi les compétences requises par les commissions scolaires et le ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur (MEES) pour occuper un poste de direction dans un établissement d’enseignement, celles liées à l’équité, l’inclusion et la justice sociale ne le sont pas encore.
Jusqu’à maintenant, il n’existait aucun cours obligatoire dans les programmes en administration scolaire des universités québécoises relatif à la prise en considération de la diversité sociale et aux enjeux en matière d’équité, d’inclusion et de justice sociale en éducation.
Or, vu le contexte de pluralité sociale et ethnique dont les directions d’école doivent tenir compte dans la grande région de Montréal, l’Université de Montréal offrira dès l’automne prochain le cours Diriger en milieu urbain dans son diplôme d’études supérieures spécialisées en leadership et gestion des établissements scolaires.
Axé sur l’acquisition de compétences propres au leadership inclusif dans un environnement pluriethnique, ce cours obligatoire aborde aussi d’autres marqueurs des inégalités sociales, dont l’origine socioéconomique des élèves, les différences d’aptitudes et le genre.
Une recherche-action/formation menée en collaboration avec la CSDM
Cette initiative découle des travaux effectués par Marie-Odile Magnan, professeure responsable des études supérieures au Département d’administration et fondements de l’éducation de la Faculté des sciences de l’éducation, et sa collègue chargée d’enseignement Julie Larochelle-Audet.
Dans le cadre d’une recherche-action/formation réalisée de 2014 à 2017, elles ont observé que les compétences associées à l’équité, l’inclusion et la justice sociale ne font pas partie de l’ensemble des compétences exigées par les commissions scolaires et le MEES. Et surtout elles ont constaté qu’il existe «peu de programmes de formation en leadership qui se penchent sur les enjeux de la diversité en milieu scolaire ou qui s’y intéressent dans un cours en particulier».
Pendant trois ans, les enseignantes ont bénéficié du financement d’un programme du ministère, nommé Chantier 7, visant la formation continue du personnel scolaire québécois par les milieux universitaires.
L’analyse de la littérature scientifique sur les différentes théories du leadership en éducation a mené Mmes Magnan, Larochelle-Audet et leurs collègues à se mobiliser autour du modèle d’éducation inclusive, «un modèle cohérent avec le leadership transformatif, qui permet à une direction d’école de remettre en question certaines façons d’utiliser le pouvoir pour apporter des changements qui favorisent l’équité», écrivent-ils.
L’équipe du projet, composée de chercheurs universitaires ainsi que de conseillers pédagogiques et de cadres de la Commission scolaire de Montréal (CSDM), a recruté six directrices d’écoles primaires. Après avoir parfait leurs connaissances théoriques et empiriques, elles ont été accompagnées pour établir des stratégies de mise en œuvre de leur leadership transformatif, qu’elles ont ensuite partagées avec leurs personnels respectifs.
Enfin, l’équipe du projet a proposé de bonifier l’ensemble des compétences à posséder dans les directions de la CSDM par l’ajout d’une compétence liée à l’équité et à l’inclusion, en plus de rendre transférables les connaissances qu’avaient acquises les directrices d’école dans le contexte du Chantier 7.
Un leadership légitimé et plus affirmé
La mise en commun de leurs pratiques institutionnelles avec d’autres directions d’école et avec l’équipe du projet a permis aux participantes d’avoir accès à un espace à la fois individuel et collectif de réflexion, et d’enrichir leurs savoir-faire.
«Grâce à l’acquisition d’une conscience critique de soi, du milieu scolaire et de la société, les directrices d’école qui ont pris part au chantier se sentent mieux outillées pour créer un environnement inclusif et équitable dans le but de transformer réellement leur milieu», indique Marie-Odile Magnan.
Leur leadership est aussi plus affirmé parce qu’il est associé aux savoirs scientifiques et institutionnels acquis durant le projet. La notion de courage moral – au cœur du leadership transformatif – est également ressortie des commentaires formulés par les participantes.
Toutefois, malgré les avantages du projet, celles-ci ont exprimé le souhait d’accroître leur savoir sur le leadership en milieu pluriethnique et d’être soutenues par les politiques de leur commission scolaire et par le ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur pour renforcer leur légitimité en tant que leaders transformatifs.
Des recommandations déjà appliquées par les commissions scolaires
En parallèle du projet de recherche, Mmes Magnan et Larochelle-Audet ont cofondé un groupe de travail provincial sur les compétences des directions d’école, qui a produit un rapport après avoir analysé plusieurs ensembles de compétences utilisés dans différents pays.
Ce rapport a été présenté à plusieurs parties prenantes du milieu éducatif, dont le MEES, les responsables des programmes en administration scolaire des universités québécoises et les gestionnaires des commissions scolaires.
Ses recommandations vont d’ailleurs dans le sens de la nouvelle Politique de la réussite éducative adoptée en 2017 par le ministère, qui fait une place centrale à l’instauration de milieux éducatifs inclusifs.
Globalement, le rapport propose un modèle de compétences que les directions d’école doivent développer pour mettre en œuvre une éducation inclusive et offre de nouveaux repères pour guider les directions dans l’exigeant rôle qui leur est confié. Et déjà ce modèle est suivi par des commissions scolaires dans certaines de leurs formations.
«L’inclusion constitue à la fois une visée et une condition du droit à l’éducation pour tous et pour toutes, aux côtés de principes d’égalité et de justice sociale ayant guidé la démocratisation du système éducatif à la fin des années 60, avec le rapport Parent», conclut Marie-Odile Magnan.