L’union des saules et des champignons pour décontaminer les sols
- Forum
Le 24 janvier 2019
- Dominique Nancy
Maxime Fortin Faubert reçoit une prestigieuse bourse de la Fondation David Suzuki pour faire des recherches sur l’adaptation aux changements climatiques et l’aménagement de villes durables.
Utiliser des plantes et des champignons pour décontaminer les sols? L’idée peut surprendre. Et pourtant, depuis le printemps 2015, Maxime Fortin Faubert, candidat au doctorat en biologie à l’Université de Montréal et lauréat d’une bourse de 50 000 $ de la Fondation David Suzuki, se penche sur la question.
Au cours de ses études doctorales, M. Faubert a fait des recherches sur le vivant dans le but de mettre au point des solutions biotechnologiques novatrices pour décontaminer les sols et combattre les changements climatiques. Les résultats de ces travaux apportent de nouvelles façons d’adapter l’environnement au réchauffement de la planète et d’aménager des villes durables.
Techniquement, l’utilisation des saules et du substrat épuisé de champignonnières a déjà fait ses preuves. Sous la direction des professeurs Michel Labrecque et Mohamed Hijri, de l’Institut de recherche en biologie végétale de l’UdeM, les travaux de Maxime Fortin Faubert en ont montré des effets significatifs sur la qualité des sols. Ils ont aussi révélé que l’approche permet de produire une grande quantité de la biomasse ligneuse, un produit d’une grande valeur économique. «Ces résultats sont encourageants, car ils démontrent la faisabilité de l’approche, estime le doctorant. En tout cas, en laboratoire la technique est intéressante.» Dans la réalité, les difficultés sont beaucoup plus grandes, admet-il. «On ne peut pas tout contrôler comme dans un laboratoire!»
Une chose est sûre: si l’on veut faire place nette, il faudra aller au-delà de la méthode traditionnelle qui consiste à faire l’excavation des sols, puis à enfouir leurs contaminants, une stratégie communément appelée dig and dump.
«Bien que simple et rapide, cette façon de faire ne résout pas le problème, explique Maxime Fortin Faubert. Elle ne fait que le déplacer. Toute la manutention qui y est associée engendre des quantités considérables de gaz à effet de serre et est si onéreuse que de nombreux propriétaires choisissent, tout simplement, d’abandonner les terrains contaminés dont ils sont responsables. En raison de leur faible fertilité, ces zones vacantes sont souvent mal végétalisées, agissant, de ce fait, comme des “îlots de chaleur” dans les milieux urbains, amplifiant ainsi les effets du réchauffement climatique.»
«La contamination des sols est une problématique environnementale majeure, à laquelle toutes les municipalités canadiennes sont confrontées et qui a d’importantes répercussions sur la santé humaine et environnementale», précise le chercheur de 28 ans. Hélas, vu la durée de vie des contaminants de certains terrains, le temps qui passe n’y changera pas grand-chose: en 2030, 2050, ces terrains resteront dangereux… Si rien n’est fait.
Avantages environnementaux et socioéconomiques majeurs
«Dans mes études de doctorat, j’ai abordé le sujet en combinant la capacité naturelle du mycélium des champignons décomposeurs, encore présent dans le substrat de culture après la récolte commerciale, par exemple des pleurotes pour dégrader les contaminants organiques, avec celles des plantes ligneuses à croissance rapide, telles que les saules, afin de séquestrer le carbone ainsi que les contaminants inorganiques comme les métaux dans leurs tissus, indique le chercheur. Mon objectif était de vérifier l’incidence de la combinaison de ces organismes, reconnus pour leur efficacité respectivement en mycoremédiation et en phytoremédiation, sur la production de biomasse végétale, sur les contaminants et les communautés microbiennes du sol, pour tenter de mieux comprendre les interactions biologiques complexes qui ont lieu dans les sols contaminés.»
Un travail de longue haleine et innovateur qui nécessite des compétences et expertises dans différents domaines, dont l’écotoxicologie, la métagénomique, la microbiologie, la botanique, l’hydrologie et la chimie. Maxime Fortin Faubert prévoit déposer sa thèse au printemps et entamera ensuite le projet captivant pour lequel la bourse David Suzuki lui a été attribuée.
Grâce à cette prestigieuse bourse, il brossera le tableau actuel des sols contaminés sur l’île de Montréal pour repérer les lieux vacants qui contribuent le plus aux îlots de chaleur et déterminer lesquels pourraient être transformés en espaces verts afin d’améliorer le degré de résilience de Montréal face aux changements climatiques.
«Je suis très enthousiaste à l’idée d’entreprendre un projet qui vise à élaborer des solutions durables pour résoudre des enjeux environnementaux et socioéconomiques», fait-il valoir.