Dix ans de recherche ont permis de mieux traiter un cancer mortel

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  • Le 7 février 2019

  • Mathieu-Robert Sauvé
Les chercheurs de l'IRIC avaient de bonnes nouvelles à annoncer à la Journée mondiale contre le cancer.

Les chercheurs de l'IRIC avaient de bonnes nouvelles à annoncer à la Journée mondiale contre le cancer.

Crédit : Christian Brault

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Quatre chercheurs engagés dans le projet Leucégène ont présenté un bilan positif de la première décennie de travaux sur un type de leucémie mortelle.

«Il est temps d’arrêter de jouer avec des souris», a dit la Dre Josée Hébert à son collègue Guy Sauvageau lorsqu’elle a estimé qu’il devait travailler avec des hommes et des femmes atteints d’un cancer qui faisait des ravages dans son unité. L’immuno-oncologue de l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont voyait trop de gens mourir de leucémie myéloïde aiguë (LMA), une affection pour laquelle le professeur Sauvageau avait obtenu d’excellents résultats en laboratoire.

«Le taux de survie ne dépassait pas 25 % et les traitements connus étaient invasifs, voire toxiques», a rappelé le Dr Sauvageau à un déjeuner-causerie donné à l’occasion de la Journée mondiale contre le cancer à l’Institut de recherche en immunologie et en cancérologie (IRIC) de l’Université de Montréal le 4 février. La greffe de cellules souches avait eu un certain succès, mais le rejet était trop souvent le résultat de l’intervention, sans parler des récidives.

C’est alors qu’est né Leucégène, un ambitieux projet conciliant recherche clinique, applications bio-informatiques et connaissances fondamentales qui a pour but de constituer une banque d’échantillons provenant de personnes malades afin de mieux caractériser la LMA. Dix ans plus tard, quelque 500 patients ont accepté de participer à l’établissement de cette banque, qui est devenue l’une des plus importantes du genre dans le monde.

Le DSauvageau ne regrette pas d’avoir laissé ses souris, comme il l’a confié au journaliste scientifique Yanick Villedieu, qui animait la rencontre. «Notre compréhension de la maladie s’est nettement améliorée depuis 10 ans. Ce cancer est relativement rare – il représente environ un pour cent des cas, soit environ 1500 par année au Canada –, mais il est très souvent mortel. Nous avons bon espoir qu’une thérapie efficace soulagera la souffrance d’un grand nombre de patients.»

Travail interdisciplinaire

Les découvertes de la dernière décennie devraient rapidement avoir une incidence sur la mortalité, croit également la Dre Hébert. «Nous sommes rendus au chevet du patient. Nous n’avions pas connu d’amélioration dans le traitement de la LMA entre 1973 et 2017; soudain, de grands pas ont été franchis. Huit nouvelles molécules ont été acceptées par la Food and Drug Administration aux États-Unis et une première fera son entrée au Canada.»

À l’IRIC, le travail n’aurait pu se faire sans la collaboration étroite de Sébastien Lemieux, professeur de bio-informatique, et Philippe Roux, spécialiste de la signalisation cellulaire et de protéomique. Alors que ce dernier se penche sur les protéines en jeu dans le complexe processus du cancer, le professeur Lemieux voit à adapter l’intelligence artificielle aux recherches en oncologie. «Imaginez une colonne de 500 lignées cellulaires et 20 000 gènes humains. Pour chaque patient correspondent quelque 50 gigaoctets de données. On doit pouvoir interpréter ces données pour qu'elles aient un sens», a-t-il mentionné.

Les travaux de l’IRIC ont nécessité des subventions massives des grands organismes subventionnaires comme la Fondation canadienne pour l’innovation et le Fonds de recherche du Québec ‒ Santé. Mais les chercheurs ne sont pas à l’abri des changements d’humeur des gouvernements, de sorte que Leucégène s’est retrouvé sans fonds pendant plusieurs mois. «C’est là que la philanthropie joue un rôle majeur, qui n’est pas toujours bien compris», a insisté le Dr Sauvageau.

Dans la causerie matinale, les conférenciers ont tenu à souligner que la structure de l’IRIC permet aux chercheurs de se côtoyer sur une base quotidienne. Cette proximité interdisciplinaire est essentielle aux yeux des spécialistes, qui affirment que les collaborations décentralisées ne seront jamais aussi efficaces. «Oui, on assiste à des congrès et on communique avec des collègues à l’étranger, mais nos réunions hebdomadaires sont indispensables pour faire évoluer nos travaux», a dit Guy Sauvageau.

  • Le journaliste Yanick Villedieu (à gauche) animait la causerie prononcée par (dans l'ordre habituel) Guy Sauvageau, Josée Hébert, Sébastien Lemieux et Philippe Roux.

    Crédit : Christian Brault