Le chemin est encore semé d’embûches pour les femmes d’affaires
- Forum
Le 26 mars 2019
- Mathieu-Robert Sauvé
L’Université de Montréal accueillait quatre femmes d’affaires à l’occasion du lancement du rapport de l’Observatoire de la Francophonie économique, le 22 mars.
Quand une femme se présente devant un banquier pour lancer une entreprise, elle est encore reçue avec circonspection. «Contrairement aux hommes, on la juge sur ses réalisations plutôt que sur son potentiel», a déploré Danièle Henkel, femme d’affaires d’origine maghrébine rendue célèbre au Québec pour sa participation pendant cinq saisons à l’émission Dans l’œil du dragon.
Mais les temps changent et les femmes sont de plus en plus présentes dans le monde des affaires, a poursuivi cette mère de quatre enfants arrivée au Québec en 1990. Mme Henkel était l’une des trois conférencières invitées par l’Observatoire de la Francophonie économique, le 22 mars à la salle Roger-Guillemin de l’Université de Montréal, pour parler d’entrepreneuriat au féminin. Le titre de la table ronde: «Comment réaliser le plein potentiel?»
La ministre des Relations internationales et de la Francophonie du Québec, Nadine Girault, a admis que, dans le milieu bancaire, où elle a travaillé avant de faire le saut en politique, on ne traite pas toujours les femmes de la même façon que les hommes. Elle a souligné par ailleurs la faible proportion de femmes dans les conseils d’administration des entreprises, une situation que le gouvernement Legault aimerait renverser.
L’ex-chancelière de l’Université de Montréal, Louise Roy, avait accepté de revenir sur le campus de la montagne afin d’animer cette rencontre à laquelle participait également Déborah Cherenfant, responsable de BCF Imagine et présidente du conseil d’administration de Compagnie F. Au Québec depuis 2007, cette dernière a résumé les embûches qui ont jalonné son parcours de «Noire engagée dans le secteur de la mode». Sans parler de discrimination systématique, elle estime avoir eu certains problèmes à se faire accepter dans le milieu des affaires.
Cela dit, elle a fait remarquer que la situation des femmes au Québec a connu une évolution rapide au cours des trois dernières décennies. «Il n’y a pas si longtemps, une femme devait obtenir la signature de son mari pour contracter un prêt bancaire», a-t-elle mentionné.
Confiance en soi
Les conférencières ont indiqué que l’un des obstacles que doivent surmonter les femmes demeure toutefois leur manque de confiance en elles. «Il ne faut pas avoir peur d’affirmer son ambition», a dit Mme Cherenfant.
Pour Mme Girault, ce problème d’estime de soi plombe le processus. «On sait que les femmes demandent en moyenne de 15 à 20 % moins que leurs collègues masculins quand elles s’adressent aux banques», a-t-elle donné comme exemple.
Mme Henkel a relaté ses premières tentatives visant à financer ses projets d’affaires. Elle avait besoin de 100 000 $, mais on ne lui a accordé que 17 000 $; et encore en lui demandant de trouver de son côté 5000 $.
Mais les femmes s’organisent pour rassembler leurs forces. La création du Réseau des femmes d’affaires du Québec et d’autres regroupements vise à briser l’isolement de celles qui veulent mettre sur pied une entreprise.
Rapport de l’Observatoire
Le directeur de l’Observatoire de la Francophonie économique, Brahim Boudarbat, a profité de la rencontre à laquelle une soixantaine de personnes ont assisté pour présenter le premier rapport annuel de l’organisme, consacré à l’Afrique francophone.
Dans une courte allocution, le recteur Guy Breton a loué le travail de cet observatoire créé en 2017 et rappelé que l’Université de Montréal «prend au sérieux son rôle d’université francophone de calibre international» en soutenant cette unité et bien d’autres projets.
La ministre Girault a noté, de son côté, l’importance grandissante de l’Afrique dans l’économie mondiale. Importance démographique aussi, puisqu’en 2100 quelque 40 % de la population mondiale sera africaine. Elle a adressé un message aux entrepreneurs et aux participants: «Soyez fiers de notre langue, ici comme ailleurs.»