Pour une image saine et éthique en radiologie

Les logiciels d'intelligence artificielle peuvent analyser des images médicales, et la pratique deviendra de plus en plus courante, aidant les radiologistes à détecter les anomalies, diagnostiquer les maladies, surveiller les cancers et offrir de meilleurs pronostics.

Les logiciels d'intelligence artificielle peuvent analyser des images médicales, et la pratique deviendra de plus en plus courante, aidant les radiologistes à détecter les anomalies, diagnostiquer les maladies, surveiller les cancers et offrir de meilleurs pronostics.

Crédit : Getty

En 5 secondes

Les radiologistes canadiens se tournent vers l’IA pour analyser les images de leurs patients. Ces derniers devraient-ils avoir davantage leur mot à dire dans l'utilisation des données?

An Tang

Crédit : Caroline Campeau

Les logiciels d'intelligence artificielle (IA) peuvent analyser des images médicales, et la pratique deviendra de plus en plus courante, aidant les radiologistes à détecter les anomalies, diagnostiquer les maladies, surveiller les cancers et offrir de meilleurs pronostics.

Mais pour fonctionner efficacement, les algorithmes d'IA ont besoin de grandes quantités de données. Or, obtenir explicitement le consentement des patients pour recueillir et utiliser des informations sur leur état de santé dans le but d’améliorer les soins peut constituer un frein à la collecte de données. Quels sont les défis et les risques pour la vie privée des gens?

Cette semaine, l'Association canadienne des radiologistes (CAR) a publié un livre blanc sur les questions éthiques et juridiques soulevées par l'utilisation de l'IA dans leur profession. Professeur agrégé de radiologie à l'Université de Montréal, An Tang préside le groupe de travail sur l'intelligence artificielle de la CAR.

Quels sont les risques d'atteinte à la vie privée associés à l'utilisation de l'IA en radiologie?

Le principal risque est l'utilisation secondaire non autorisée de données qui ont été initialement recueillies pour les soins cliniques. Lorsque les données sont ensuite analysées par les chercheurs en vue d'une étude rétrospective, il y a un risque, si les données n'ont pas été complètement anonymisées, que les patients puissent être identifiés par des indices visuels subtils ou par les métadonnées contenues dans leur dossier.

Qu'est-ce que la CAR propose de faire à ce sujet?

Nous disons qu'il faut un cadre pour assurer la sécurité et l'anonymisation des données et qu'il faut discuter des questions éthiques entourant la confidentialité des renseignements personnels des patients. À l'heure actuelle, soit les patients donnent leur consentement explicite à un projet de recherche particulier, soit les comités d'examen des établissements renoncent au consentement pour l'utilisation secondaire des données déjà recueillies. Nous devons trouver un compromis entre le fait de donner son consentement après coup, ce qui n'est pas pratique à grande échelle, et la renonciation au consentement, qui peut entraîner une divulgation excessive des informations. De notre point de vue, nous croyons qu'une transition de la situation actuelle de consentement explicite à un consentement tacite, également connu sous le nom de consentement «large» ou «présumé», facilitera la mise au point d'applications en intelligence artificielle dans les soins de santé.

Pourquoi la participation des patients est-elle un problème? Est-ce parce que les patients ne savent pas vraiment à quoi ils s'engagent?

En fait, ils savent à quoi ils s'engagent, mais les besoins de la recherche peuvent évoluer avec le temps. Un patient peut donner son consentement lorsqu'il est à l'hôpital, mais des années plus tard, ses données pourraient être utiles pour de nouveaux projets de recherche. Bien que le but de ces projets soit d'améliorer les soins de santé et qu'aucun préjudice ne soit causé au patient tant que ses données médicales ont été correctement dépersonnalisées ou rendues anonymes, l'important est que le patient soit correctement informé de la situation. De plus, il doit avoir la possibilité de mettre un terme à l’utilisation de ses données s'il le souhaite.

Y a-t-il aussi des enjeux commerciaux?

Certainement. Dans notre système de soins de santé, les données sont recueillies pour le bien public et payées à même les impôts des particuliers. Mais que se passerait-il si l'utilisation de ces données pour la recherche finissait par procurer un avantage commercial en menant à de meilleurs logiciels d'IA? Les patients, les contribuables et les établissements de santé auraient-ils une part du gâteau? Obtiendraient-ils une licence pour se servir du logiciel? Si une entreprise de technologie vendait ces produits, quel en serait le juste prix compte tenu des décennies de collecte, de stockage et de conservation des données payées par les deniers publics?

Quelle est la prochaine étape pour cette technologie?

Pour que les logiciels d'IA soient efficaces en radiologie, les données ou les modèles de travail qui en découlent doivent traverser les frontières institutionnelles et provinciales. La reconnaissance de la maladie fonctionne mieux lorsque vous pouvez vous entraîner avec des données provenant de très grandes cohortes de patients. Il faudra mettre en œuvre les moyens appropriés pour valider tout cela. Depuis le début des années 2000, les formats de fichiers d'images utilisés par les hôpitaux et les cliniques sont, en théorie du moins, compatibles partout au Canada. Comme il est peu probable que les données médicales soient partagées entre les provinces, du moins à court terme, des stratégies d'apprentissage distribué entre établissements doivent être élaborées. Il s'agit de mettre en place l'infrastructure nécessaire pour rendre les choses possibles.

Au sujet de l'article de l’Association canadienne des radiologistes et du Dr Tang

L’article «Canadian Association of Radiologists White Paper on Ethical and Legal Issues Related to Artificial Intelligence in Radiology», écrit par An Tang et 15 autres membres du groupe de travail sur l'intelligence artificielle de la CAR, a été publié le 7 avril 2019 dans le Journal de l'Association canadienne des radiologistes. Le Dr Tang est professeur agrégé de radiologie clinique au Département de radiologie, radio-oncologie et médecine nucléaire de l'Université de Montréal, chercheur au Centre de recherche du Centre hospitalier de l'Université de Montréal et président du groupe de travail de la CAR sur l'intelligence artificielle.

Relations avec les médias