Sciences de la vie: nos amies les bactéries

  • Forum
  • Le 2 mai 2019

  • Martine Letarte
20190502_effervescence.jpg

20190502_effervescence.jpg

Crédit : EFFERVESCENCE

En 5 secondes

À l’occasion de la rencontre EFFERVESCENCE sur les sciences de la vie, plusieurs chercheurs de l’UdeM ont participé à la conférence sur les applications du microbiote en santé humaine et animale.

Production d’hormones, développement du système immunitaire, digestion: le microbiote, soit l’ensemble des microorganismes qui vivent dans un milieu déterminé, joue plusieurs rôles cruciaux.

Par contre, les bactéries qui deviennent résistantes aux antibiotiques représentent «l’une des plus grandes menaces pesant sur la santé mondiale, d’après l’Organisation mondiale de la santé, et d’ici 2050 cet enjeu pourrait causer 10 millions de décès par année», a affirmé Yves Brun qui, après avoir fait carrière aux États-Unis, vient d’obtenir la Chaire de recherche du Canada 150 sur la biologie cellulaire bactérienne à l’Université de Montréal.

Présent à la rencontre EFFERVESCENCE sur le futur des sciences de la vie, il a expliqué que, comme certaines bactéries probiotiques peuvent produire des molécules qui ont une activité antibactérienne, une piste de solution est de les ajouter à l’antibiotique afin de tuer les bactéries résistantes. Or, comme ces bactéries probiotiques seraient normalement tuées par l’antibiotique, elles ne pourraient pas remplir leur mission. Mais les bactéries qui vivent dans des biofilms, soit des communautés de microorganismes qui adhèrent à une surface et qui sont protégés par une matrice, sont plus résistantes aux antibiotiques.

Une étude de Zhihao Li, du Massachusetts Institute of Technology, réalisée avec des probiotiques de l’entreprise québécoise Bio K a d’ailleurs montré l’an dernier qu’il était possible d’encapsuler des probiotiques dans une membrane semblable à celle des biofilms pour éliminer deux bactéries résistantes à un antibiotique.

En recherche fondamentale, les travaux d’Yves Brun visent notamment à mieux comprendre comment les bactéries grandissent, prennent des formes différentes et se divisent dans des biofilms. Il étudie aussi le processus grâce auquel les pili – comparables à des tentacules – acquièrent de nouveaux gènes dans leur environnement, de nouveaux gènes qui souvent rendent les bactéries résistantes aux antibiotiques.

Le microbiote intestinal contre le cancer

Les bactéries qui deviennent résistantes aux antibiotiques représentent l’une des plus grandes menaces pesant sur la santé mondiale, a dit Yves Brun, professeur au Département de microbiologie, infectiologie et immunologie de l’UdeM.

Crédit : EFFERVESCENCE

Le microbiote intestinal a également une fonction importante dans la réponse d’un patient à l’immunothérapie, un traitement qui permet au système immunitaire de s’attaquer aux cellules cancéreuses.

«Je me spécialise surtout en cancer du poumon et, dans la dernière année, avec l’immunothérapie et la chimiothérapie, on a doublé l’espérance de vie des patients et l'on parle peut-être même de guérison pour environ de 15 à 20 % des patients», a indiqué Bertrand Routy, directeur du Laboratoire d’immunothérapie et d’oncomicrobiome du Centre de recherche du Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CRCHUM).

Il a montré dans une étude menée auprès de patients atteints d’un cancer du poumon que ceux qui avaient reçu des antibiotiques 30 jours avant le traitement d’immunothérapie voyaient la maladie progresser plus rapidement. D’autres groupes de chercheurs ont obtenu des résultats similaires dans le cas d’autres types de cancer.

Pourrait-on corriger ce manque de bactéries causées par la prise d’antibiotiques seulement par des probiotiques ou des prébiotiques? Selon, Bertrand Routy, il reste à réaliser davantage d’études sérieuses avec des entreprises du domaine.

Le DRouty s’intéresse aussi au transplant fécal et se prépare d’ailleurs à présenter une «signature» susceptible de prédire la réponse à l’immunothérapie.

«À la fin de 2019, si tout se passe bien, nous effectuerons la première étude de transplant fécal au CHUM et en 2020, avec la compagnie Vedatan, on aura la première capsule de bactéries avec de l’immunothérapie pour les patients ORL [otorhinolaryngologie] et tumeur de l’estomac», a-t-il précisé.

Le rôle de l’industrie

L’industrie joue un rôle significatif dans les recherches sur le microbiote. En plus de Bio K, très active dans la recherche chez l’humain, l’entreprise Jefo Nutrition à Saint-Hyacinthe a des projets avec la Faculté de médecine vétérinaire de l’Université de Montréal. Le professeur Alexandre Thibodeau travaille avec un des additifs alimentaires de Jefo Nutrition ‒ un prébiotique ‒ composé d’huiles essentielles et d’acides organiques pour réduire la présence d’une bactérie normale dans le microbiote du poulet, mais qui produit des gastroentérites chez l’humain. Le tout, sans perturber le fonctionnement de la flore intestinale des poulets.

«C’est un exemple qui illustre comment la santé publique peut être améliorée» en modifiant le microbiote des animaux d’élevage, a déclaré Marie Archambault, vice-doyenne aux affaires académiques et étudiantes à la faculté.

D’autres professeurs ont décidé de mettre sur pied leur propre entreprise de probiotiques. C’est le cas de Martin Desrosiers, professeur-chercheur clinicien au CRCHUM. Otorhinolaryngologiste spécialiste des sinus depuis 25 ans, il était confronté aux récidives qui suivent souvent la chirurgie proposée aux gens qui font des sinusites à répétition. Et la réaction des patients après l’intervention chirurgicale est beaucoup liée au microbiote.

«Le problème, c’est qu’il manquait de bonnes bactéries chez plusieurs patients», a dit Martin Desrosiers.

C’est ainsi qu’il a commencé à s’intéresser aux bactéries probiotiques. Il a arrêté son choix sur une bactérie utilisée dans la production de fromage et a lancé récemment sur le marché Probiorinse, qui a fait ses preuves dans des projets de recherche.

«Il diminue les symptômes et augmente la qualité de vie des patients», a mentionné le Dr Desrosiers, qui cherche maintenant des partenaires et souhaite attaquer le commerce de détail.

  • À cette rencontre, l’Institut de recherche en immunologie et en cancérologie de l'UdeM (IRIC), l'IRICoR et l’Oncopole ont aussi organisé un débat amical portant sur les avancées et enjeux liés à la recherche en cancérologie. La joute a été animée par Esther Bégin, avec Sébastien Lemieux et Anne Marinier (chercheurs à l'IRIC), Jida El Hajjar (Fondation du cancer du sein du Québec), René Villemure (éthicien) ainsi que Yanick Villedieu et Michel Rochon (communicateurs scientifiques).

    Crédit : EFFERVESCENCE

EFFERVESCENCE en bref

C’était le premier rassemblement sur le futur des sciences de la vie EFFERVESCENCE. Il a réuni plusieurs chercheurs et industriels afin de provoquer des rencontres pouvant mener à la création de projets et de partenariats entre l’industrie et la recherche au Québec.

L’activité a été organisée par 14 chefs de file du secteur, dont la Faculté de médecine et l’Institut de recherche en immunologie et en cancérologie de l’Université de Montréal, à l’initiative de Montréal InVivo, la grappe des sciences de la vie et des technologies de la santé du grand Montréal.

Elle a été soutenue notamment par le gouvernement du Québec.