La Chine récompense Gilles Brassard pour son rôle dans la «révolution quantique»

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  • Le 3 mai 2019

  • Mathieu-Robert Sauvé
Le professeur Gilles Brassard, de l’Université de Montréal

Le professeur Gilles Brassard, de l’Université de Montréal

Crédit : Christian Fleury

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Gilles Brassard est l’un des premiers lauréats du prix Micius, qui souligne les plus grandes percées en théorie quantique.

Une fondation chinoise a annoncé cette semaine que le professeur Gilles Brassard, de l’Université de Montréal, et son collègue Charles Bennett, d’IBM, reçoivent une nouvelle distinction pour leur rôle dans l’établissement de la théorie quantique. Plus précisément, le prix Micius, du nom latinisé du philosophe chinois Mozi (env. 468-381 avant notre ère), est attribué aux chercheurs pour la mise au point de «la distribution quantique de clés, de la téléportation quantique et de la distillation d’intrication». Une somme de un million de yuans (quelque 150 000 $ US) leur sera remise avec un parchemin au cours d’une cérémonie en septembre prochain à Hefei, à l’ouest de Shanghai.

Actuellement peu connu mais appelé à devenir une récompense incontournable de la discipline, le prix de la fondation chinoise soulignera chaque année la contribution de chercheurs ayant effectué des travaux majeurs dans le domaine de la théorie quantique. Gilles Brassard est le seul Canadien parmi les 12 premiers lauréats. La revue Nature, qui souligne l’attribution de ce prix dans son édition courante (29 avril 2019), mentionne que la Chine accorde peu de prix internationaux, mais s’illustre ici dans un domaine qu'elle «valorise de plus en plus et auquel elle contribue significativement».

«Pour moi, c’est une marque de reconnaissance très appréciée d’un pays qui investit beaucoup dans l’application des connaissances en théorie quantique», a dit Gilles Brassard au cours d’un entretien de Zurich, où il mène actuellement des recherches dans le cadre d’une demi-année sabbatique.

«Deuxième révolution quantique»

Découverte au début du 20e siècle, la théorie quantique a conduit à la conception de nombreuses technologies de plus en plus utilisées de nos jours. Celles-ci transforment notre société, signale la Fondation Micius. Des percées récentes ont «donné naissance à un domaine émergent des technologies quantiques également connu sous le nom de deuxième révolution quantique, qui a dépassé la première en exploitant les effets quantiques naturels».

Cette seconde révolution ouvre la porte à une nouvelle génération d’applications allant des «communications quantiques à sécurité inconditionnelle à la simulation quantique et au calcul quantique».

Les expériences de communication utilisant des principes quantiques sont aujourd’hui en cours, a confirmé le professeur Brassard, qui donne l’exemple d’un lien par fibre optique entre Pékin et Shanghai qui passe par 32 relais. Grâce à un système de clé cryptée, la communication entre deux interlocuteurs séparés par 2000 km est totalement confidentielle dans la mesure où les relais ne peuvent pas être corrompus. La Chine a également lancé un satellite (nommé Micius!) qui a permis de vérifier dans l’espace les théories des deux colauréats. «Ce n’est pas de la science-fiction; c’est un volet de la révolution quantique qui est déjà une réalité», a mentionné le professeur Brassard.

La cryptographie quantique est à l’essai en Chine dans le secteur bancaire et dans l’industrie de l’assurance, où les renseignements personnels doivent être préservés de façon absolue.

Il en va autrement des principes de téléportation quantique, que Gilles Brassard et Charles Bennett ont inventés dès les années 90 avec quatre autres chercheurs, dont le Québécois Claude Crépeau, mais qui en sont encore au stade expérimental malgré des démonstrations convaincantes.