La génétique aide à prédire quand les feuilles sortent au printemps

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  • Le 7 mai 2019

  • Martine Letarte
Simon Joly, professeur au Département de sciences biologiques de l’Université de Montréal, vient de montrer que la génétique aide à prédire le moment de la sortie des feuilles au printemps.

Simon Joly, professeur au Département de sciences biologiques de l’Université de Montréal, vient de montrer que la génétique aide à prédire le moment de la sortie des feuilles au printemps.

Crédit : Tim Savas

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Les arbres et arbustes réagissent fortement aux changements climatiques. Une étude de Simon Joly, professeur à l’UdeM, montre que la génétique aide à prédire la sortie des feuilles.

C’est difficile à croire, cette année, avec cette neige et ce froid persistants, diront les climatosceptiques, mais les printemps hâtifs tout en chaleur et en luminosité sont de plus en plus fréquents en raison des changements climatiques. Et cela a un effet sur la sortie du feuillage des arbres. Mais jusqu’à quel point? Simon Joly, professeur associé au Département de sciences biologiques de l’Université de Montréal, vient de montrer dans une étude publiée dans Methods in Ecology and Evolution que la génétique aide à prédire avec plus de précision le moment du débourrement, c’est-à-dire la sortie des feuilles au printemps.

«Nous avons découvert que les individus au sein d’espèces qui sont plus près les uns des autres sur le plan des gènes réagissent de façon plus semblable aux signaux environnementaux que ceux qui sont plus loin génétiquement», explique Simon Joly.

Une association gagnante

Pour arriver à cette conclusion, il a répondu à l’appel de sa collègue Elizabeth Wolkovich, professeure à l’Université de la Colombie-Britannique et auparavant rattachée à l’Université Harvard, qui étudie la réaction des arbres aux changements climatiques. Elle a voulu ajouter l’aspect génétique à ses travaux, une spécialité de Simon Joly, afin de voir si l’on pouvait ainsi mieux prédire le moment où les feuilles s’ouvrent au printemps.

Ils ont choisi 10 espèces d’arbres et de plantes assez communes dans les deux régions, comme l’érable de Pennsylvanie, le hêtre à grandes feuilles, le chêne rouge et des espèces de chèvrefeuille, de peuplier et de bleuet. Des branches ont été prélevées dans la forêt de Harvard au Massachusetts et à la Station de biologie des Laurentides de l’UdeM en janvier, une fois que les arbres et arbustes avaient eu suffisamment froid pour que les feuilles puissent s’ouvrir au printemps.

«Il y a trois signaux environnementaux principaux qui jouent un rôle dans l’éclosion des bourgeons: le froid subi, la température et la longueur des jours, mentionne Simon Joly, qui est aussi botaniste-chercheur au Jardin botanique de Montréal. Une fois recueillies, les branches ont été gardées au froid et amenées à l’arborétum Arnold de Harvard, dans des chambres de croissance où la température et la longueur des jours sont contrôlées.»

L’expérience a été réalisée avec des jours de 8 et de 12 heures, puis des températures de jour de 15 et de 20 °C.

L’effet de la température plus grand que la lumière

L’expérience a révélé qu’une température de 5 °C plus élevée cause un débourrement 20 jours plus tôt en moyenne ‒ l’incidence pour chaque espèce peut varier considérablement. Par ailleurs, des jours plus longs font devancer l’ouverture des feuilles d’une douzaine de jours.

Ces résultats sont estimés avec plus de précision lorsqu’on tient compte de l’information génétique des arbres et des arbustes.

«Nous n’avons d’ailleurs pas trouvé de grandes différences génétiques chez les individus d’une même espèce entre les deux régions, précise Simon Joly. Chez les arbres, les gènes circulent assez rapidement avec le pollen, alors certains individus du Massachusetts pouvaient être plus près génétiquement d’individus du Québec que d’autres du Massachusetts.»

Même s’il demeure ardu de prédire à quoi ressembleront nos printemps avec les changements climatiques, cette étude illustre que les plantes réagiront fortement aux altérations du climat et que la génétique a un rôle à jouer dans leur capacité à faire face aux modifications du climat.

Quels arbres s’adapteront le mieux?

Ces résultats permettent d'envisager une foule de possibilités pour de nouvelles études.

«On en apprendra certainement plus en considérant la génétique dans de prochaines recherches pour déterminer, par exemple, quels individus au sein des espèces sont mieux prédisposés à faire face aux changements climatiques, indique Simon Joly. Ainsi, des plantes pourraient avoir le potentiel pour s’adapter à ce qui s’en vient. Mais cela dépendra tout de même de l’amplitude des changements climatiques qu’on vivra, ce qui reste pour l’instant inconnu.»

Le chercheur se questionne aussi sur la réaction de tout l’écosystème à l’augmentation de la température, comme les insectes qui se nourrissent de feuilles. «Réagiront-ils de la même façon que les arbres? C’est ce type de question très complexe que les gens commencent à se poser et sur lequel il faudra se pencher en collaborant avec des chercheurs de différentes disciplines.»

  • Une fois recueillies, les branches ont été gardées au froid et amenées à l’arborétum Arnold de Harvard, dans des chambres de croissance où la température et la longueur des jours sont contrôlées.

    Crédit : Tim Savas

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