Le poids relatif de l’opinion publique en matière d’environnement

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La planète se réchauffe en partie ou surtout en raison de l’activité humaine. Une évidence en 2019? Pourtant, les décisions politiques pour limiter la hausse des températures tardent. Pourquoi?

«En démocratie, on s’attend à ce que les décisions des élus se fassent un peu l’écho de l’opinion publique, dit Erick Lachapelle, professeur au Département de science politique de l’Université de Montréal. Par contre, c’est un processus complexe qui exige du public qu’il se tienne informé des enjeux et qu’il puisse réagir à ce que fait le gouvernement. Or, en général, les Canadiens ne sont pas très renseignés sur les questions environnementales.»

Le tableau des Canadiens en matière de changements climatiques, Erick Lachapelle le connaît bien. Depuis 2011, il réalise des sondages sur ce sujet à travers le pays. Pour cerner l’opinion des électeurs à l’échelle des circonscriptions, il jumelle les résultats de ses sondages avec des données contextuelles de Statistique Canada et d’Élections Canada. Il utilise notamment le taux d’électeurs dans une circonscription qui ont voté pour le Parti conservateur, le niveau de scolarité, la situation familiale et le pourcentage de gens qui prennent la voiture pour se rendre au travail. Ainsi, il est capable de déterminer que tel profil de personne a généralement telle opinion sur les changements climatiques. Il arrive à faire une estimation de l’opinion publique pour une circonscription selon la proportion des différents portraits de ses résidants.

Une cartographie des opinions

Erick Lachapelle

Crédit : Amélie Philibert

Sur la carte créée à partir de ces modèles, on constate que la majorité des Canadiens croient en l’existence des changements climatiques. On peut voir aussi en un coup d’œil qu’à Montréal l’opinion publique dominante sur le plan environnemental est très près de celle de Vancouver. Beaucoup plus qu’elle l’est de l’opinion publique de circonscriptions du Québec comme Mégantic-L’Érable, Beauce ou Lac-Saint-Jean. «Ce décalage à l’intérieur même d’une province se voit aussi en Alberta, haut lieu d’exploitation des sables bitumineux, où les milieux urbains de Calgary et d’Edmonton détonnent avec leur reconnaissance beaucoup plus grande du réchauffement de la planète par rapport au reste de la province», indique Erick Lachapelle.

Et donc, pour un nombre élevé d’électeurs, l’activité humaine est une cause majeure de la hausse des températures. Alors pourquoi les actions politiques tardent-elles?

Selon le professeur, les individus s’arrêtent davantage sur les enjeux à court terme et écartent ceux qui sont plus intangibles. Sans oublier que l’information sur les changements climatiques concurrence celle sur d’autres enjeux dans l’espace public. «Dans les grands médias, on parle moins d’environnement que de santé ou d’économie par exemple, des enjeux que l’on considère plus près des préoccupations quotidiennes des gens. Pour cette raison, pour que les choses bougent en environnement, il faut généralement un leadership fort des politiciens.»

Or, tout pourrait être sur le point de basculer.

Une élection fédérale charnière

D’après Erick Lachapelle, la question des changements climatiques pourrait être déterminante dans la prochaine campagne électorale fédérale. «Les deux principaux partis ont des positions diamétralement opposées à ce sujet, avec les libéraux qui viennent d’implanter la taxe sur le carbone, alors que les conservateurs sont contre.»

Certes, les positions des partis ne les empêchent pas de poser des gestes pour tenter de séduire la plus large base possible d’électeurs. Comme lorsque le premier ministre, Justin Trudeau, a acheté le pipeline Trans Mountain. Mais si un prochain gouvernement est bel et bien élu en raison majoritairement de sa position sur les changements climatiques, on ne pourra plus dire que ses actions seront attribuables à son leadership.

Ce sera, ni plus ni moins, une question de respect de ses engagements électoraux.

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