Des femmes enceintes exposées à des métaux traces en Colombie-Britannique

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Des concentrations de métaux traces, comme le baryum, ont été mesurées dans les cheveux et l’urine de 29 femmes enceintes vivant près de puits de fracturation hydraulique en Colombie-Britannique.

Les résultats d’une étude pilote menée en 2016 pour évaluer l’exposition de femmes enceintes à des contaminants environnementaux dans le nord-est de la Colombie-Britannique, région caractérisée par une exploitation intense du gaz naturel par fracturation hydraulique, ont été dévoilés la semaine dernière dans le Journal of Exposure Science & Environmental Epidemiology. L’étude dirigée par Marc-André Verner, professeur à l’École de santé publique de l’Université de Montréal (ESPUM), démontre que les concentrations de certains métaux traces, en particulier le baryum, l’aluminium, le strontium et le manganèse, sont plus élevées dans les échantillons d’urine et de cheveux des femmes enceintes qui ont participé à l’étude que dans la population générale.

«Ce qui nous préoccupe par rapport à ces résultats, c’est qu’une précédente étude a montré que le baryum, l’aluminium, le strontium et le manganèse sont quatre métaux qui se retrouvent en concentrations relativement hautes dans la formation rocheuse Montney, d’où est extrait le gaz naturel par fracturation hydraulique. De plus, d’autres études récentes où a été analysée la quantité de contaminants des eaux usées provenant de la fracturation hydraulique ont généralement révélé de grandes concentrations de ces mêmes métaux», souligne Élyse Caron-Beaudoin, postdoctorante à l’EPSUM et auteure principale de l’étude.

«Il n’est cependant pas possible d’affirmer que la fracturation hydraulique est la source de l’exposition des femmes enceintes à ces métaux, mais grâce à notre étude, nous disposons maintenant d’un indice supplémentaire pointant en ce sens», poursuit-elle.

Des études demandées par les communautés

C’est à la demande de communautés vivant à proximité des sites d’exploitation de gaz naturel que l’étude a été mise sur pied par des chercheurs de l’UdeM en collaboration avec les Premières Nations et les autorités de santé publique de la région. Ces communautés se questionnent sur les conséquences pour leur santé associées au fait de vivre près de telles installations gazières et désirent des réponses claires.

«Pour comparer les concentrations de métaux traces dans les urines et les cheveux des 29 femmes enceintes avec celles mesurées dans l’ensemble de la population, nous avons utilisé les données de l'Enquête canadienne sur les mesures de la santé. Toutefois, pour certains métaux, nous avons dû recourir à des données d’exposition recueillies en France, car ces données n’ont jamais été produites en quantité suffisante au Canada», déplore Élyse Caron-Beaudoin.

Ainsi, les concentrations de manganèse étaient 10 fois plus élevées dans les urines des participantes que dans la population générale. Les concentrations d’aluminium dans les cheveux étaient 16 fois plus élevées chez les participantes, celles de baryum 3 fois plus et celles de strontium 6 fois plus que dans la population de référence (France). De plus, les concentrations de baryum et de strontium dans les cheveux étaient plus grandes chez les participantes autochtones que chez les participantes non autochtones.

Y a-t-il un risque pour la santé?

À cette étape de leurs investigations, les chercheurs ne peuvent pas se prononcer sur la présence ou l’absence d’un risque pour la santé humaine.  Il manque encore de nombreuses données essentielles à ce type d’évaluation toxicologique, notamment des études épidémiologiques évaluant l’association entre l’exposition des femmes enceintes à ces métaux traces et les effets néfastes sur la santé des enfants: «Nous sommes conscients que les gens aimeraient avoir des réponses tout de suite, mais nous ne sommes qu’au début d’un long processus “d’enquête” scientifique. D’autres études sont déjà en cours ou sont prévues pour débroussailler cette question légitime.»

Des incertitudes qui doivent trouver des réponses

Les données sur la qualité de l’eau dans la région de la Peace River Valley sont éparses et très variables. Il n’y a pas non plus de programme d’évaluation systématique de la qualité de l’eau dans la région.

Une étude précédente portant sur l’exposition aux composés organiques volatils, dont le benzène, chez le même groupe de femmes enceintes a été publiée en 2018 dans la revue Environment International. Les résultats indiquaient aussi une exposition potentiellement plus élevée au benzène chez ces participantes, en particulier les participantes autochtones, par rapport à la population canadienne.

Élyse Caron-Beaudoin et le professeur Verner comptent bien trouver des réponses aux questions laissées en suspens. La chercheuse est effectivement de retour dans la région de la Peace River Valley pour procéder au recrutement d’un second groupe de femmes enceintes et évaluer leur exposition à différents contaminants ainsi que la concentration de ces substances dans l’air des habitations et dans l’eau. L’équipe est aussi en train d’évaluer la santé globale des bébés nés dans la région au cours des 10 dernières années dans le cadre d’une étude épidémiologique.

À propos de cette étude

L’article «Urinary and hair concentrations of trace metals in pregnant women from Northeastern British Columbia, Canada: a pilot study», écrit par Élyse Caron-Beaudoin et ses collaborateurs, a été publié en ligne dans le Journal of Exposure Science & Environmental Epidemiology le 14 mai 2019.

L’étude a été financée par une bourse de l’Institut de recherche en santé publique de l’Université de Montréal, la West Moberly First Nations ainsi que des subventions de recherche postdoctorale du Fonds de recherche du Québec ‒ Santé et des Instituts de recherche en santé du Canada.

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