Dépendantes de la protéine Ran, les cellules du cancer de l’ovaire cessent de bouger quand elles en sont privées

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Des chercheurs du CRCHUM et de l'UdeM ont mis au jour le rôle fondamental que joue une protéine appelée Ran dans la propagation du cancer de l’ovaire.

Saviez-vous que 90 % des personnes atteintes d’un cancer décèdent à cause de métastases? Celles-ci surviennent lorsque les cellules cancéreuses ont la possibilité de se déplacer dans le corps des patients et d’envahir des tissus sains. Dans une étude publiée dans Nature Communications, des chercheurs du Centre de recherche du Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CRCHUM) ont mis au jour le rôle fondamental que joue une protéine appelée Ran dans la mobilité des cellules du cancer de l’ovaire. Ils ont démontré que ces cellules ne peuvent pas se détacher sans l’aide de Ran.

Active dans la propagation du cancer et dans sa survie, Ran est souvent qualifiée de protéine navette, soutenant principalement le transport entre l’intérieur d’une cellule et son noyau. Dans le cas des cellules du cancer de l’ovaire, l’équipe de chercheurs menée par Anne-Marie Mes-Masson et la Dre Diane Provencher a montré que Ran sert de taxi vers la membrane cellulaire à une autre protéine, RhoA, qui est importante pour la migration des cellules.

«Dans des cellules normales, RhoA peut atteindre directement la membrane cellulaire, mais dans les cellules du cancer ovarien, cela n’est pas possible. Elle doit tout d’abord se fixer à Ran pour parvenir à la membrane cellulaire. Il lui faut vraiment un moyen de transport, a déclaré Mme Mes-Masson, chercheuse au CRCHUM, professeure à l’Université de Montréal et membre de l’Institut du cancer de Montréal. Dans notre étude, nous avons démontré que, si nous inhibons l’action de Ran dans les cellules cancéreuses, RhoA se décompose. Sans RhoA, les cellules cancéreuses perdent alors leur aptitude à se déplacer, migrer et envahir les tissus sains.»

  • CRCHUM

    Les chercheuses et professeures Diane Provencher et Anne-Marie Mes-Masson.

Grâce à la grande expertise en biochimie du premier auteur de l'étude, Kossay Zaoui, l’équipe scientifique a pu expliquer au moins partiellement pourquoi Ran agit ainsi dans une cellule cancéreuse. Dans de nombreux cancers, l’expression importante de Ran est souvent associée à une évolution défavorable de la maladie.

«Nous avions déjà mis en lumière que Ran est une bonne cible thérapeutique. Notre étude nous aide à comprendre quand et chez quels patients notre approche pourrait être le plus bénéfique. Considérant que les cellules saines n’ont pas besoin de Ran pour se déplacer, nous pouvons cibler les cellules cancéreuses sans toucher aux cellules saines. D’après nos constatations, il est probable que l’inhibition de Ran sera également une stratégie gagnante dans d’autres cancers», a mentionné la Dre Provencher, chercheuse au CRCHUM, responsable de la division d’oncologie gynécologique, professeure à l’Université de Montréal et membre de l’Institut du cancer de Montréal.

Les chercheurs ont déjà commencé à concevoir de petites molécules capables d’inhiber Ran et les testent actuellement sur les modèles précliniques qu’ils ont créés pour montrer qu’il est possible de ralentir ou d’arrêter la progression du cancer. Ils espèrent qu’un jour ces nouveaux médicaments entreront dans la pharmacopée clinique et pourront être utilisés pour le traitement des patientes atteintes d’un cancer de l’ovaire.

L’importance d’une biobanque

Depuis trois décennies, Diane Provencher et Anne-Marie Mes-Masson travaillent ensemble pour créer la plus grande biobanque d’échantillons de cancers de l’ovaire. Grâce à des patientes qui ont accepté de participer à ce programme de recherche, elles ont réussi à former et caractériser des lignées cellulaires provenant de tissus tumoraux, et ces lignées cellulaires se sont avérées fondamentales pour la réalisation de cette étude.

Ces lignées cellulaires sont maintenant utilisées dans le monde entier par des groupes de chercheurs travaillant sur le cancer de l’ovaire. La précieuse contribution des patientes à la recherche alimente ce type de nouvelles découvertes que les deux chercheuses ont l’espoir de voir, un jour, guérir cette maladie mortelle.

Selon la Société canadienne du cancer, 2 800 Canadiennes ont reçu un diagnostic de cancer de l’ovaire en 2017 et 1800 femmes sont décédées à cause de la maladie. Il s’agit de la cinquième cause de décès en Amérique du Nord.

À propos de l'étude

L’article «Ran promotes membrane targeting and stabilization of RhoA to orchestrate ovarian cancer cell invasion», écrit par Kossay Zaoui et ses collaborateurs, est paru dans Nature Communications le 9 juillet 2019.

Cette recherche a été financée par les Instituts de recherche en santé du Canada et l’Institut du cancer de Montréal grâce aux initiatives Rallye Défi Can-Am Spyder et Bijoux porteurs d’espoir d’Anne-Marie Chagnon.

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