La dépression chez les adolescents liée à l'utilisation des médias sociaux et de la télévision

L'utilisation des médias sociaux et la télévision pourrait accroître les symptômes de dépression chez les adolescents.

L'utilisation des médias sociaux et la télévision pourrait accroître les symptômes de dépression chez les adolescents.

Crédit : Getty

En 5 secondes

Une étude dirigée par Patricia Conrod révèle que les symptômes de dépression s'aggravent chez les adolescents les plus actifs sur les plateformes comme Facebook et Netflix.

L'utilisation des médias sociaux et la télévision pourrait accroître les symptômes de dépression chez les adolescents selon une nouvelle étude réalisée par des chercheurs du Centre hospitalier universitaire (CHU) pédiatrique Sainte-Justine, affilié à l'Université de Montréal.

Publiée le 15 juillet dans JAMA Pediatrics, cette étude d'une durée de quatre ans a sondé près de 4 000 adolescents canadiens pour connaître le nombre d'heures qu'ils consacrent aux médias sociaux, à la télévision, aux jeux vidéo et à l'ordinateur. Ceux qui utilisent plus fréquemment les médias sociaux et la télévision présentent des symptômes de dépression plus graves.

Ces symptômes sont un état dépressif, un sentiment d'inutilité et des pensées morbides récurrentes.

L'étude montre que lorsque les adolescents augmentent leur utilisation des médias sociaux et regardent la télévision plus que d'habitude une année donnée, leurs symptômes de dépression augmentent durant la même année. La consommation de jeux vidéo, le temps passé devant l'ordinateur supérieur à la moyenne, ainsi que d'autres modes de navigation sur Internet ont également été suivis dans le cadre de l'étude, mais ne sont pas ressortis comme des prédicteurs de dépression à l'adolescence.

Pourquoi les adolescents qui consomment le plus de médias sociaux et de télévisions sont-ils plus déprimés? Ce n'est pas tant parce que le temps qu'ils passent devant un écran empiète sur le temps consacré à l'activité physique (l'étude n'a pas révélé de preuve en ce sens), mais plutôt en raison de la nature de ce qu'ils regardent et de la fréquence de leur exposition à ces médias, ont constaté les chercheurs.

Les adolescents qui regardent des programmes ou consultent des sites qui les encouragent à se comparer aux autres (ce qu'on appelle la «comparaison sociale ascendante») sont plus susceptibles d'avoir une mauvaise estime d'eux-mêmes. L'étude a également permis de démontrer que les médias sociaux, comparativement à d'autres activités centrées sur un écran, intensifient les signes de dépression chez les adolescents qui montrent déjà de tels signes, sous l'effet d'un «processus de spirale descendante».

Des résultats cohérents avec les études précédentes

Patricia Conrod

Ces observations concordent avec les hypothèses précédemment émises sur la façon dont la dépression se développe, selon les auteurs de l'étude.

«Les médias sociaux et la télévision sont des médias qui exposent fréquemment les adolescents à des images d'autres jeunes mieux nantis, comme ceux ayant un corps "parfait", un style de vie plus palpitant ou plus d'argent», indique Elroy Boers, chercheur postdoctoral au Département de psychiatrie de la Faculté de médecine de l'UdeM et auteur principal de l'étude.

«Qui plus est, comme le montre la théorie des "spirales de renforcement", les gens recherchent et choisissent des informations conformes à leur état d'esprit du moment. Les caractéristiques algorithmiques de la consommation télévisuelle et en particulier celles des médias sociaux créent et entretiennent une boucle de rétroaction qui suggère aux utilisateurs des contenus apparentés à ceux sur lesquels ils ont déjà effectué des recherches et en fonction de leurs sélections. Par conséquent, plus l'état dépressif influence les choix de visionnement d'un individu, plus on lui suggère et lui fournit des contenus similaires et plus il est exposé à ces contenus, ce qui aura pour effet d'entretenir et d'aggraver la dépression.»

Raison de plus pour les jeunes et leurs parents de mieux contrôler le temps qu'ils passent devant des écrans, affirment les chercheurs.

«De nombreuses personnes attribuent l'augmentation du taux de dépression chez les jeunes en Amérique du Nord à l'arrivée des appareils numériques mobiles dans notre société, or notre étude semble confirmer cette hypothèse», déclare Patricia Conrod, professeure de psychiatrie à l'UdeM, titulaire d'une chaire de recherche du Canada de niveau 1 au CHU Sainte-Justine et auteure principale de l'étude. «D'autres recherches sont nécessaires, y compris des études faisant appel à des modèles expérimentaux, pour confirmer que l'exposition aux médias sociaux cause réellement une hausse du taux de dépression chez les jeunes.» 

Près de 4 000 adolescents sondés

Mme Conrod et son équipe ont suivi près de 4 000 adolescents canadiens âgés de 12 à 16 ans membres d'une cohorte nationale appelée «Co-venture». Lors de chaque année de secondaire, on a demandé à ces adolescents de consigner le temps qu'ils passaient devant des écrans numériques en précisant dans quelle proportion ce temps était consacré aux médias sociaux, à la télévision, aux jeux vidéo et à l'utilisation de l'ordinateur à d'autres fins. De plus, ces adolescents devaient régulièrement répondre à des questionnaires sur leur état d'esprit et signaler tous les symptômes de dépression qu'ils ressentaient.

Après avoir recueilli ces données, les chercheurs de l'équipe de Patricia Conrod ont effectué des analyses statistiques avancées pour évaluer le lien entre le temps passé devant un écran et la dépression et ils ont modélisé les changements annuels de ces deux éléments en tenant compte de vulnérabilités communes potentielles et des changements naturels liés au développement.

«L'identification précoce d'une vulnérabilité à la dépression offre aux cliniciens et aux parents un laps de temps important durant lequel ils peuvent intervenir», explique Mme Conrod, qui espère que l'étude contribuera à orienter de nouvelles stratégies d'intervention auprès des jeunes à risque avant que les symptômes ne deviennent significatifs sur le plan clinique.


À propos de cette étude

«Association of screen time and depression in adolescence» par Elroy Boers, Patricia Conrod et al., a été publiée le 15 juillet dans JAMA Pediatrics. Les travaux de M. Boers ont été financés par une bourse de recherche des Instituts de recherche en santé du Canada et par ERA-NET NEURON. Les travaux de Mme Conrod ont été financés par une chaire de recherche du Canada de niveau 1. Le projet Co-venture est financé par une subvention des Instituts de recherche en santé du Canada. 

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