Stress et résilience: pourquoi l’étude du sexe et du genre est cruciale
- Salle de presse
Le 14 août 2019
Le chercheur Robert-Paul Juster ouvre un centre de recherche pour étudier comment le sexe biologique, le genre socioculturel et la sexualité influent sur le stress et la résilience.
Pour un homme qui gagne sa vie en étudiant le stress, Robert-Paul Juster semble bien le gérer lui-même.
Le neuroscientifique de l'Université de Montréal mène sa carrière sur plusieurs fronts: ses recherches portent sur le stress chez les lesbiennes, gais, bisexuels et trans (LGBT), le stress au travail, le stress et le vieillissement et le stress chez les personnes atteintes d’un trouble de santé mentale.
Que pense-t-il de passer à la vitesse supérieure grâce à une subvention prestigieuse du Fonds des leaders John-R.-Evans de la Fondation canadienne pour l'innovation (FCI)?
Cela ne le stresse pas du tout.
«Ce partenariat nous permet d'établir un nouveau laboratoire à la fine pointe de la technologie et d'aller encore plus en profondeur dans nos travaux, a déclaré M. Juster, professeur adjoint de recherche au Département de psychiatrie et d'addictologie de l'UdeM. Ce n’est pas seulement positif pour mon équipe et moi, c'est un privilège.»
Un centre unique au Canada
Le laboratoire se nommera Centre d'études sur le sexe et le genre, l'allostasie et la résilience. Il sera basé au Centre de recherche de l'Institut universitaire en santé mentale de Montréal. Unique au Canada, il utilisera des méthodes neuroscientifiques pour étudier le stress et la résilience liés au sexe et au genre.
«La plupart des chercheurs qui étudient le stress d'un point de vue sociologique, psychologique, sexospécifique ou féministe le font sans tenir compte des aspects biologiques», explique M. Juster.
«Cependant, mes recherches sont transdisciplinaires. J’intègre les traditions biologiques, psychologiques et sociologiques dans le processus ‒ une sorte de triangulation méthodologique ‒ et cela renforce la recherche.»
Avec une formation de premier cycle en psychologie de l'Université Concordia, une formation de deuxième cycle en neurosciences de l'Université McGill ainsi que trois années de recherche postdoctorale en psychiatrie à l'Université Columbia à New York, M. Juster, âgé de 35 ans, est revenu à Montréal l'an dernier pour poursuivre sa carrière à l'UdeM. Il veut notamment étudier le lien entre le stress et le vieillissement accéléré en se concentrant sur les besoins en santé des personnes âgées LGBT. De plus, le Centre commencera bientôt à s’intéresser plus particulièrement à la communauté transgenre, qui, selon M. Juster, n'a pas reçu suffisamment d'attention dans la recherche en santé. Au-delà de la communauté LGBT, M. Juster se penche également sur l'épuisement professionnel et émotionnel au travail et sur la physiologie du stress chez les gens qui se rendent dans les services des urgences en raison d’un trouble de santé mentale.
L'usure du stress chronique
Cependant, c'est surtout son travail sur le sexe et le genre qui attire l'attention.
M. Juster croit que l'étude du sexe et des facteurs liés au genre ‒ comme les hormones, les rôles sexuels, l'orientation sexuelle et l'identité sexuelle ‒ permettra de mieux comprendre la charge allostatique, c’est-à-dire l'usure physiologique que subissent les gens lorsqu’ils souffrent de stress chronique. Elle permettra également d’en apprendre davantage sur les trajectoires des maladies propres au genre au fil du temps.
«Chaque cellule est sexuée, chaque personne est sexuée et chaque organisme est stressé», dit M. Juster.
«Le sexe biologique fait référence aux différences entre les hommes et les femmes formées par les gènes, l'anatomie, les gonades et les hormones. Le genre socioculturel renvoie aux divers rôles, orientations et identités qui influent sur la santé.»
Mieux prévenir les maladies
«À mesure que le temps passe, le stress chronique induit une charge allostatique, qu’on mesure à l’aide d’une batterie de biomarqueurs, mentionne le chercheur. Ces biomarqueurs représentent le fonctionnement neuroendocrinien, immunitaire, métabolique et cardiovasculaire de l'individu. La charge allostatique peut servir à prédire de nombreuses affections comme les maladies cardiovasculaires et les problèmes de santé mentale, qui affectent différemment les hommes et les femmes.»
Il poursuit: «Afin de mieux décrire les profils de risque et de résilience liés à la charge allostatique, mon programme de recherche examine l'interaction entre les facteurs associés au sexe et au genre en relation avec la charge allostatique et la santé mentale. On y est parvenus en évaluant comment les différences individuelles dans les hormones sexuelles, les rôles sexuels et l'orientation sexuelle ont un lien unique avec la charge allostatique.»
Robert-Paul Juster et son équipe déterminent la charge allostatique avec une moyenne de 20 biomarqueurs. «Mais cela doit être amélioré par des approches plus dynamiques et de nouvelles technologies qui permettent une évaluation plus complète des biomarqueurs émergents, signale-t-il. Grâce à la subvention que nous venons d’obtenir, nous serons en mesure de moderniser les paradigmes de réactivité au stress dans notre laboratoire, d'incorporer de l'équipement psychophysiologique pour mieux saisir le fonctionnement cardiovasculaire et de mettre à niveau les technologies de laboratoire biochimiques.»
L’un des objectifs de M. Juster est de raffiner la mesure de la charge allostatique à l'aide de modèles prospectifs pour parvenir à mieux prévenir les maladies. «La médecine qui tient compte du genre est l'avenir : nous serons un jour capables d'adapter les interventions médicales aux caractéristiques individuelles», conclut-il.
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Jeff Heinrich
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