Sondages et comportement des électeurs: attention au vote stratégique

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  • Le 18 octobre 2019

  • Catherine Couturier
De gauche à droite: Thomas Mulcair, Claire Durand, André Blais et Chantal Hébert.

De gauche à droite: Thomas Mulcair, Claire Durand, André Blais et Chantal Hébert.

Crédit : Benjamin Seropian

En 5 secondes

À l’invitation de la Faculté des arts et des sciences, des experts ont échangé sur le comportement des électeurs et la capacité des sondages à prédire les résultats.

Devant un amphithéâtre Ernest-Cormier presque comble, André Blais et Claire Durand, professeurs de l’Université de Montréal respectivement au Département de science politique et au Département de sociologie, de même que la journaliste et analyste politique Chantal Hébert ont partagé leurs réflexions le mercredi 16 octobre.

Les trois experts ont échangé sur des questions qui nous tiendront en haleine au moins jusqu’au dévoilement des résultats du scrutin. Qui sont les indécis? Qu’est-ce que le vote stratégique? Que révèlent les sondages? Qu’est-ce qui (ou qui) fera pencher la balance?

Dans l’incertitude et l’imprédictibilité de la campagne électorale actuelle, ces questions n’ont jamais cessé d’être de circonstance. «En discutant de la pertinence même de cette soirée grand public, nous nous demandions s’il resterait encore des questions en suspens, a dit Thomas Mulcair, ancien chef du Nouveau Parti démocratique, professeur invité au Département de science politique de l’UdeM et modérateur de la rencontre. Or, rien n’est joué.»

Les sondages: un baromètre pas toujours fiable

En regardant les sondages, difficile effectivement d’entrevoir qui sera à la tête du prochain gouvernement: les indécis se répartiront-ils comme prévu? Un mouvement soudain s’observera-t-il? «Lorsque les partis sont très proches, les sondages ont peu d’utilité; c’est comme si l’on n’avait aucune information», a constaté Claire Durand. Les élections provinciales de 2018 avaient d’ailleurs fait mentir les sondages: «Certains électeurs ont pris leur décision dans les derniers jours avant le scrutin, d’autres dans l’isoloir», a rappelé l’experte en sondage. «Typiquement, 10 % des gens changent leur vote pendant la dernière semaine. Ce ne sont pas des indécis, juste des gens qui changent d’avis», a ajouté André Blais, titulaire de la Chaire de recherche de l’Université de Montréal en études électorales.

Les sondages auraient aussi tendance à sous-estimer les partis conservateurs lorsque les partis sont au coude-à-coude et à surestimer le taux de participation, puisque les personnes qui acceptent d’y répondre s’intéressent souvent davantage à la politique. Difficile donc de s’y fier pour voter stratégiquement. «Je crois que les gens devraient faire attention s’ils basent leur vote stratégique sur les sondages», a avancé Claire Durand. «Le vote stratégique est un vote motivé par sa perception du résultat du scrutin. C’est une combinaison de préférence et de perception», a indiqué M. Blais. L’électeur choisit son deuxième ou troisième candidat pour bloquer l’élection d’un autre. Le vote stratégique ne représenterait environ que 10 % des votes (et il existe aussi dans un système proportionnel, a fait remarquer M. Blais). Or, «en théorie, le vote stratégique se fait à l’échelle de la circonscription plutôt qu’à l’échelon national, mais les gens ont tendance à mélanger les deux», a-t-il affirmé.

Le poids des indécis… et des jeunes?

«Maintenant qu’on a plusieurs modes d’administration et plusieurs méthodologies de sondage, on s’aperçoit que la proportion des indécis n’a rien à voir avec l’indécision dans la population, mais plutôt avec la méthodologie de sondage», a mentionné Claire Durand. Que ce soit les véritables indécis ou les discrets qui préfèrent ne pas dire pour qui ils voteront, leur proportion devrait diminuer au fil de la campagne…, ce qui n’est pas toujours le cas.

Et si les jeunes faisaient pencher la balance? «Les jeunes votent plus vert et pour les nouveaux partis, a expliqué André Blais. Or, le plus important, c’est de voter. Et là, le clivage d’âge est relativement important.» Ainsi, Mme Durand croit qu’on devrait prêter attention aux 55 ans et plus, chez qui l’intention de vote fluctue de façon inhabituelle.

Des médias déconnectés

«On parle peu de la déconnexion de la classe politique et des médias par rapport à ce qui se passe sur le terrain», a dit Chantal Hébert. Les grands médias ont ainsi tendance à couvrir des sujets loin des préoccupations de l’électeur moyen et les journalistes à vivre dans un bocal avec leur fil Twitter. «On aurait pu croire que l’avènement des médias sociaux, toute cette instantanéité, tout cet accès aurait pu avoir pour effet d’élargir les parois du bocal, mais elles sont plutôt devenues des miroirs», a conclu Mme Hébert.

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