La veille stratégique peut être utile au système de santé

  • Forum
  • Le 8 novembre 2019

  • Mathieu-Robert Sauvé
Les “veilleurs”, spécialistes de la veille stratégique, peuvent rendre de grands services aux administrateurs en leur présentant ce qui se fait de mieux dans le monde actuellement.

Les “veilleurs”, spécialistes de la veille stratégique, peuvent rendre de grands services aux administrateurs en leur présentant ce qui se fait de mieux dans le monde actuellement.

Crédit : Getty

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Dans son doctorat, Elsa Drevon a étudié la question de la veille stratégique dans le milieu québécois de la santé.

Recruter de la main-d’œuvre, améliorer les pratiques de gestion, choisir les meilleurs traitements pharmaceutiques compte tenu de l’analyse coût-avantage, ce sont des tâches que les gestionnaires du secteur public de la santé au Québec doivent effectuer quotidiennement. Comment s’inspirer des meilleures pratiques en cours? «C’est ce que les spécialistes de la veille stratégique peuvent déterminer. Les “veilleurs”, comme on les appelle, peuvent rendre de grands services aux administrateurs en leur présentant ce qui se fait de mieux dans le monde actuellement», explique Elsa Drevon, qui met la dernière main à un doctorat sur la question à l’Université de Montréal.

La veille stratégique, définie comme un «processus systématique, continu, éthique et légal de collecte, d’analyse, de traitement et de diffusion de l’information […] visant à aider les gestionnaires, la haute direction ou l’organisation dans son ensemble à prendre de meilleures décisions et à alimenter la réflexion stratégique», est peu utilisée dans le milieu de la santé, a constaté la doctorante au début de sa recherche. Elle a décidé, de concert avec sa directrice, Dominique Maurel, et sa codirectrice, Christine Dufour, professeures agrégées à l’École de bibliothéconomie et des sciences de l’information, de creuser cette question dans le cadre d’une étude de cas.

Après avoir réalisé une revue exhaustive de la littérature sur le sujet, Mme Drevon a mené des entretiens semi-dirigés auprès de 16 cadres intermédiaires et supérieurs d’organisations publiques de santé et de 5 veilleurs. Elle en a conclu que, pour optimiser les bienfaits de la veille stratégique en santé, les veilleurs doivent être le plus possible intégrés aux équipes de gestion. En outre, les besoins des gestionnaires doivent être bien ciblés. «Plus la veille est centrée sur les besoins des gestionnaires, plus elle est utilisée et donc plus elle est stratégique. Par conséquent, ce qui fait d’une veille une veille stratégique est notamment sa capacité à être centrée sur les besoins informationnels des gestionnaires», écrit-elle dans un résumé de son projet doctoral.

À quoi sert la veille?

Elsa Drevon

Quand on demande aux gestionnaires ce qu'ils apprécient de la contribution des veilleurs, ils répondent que ceux-ci les aident à «s’inspirer des meilleures pratiques et légitimer des décisions, alimenter la réflexion, mieux comprendre les environnements externe et interne, réduire l’incertitude, se comparer aux autres organisations publiques de santé, préserver la réputation et mettre à jour leurs connaissances».

Une veille n’est pas automatiquement «stratégique». C’est l’usage qu’en fait le gestionnaire qui lui donne cette dimension. «Concrètement, un produit de veille stratégique devrait répondre à un besoin informationnel stratégique dans un format dynamique, attrayant et concis», précise Mme Drevon.

À noter, les veilleurs ne se limitent pas au monde québécois de la santé pour explorer les meilleures pratiques. Ils vont se documenter à l’extérieur de la province et du pays, et même dans des secteurs qui n’ont à priori rien en commun avec le milieu de la santé. «Les initiatives qu’on y voit peuvent servir de modèles à des gestionnaires du secteur public de la santé», dit Elsa Drevon.

Devenir veilleur

Les veilleurs stratégiques, qui sont très souvent des bibliothécaires, ont acquis une expertise par des formations au sein de la Communauté de pratique de veille en santé et services sociaux du Québec ou en étudiant la veille stratégique dans un cours à option au deuxième cycle, un cours que la doctorante a donné pendant plusieurs années. «Il existe différentes formes de veille. La veille scientifique porte sur les avancées de la recherche; la veille médiatique et la veille de réputation consistent à suivre les débats relatifs à une organisation dans les médias traditionnels ou sur les réseaux sociaux afin de connaître ce qui se dit sur cette organisation dans la société», indique Mme Drevon, qui vient d’obtenir un poste de conseillère aux affaires éducatives à la Fédération des cégeps. Son principal mandat est d’animer le Regroupement des bibliothèques collégiales du Québec.

Il n’y aurait guère plus de 25 bibliothécaires spécialisés en veille stratégique de santé au Québec actuellement. Mais on pourrait en compter beaucoup plus.