Les hôpitaux mobiles ont stoppé l’épidémie en Chine

  • Forum
  • Le 1 avril 2020

  • Mathieu-Robert Sauvé
La mise sur pied d'hôpitaux mobiles capables de faire face à une hausse rapide de cas a stoppé la progression de l’épidémie à Wuhan, en Chine, au début de l'année.

La mise sur pied d'hôpitaux mobiles capables de faire face à une hausse rapide de cas a stoppé la progression de l’épidémie à Wuhan, en Chine, au début de l'année.

Crédit : CGTN

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Des mathématiciens canadiens s’unissent pour établir des modèles de propagation de la COVID-19 et proposer des solutions efficaces pour l’endiguer.

Si le personnel médical dans les hôpitaux sauve la vie des personnes gravement infectées par la COVID-19, c'est la mise sur pied d'hôpitaux mobiles capables de faire face à une hausse rapide de cas qui a stoppé la progression de l’épidémie à Wuhan, en Chine, au début de l'année.

Voilà la conclusion à laquelle sont parvenus des chercheurs canadiens en mathématiques comptant dans leurs rangs Jacques Bélair, professeur au Département de mathématiques et de statistique de l’Université de Montréal. Dans un article à paraître, les chercheurs ont utilisé des modèles mathématiques imitant la transmission du virus à Wuhan. Ils ont tenu compte du nombre de lits d’hôpital disponibles dans le réseau existant et de l’arrivée d’hôpitaux mobiles après quelques semaines. Ils concluent que c’est cet apport de lits supplémentaires qui a contribué le plus à «ralentir et finalement arrêter l’épidémie» à Wuhan.

«Quand on regarde l’évolution de la pandémie, on peut isoler certaines variables et tenter de mieux comprendre ce qui a bien fonctionné afin d’appliquer les meilleures mesures au Canada», explique le professeur Bélair, qui fait carrière depuis 37 ans en enseignement et en recherche.

Il y a eu environ 50 000 personnes touchées par la COVID-19 à Wuhan, le foyer de la pandémie. Au début, les patients gravement atteints ont été soignés dans les hôpitaux du réseau chinois de la santé. Rapidement, ceux-ci ont atteint la limite de leurs capacités, ce qui a poussé les autorités à mettre à la disposition de la communauté des hôpitaux mobiles entièrement destinés à ces malades. Cette mesure a permis une meilleure prise en charge des patients et une réduction de la propagation de la maladie au sein du personnel médical. Plus de cinq pour cent des cas recensés à Wuhan étaient des professionnels de la santé.

Les IRSC accordent le financement

Jacques Bélair

Habitué à la modélisation mathématique appliquée aux problèmes biologiques ‒ il s’est intéressé à l'épidémiologie dès 1989, quand son fils a eu la rougeole deux semaines avant d’atteindre l’âge de la vaccination ‒, Jacques Bélair est membre du Centre de recherches mathématiques de l'UdeM, qui fait partie, avec trois autres instituts de recherche similaires à Vancouver, à Toronto et dans les provinces maritimes (Pacific Institute for Mathematical Sciences, Fields Institute for Research in Mathematical Sciences et Atlantic Association for Research in the Mathematical Sciences), d'un réseau pancanadien qui tente de favoriser les recherches et l’innovation interdisciplinaire basées sur les mathématiques. À la fin de la dernière année, les chercheurs de ce réseau ont voulu mettre l’épaule à la roue dans la lutte contre le coronavirus. Leur demande de financement aux Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC), pilotée par le Fields Institute for Research in Mathematical Sciences, a été acceptée.

La Mathematical Modelling Rapid Response Task Force, qu’ils ont mise en place en février, a mobilisé les meilleurs talents canadiens en modélisation mathématique pour affiner les outils de lutte contre la pandémie. «Grâce aux modèles mathématiques, nous effectuerons des simulations pour comprendre et prédire la propagation mondiale, les taux et les voies d'importation des cas au Canada», peut-on lire dans la description du projet financé à hauteur de 666 000 $ pour deux ans. Des universités et centres de recherche des États-Unis et de Chine collaborent avec les experts canadiens.

SRAS, répétition générale

Bien que le public canadien n’ait pas perçu le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) comme une pandémie aussi grave que celle qui sévit actuellement, la maladie a affecté certaines populations de façon assez marquée. L’un des endroits touchés était justement l’Ontario, en particulier la ville de Toronto. Cela n’est peut-être pas étranger au fait que plusieurs experts étaient prêts à proposer un projet bien ficelé en quelques semaines à peine. «Toutes nos énergies seront concentrées sur la pandémie. On cherchera à proposer des scénarios réalistes en matière de prévention mais aussi de traitement», mentionne le professeur Bélair.

Face à la transmission du virus, il y a de grandes disparités dans le monde. Entre la Corée du Sud qui a puisé dans les données personnelles des téléphones cellulaires de ses habitants pour scruter leurs déplacements et la Suède qui intervient très peu auprès des gens, les mesures mises en œuvre vont de la répression au libéralisme. Cette variabilité est intéressante à étudier «à condition que les données soient fiables», précise M. Bélair. C’est un enjeu déterminant pour la modélisation mathématique.

Et quand aurons-nous les réponses les mieux adaptées à la situation actuelle? Stoïque, le professeur répond qu’il faudra attendre «deux ou trois ans» après la crise pour avoir un tableau vraiment complet de la situation. Il promet tout de même des esquisses de scénarios dans les prochains mois.

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