Stress et douleur chronique: trois projets de recherche pour mesurer les effets de la pandémie

  • Forum
  • Le 27 mai 2020

  • Martin LaSalle
Pour les personnes qui éprouvent des douleurs chroniques ‒ soit une sur cinq au pays ‒, l’accroissement du stress peut accentuer la douleur et diminuer la qualité de vie.

Pour les personnes qui éprouvent des douleurs chroniques ‒ soit une sur cinq au pays ‒, l’accroissement du stress peut accentuer la douleur et diminuer la qualité de vie.

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La professeure Gabrielle Pagé et d’autres chercheurs de l’Université de Montréal mènent trois projets de recherche pour évaluer l’effet de la pandémie sur le stress et la douleur chronique.

C’est un euphémisme d’affirmer que la pandémie de COVID-19 augmente, à différents degrés, le stress qu’on peut ressentir. Mais pour les personnes qui éprouvent des douleurs chroniques ‒ soit une sur cinq au pays ‒, l’accroissement du stress peut accentuer la douleur et diminuer la qualité de vie.

Aussi, trois projets de recherche en cours portant sur le stress et l’évolution de la douleur chronique, et auxquels contribue Gabrielle Pagé, de l’Université de Montréal, ont été actualisés afin de tenir compte de l’effet de la crise du coronavirus sur les individus aux prises avec ce type de douleur.

La professeure du Département d’anesthésiologie et de médecine de la douleur de la Faculté de médecine de l’UdeM s’intéresse à la psychologie de la douleur. Chercheuse au Centre de recherche du Centre hospitalier de l’Université de Montréal, elle est aussi psychologue clinicienne spécialisée en douleur chronique.

Les douleurs au dos sous la loupe

Gabrielle Pagé

Amorcé depuis un certain temps, le premier projet de recherche porte sur la lombalgie, à l’initiative du Consortium québécois sur la douleur au dos, associé au Réseau québécois de recherche sur la douleur.

Il est mené auprès de plus de 2000 personnes atteintes de lombalgie et issues de différentes régions du Québec, et vise à évaluer sur deux ans les facteurs prédisant l’évolution de la douleur.

Outre les données objectives que les participants ont déjà partagées au cours de la dernière année, comme leur âge, leur occupation et leur situation socioéconomique, ils sont appelés à quantifier leur perception quant au stress et à la douleur qu’ils ressentent durant la pandémie, plus particulièrement dans un contexte où ils n’ont pu recevoir leurs traitements, par exemple des massages, des injections de cortisone ou de la physiothérapie.

Pour valider leurs perceptions, les chercheurs et chercheuses mesureront leur taux de cortisol à partir d’échantillons de cheveux, pris à différents intervalles.

«Comme les échantillons capillaires nous permettent de mesurer le niveau de cortisol au cours des trois derniers mois, nous serons en mesure de vérifier si la douleur perçue concorde avec le stress engendré par le confinement», précise Gabrielle Pagé.

Dans cette étude, Mme Pagé travaille avec le professeur Pierre Rainville, du Département de stomatologie de l’UdeM, et d’autres chercheurs des universités McGill, Laval, de Sherbrooke et du Québec en Abitibi-Témiscamingue.

Évaluer la douleur et le stress au quotidien

Depuis un an aussi, Gabrielle Pagé dirige une étude qui consiste à suivre, grâce à un journal électronique que remplissent les participants, l’évolution au jour le jour du stress et de la douleur qu’ils ressentent en fonction de ce qu’ils vivent.

«La douleur chronique se manifeste de différentes façons selon les personnes, explique-t-elle. Parfois, elle est stable et parfois, elle prend la forme d’une crise aigüe: nous cherchons à comprendre de quelle façon le stress peut provoquer des pics de douleur.»

Celle qui avait entrepris une étude sur le stress et la douleur cet automne s’estime chanceuse d’avoir pu obtenir des données journalières sur ces deux éléments avant le début de la pandémie chez plus de 50 participants. Elle a donc décidé de recueillir des données exhaustives sur leur état pendant la période pandémique. Ce contexte unique devrait éclairer le travail de la chercheuse et, éventuellement, contribuer à aider les patients à mieux gérer les répercussions du stress sur leur douleur.

À ce projet de Mme Pagé sont associés Pierre Rainville, qui dirige aussi le Laboratoire de neuropsychologie de la douleur, et Sonia Lupien, du Département de psychiatrie et d’addictologie de l’UdeM et directrice scientifique du Centre de recherche de l’institut universitaire en santé mentale de Montréal. Des chercheurs de l’Université McGill sont également engagés dans le projet.

Autogestion de la douleur et opioïdes

Sous la direction de la professeure Manon Choinière, du Département d'anesthésiologie et de médecine de la douleur de l’UdeM, Gabrielle Pagé et Lise Dassieu, une postdoctorante, participent aussi à un projet de recherche pancanadien qui fait appel à plus de 3000 personnes souffrant de douleur chronique.

Mené avec la collaboration de l’Association québécoise de la douleur chronique et Pain BC, ce projet consiste en un sondage et des entrevues qualitatives auprès des participants de toutes les provinces et de tous les territoires du Canada.

Les questionnaires permettent de recueillir des données sur la gestion et le traitement de la douleur par les participants, et les chercheurs étendront leur analyse à la pandémie de COVID-19 pour mieux en saisir les effets et les comparer en fonction des différences régionales, socioéconomiques et ethniques.

Suivre le parcours des plus vulnérables

Pour la professeure-chercheuse, ces trois projets actualisés pour tenir compte de la pandémie ont pour point commun de s’intéresser au parcours des personnes souffrant de douleur chronique et vivant en situation de vulnérabilité.

«Pas moins de 20 % de la population ressent des douleurs chroniques, mais comme on n’en meurt pas, cela se reflète dans l’accès aux soins: les gens peuvent attendre jusqu’à deux ans pour avoir accès aux ressources», déplore Mme Pagé, en soulignant qu’il y a peu de financement pour la recherche dans ce domaine.

Elle craint d’ailleurs que la situation des populations qui étaient déjà vulnérables s’aggrave avec la crise sanitaire.

«Avec le report des chirurgies non urgentes et des rendez-vous en clinique, ces personnes ne seront pas priorisées lorsque la situation se régularisera et elles devront attendre encore plus longtemps pour être traitées, avec le risque que leur état de santé se détériore», conclut Gabrielle Pagé.

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