Une application stimule les souvenirs des personnes atteintes de démence

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  • Le 28 mai 2020

  • Dominique Nancy
Grâce à une application qui regroupe des images, de la musique et des vidéos de moments marquants de leur vie, des aînés atteints de démence parviennent à échanger avec leur proche aidant et leur famille.

Grâce à une application qui regroupe des images, de la musique et des vidéos de moments marquants de leur vie, des aînés atteints de démence parviennent à échanger avec leur proche aidant et leur famille.

Crédit : Getty

En 5 secondes

Le Centre de recherche de l’IUGM lance deux projets pour aider les aînés en confinement.

Grâce à une application qui regroupe des images, de la musique et des vidéos de moments marquants de leur vie, des aînés confrontés à des problèmes de communication verbale à cause d'une démence, par suite d’un accident vasculaire cérébral (AVC) ou en raison d’autres problèmes de santé parviennent à échanger avec leur proche aidant et leur famille.

L'application nommée COMPAs (pour «communication proche aidant»), développée par Ana Inés Ansaldo et son équipe, favorise la communication entre les personnes âgées et leurs proches aidants, qu’ils soient soignants, membres de la famille ou professionnels de la santé.

«Les difficultés de communication peuvent mener à la dépersonnalisation du résident en plus de constituer une barrière à l’administration des soins et de représenter une surcharge de travail pour l’aidant. Avec COMPAs, la communication est axée sur le partage d’émotions positives et l’empathie. La personne est au centre des échanges. Les résidents sont engagés et les aidants voient leur fardeau diminuer. On constate une amélioration de la qualité de vie pour tous», explique Mme Ansaldo, professeure titulaire à l'École d'orthophonie et d'audiologie de l'Université de Montréal et chercheuse au Centre de recherche de l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal (CRIUGM).

«L’outil pourrait s’avérer doublement bénéfique dans le contexte de la COVID-19. Puisque l’application peut être jumelée à Zoom, elle s’adapte très bien au contexte d’isolement physique imposé par la pandémie», fait valoir pour sa part la directrice du CRIUGM, Sylvie Belleville.

Stimuler les émotions positives

Ana Inés Ansaldo

Crédit : Bonesso-Dumas

Plusieurs recherches démontrent les liens profonds entre les émotions et la communication. Les émotions positives peuvent agir comme des déclencheurs de la communication chez les personnes qui ont subi un AVC ou qui souffrent de la maladie d’Alzheimer, notamment.

«La composante socioémotionnelle est une des bases de la communication humaine», signale Mme Ansaldo. Des photos, des chansons ou des vidéos associées à la trajectoire de vie et à l’identité de la personne suscitent des émotions positives et favorisent la communication chez un individu atteint d’une démence avancée. La chercheuse a observé le phénomène lorsqu’elle s’occupait d’un proche. C’est ce qui lui a inspiré l’idée de l’application.

«Les membres de la famille et les soignants peuvent s’appuyer sur ces moments marquants pour déclencher des échanges centrés sur la personne, dit-elle. L’objectif de COMPAs est d’établir une communication axée sur des échanges positifs et significatifs, ce qui permet de préserver l’identité des personnes qui souffrent de démence, réduire le sentiment d’isolement et améliorer leur qualité de vie. Même sans une mémoire précise des évènements à l’origine, le partage des émotions associées à ces faits permet de maintenir le lien avec les individus atteints d’alzheimer et a des bienfaits durables. Tous les gens âgés aux prises avec des troubles de la communication en bénéficient.»

Soutenir les aînés et leur famille pendant le confinement

L’équipe de la professeure Ansaldo a mis au point cette application pour soutenir les personnes souffrant de démence, mais l’outil s’avère tout aussi efficace auprès de celles ayant subi une lésion cérébrale ou un traumatisme crânien.

L’application a été testée et validée au Centre d’hébergement Paul-Bruchési du Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal et est implantée pour une utilisation quotidienne par le personnel du centre d’hébergement depuis le printemps 2019. «De nombreux soignants m'ont dit qu'ils avaient de la difficulté à communiquer avec les résidents, mais l’application a amélioré presque instantanément la communication», affirme Mme Ansaldo.

«Le secret du succès? Je crois que c’est le poids émotionnel des échanges, étant donné le rôle fondamental des émotions dans les interactions et la communication humaine. L'application est efficace, car elle est basée sur l'empathie et le partage des émotions. La conversation est centrée sur la personne, pas sur la maladie.»

Aujourd'hui, Ana Inés Ansaldo et son équipe se préparent à faire entrer COMPAs dans 11 établissements de soins de longue durée à Montréal afin de contrer les effets négatifs du confinement lié à la COVID-19. L'implantation comprendra une composante d'appel vidéo et une formation pour les membres du personnel sur la façon d'utiliser l'application.

«Le manque de communication étant l’une des principales causes de détérioration cognitive et physique, l’application pourrait même être considérée comme un moyen de préserver la santé mentale d’une personne pendant la crise sanitaire actuelle. Elle pourrait soutenir non seulement l’individu âgé, mais aussi les membres de sa famille, qui s’inquiètent parce qu’ils ne peuvent pas venir le visiter.»

L’application COMPAs permet à plusieurs personnes d’agir comme partenaires de communication. Les membres de la famille et les intervenants des différents secteurs de santé peuvent accéder à distance aux contenus stockés sur la plateforme sécurisée et les utiliser pour garder le lien avec l’aîné ayant des difficultés de communication.

«À la fin de chacune des “sessions” de communication, le proche aidant peut donner une appréciation de la communication […] dans le but de suivre l’évolution des difficultés [du résident]. Le proche peut également partager ces informations avec un professionnel», peut-on lire sur le site de l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal.

Ce partage d’information permet de mieux suivre la progression de la personne et de garder une trace des éléments les plus stimulants pour la communication. Une sorte de «signature» des souvenirs les plus marquants.

L'application est facile à utiliser, avec une interface intuitive, et elle vient avec des guides hypertextes et des tutoriels disponibles sur YouTube. «Nous avons formé le personnel en deux rencontres et apporté notre aide la première semaine… puis c’était parti!» lance Ana Inés Ansaldo.

Avec son équipe, elle travaille à développer une version Android de l'application, car celle-ci n'est actuellement disponible que sur iOS.

Un site de webinaires au service des aînés en confinement

Le confinement est nécessaire pour lutter contre la COVID-19, mais il entraîne une baisse de l’activité physique et de l’activité cognitive et il peut être néfaste pour le moral des aînés. Le Centre de recherche de l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal (CRIUGM) a conçu un site de webinaires pour leur venir en aide.

«Durant cette période inédite, il est nécessaire de porter une attention particulière aux personnes âgées. La diminution des déplacements et l’isolement peuvent avoir des effets négatifs sur leur corps et leur bien-être psychologique», affirme la directrice du CRIUGM.

Sylvie Belleville rappelle qu’il est nécessaire pour tout le monde de continuer à avoir une activité physique quotidienne, y compris dans un espace restreint, et de maintenir des activités cognitives et sociales significatives. Cela est aussi important pour les gens âgés, qui en ont tout particulièrement besoin en période de confinement.

Le site webinaire.criugm.qc.ca vise justement à répondre à ce besoin de garder les aînés actifs, physiquement et mentalement.

Ce projet lancé et coordonné par la Dre Chantal Dumoulin, chercheuse au CRIUGM et professeure à la Faculté de médecine de l’Université de Montréal, vise à leur offrir trucs et informations sur divers enjeux de santé. Plusieurs chercheurs et praticiens du CRIUGM ont répondu à l’appel en proposant en exclusivité des présentations sur différents sujets qui intéressent les personnes de plus de 65 ans.

«Depuis sa mise en ligne en avril, nous avons eu près de 1500 visites», mentionne Mme Belleville.

On y trouve des capsules vidéos qui traitent de santé physique, santé cognitive et bien-être psychologique. Par exemple, un programme d’exercices a pour objectif d’aider les aînés à garder la forme malgré le confinement. Dans une autre présentation, on explique comment la musique et d’autres loisirs peuvent stimuler notre cerveau et ralentir le déclin cognitif lié à l’âge. À l’heure actuelle, une dizaine de capsules sont en ligne, mais «le site Web sera régulièrement alimenté», fait valoir Sylvie Belleville.

Voici quelques vidéos qu’il est déjà possible de visionner:

Ces vidéos sont également en ligne sur la chaîne YouTube du CRIUGM.

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