Gilles Brassard est élu membre international de la National Academy of Sciences

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  • Le 13 mai 2021

  • Martin LaSalle
Gilles Brassard

Gilles Brassard

Crédit : Christian Fleury

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Gilles Brassard, du Département d’informatique et de recherche opérationnelle de l’UdeM, a été élu membre international de la prestigieuse National Academy of Sciences des États-Unis le 27 avril.

Reconnu comme le père de l’informatique quantique au Canada et l'un des pionniers de cette discipline dans le monde, Gilles Brassard a été élu membre international de la National Academy of Sciences (NAS) des États-Unis le 27 avril. Il est le premier professeur de l’Université de Montréal à y être admis.

Créée en 1863 par une loi du Congrès américain qu’a signée le président Abraham Lincoln, la prestigieuse société américaine compte aujourd’hui 2461 membres américains et 511 membres internationaux. Cette année, seulement deux Canadiens y ont été  élus, soit Daniel J. Drucker, professeur de médecine à l’Université de Toronto, et Gilles Brassard, du Département d’informatique et de recherche opérationnelle de l’UdeM.

Organisation privée non gouvernementale, la NAS est chargée de conseiller les États-Unis sur les questions liées à la science et à la technologie. Ses membres sont élus en reconnaissance de leurs apports exceptionnels à la recherche et y entrer est considéré comme l'un des plus grands honneurs qu'un scientifique puisse recevoir.

Quand la physique et l’informatique se croisent… sur la plage!

C’est le Prix Nobel de physique de 2003 et membre de la NAS Anthony James Leggett qui a mis Gilles Brassard en nomination, notamment pour deux de ses contributions les plus connues à l’échelle mondiale, soit la cryptographie et la téléportation quantiques – toutes deux considérées comme des clés de voûte de la discipline.

C’est avec la collaboration d’un complice de longue date que M. Brassard a pu faire ces découvertes qui ont mené à cette nomination, soit le physicien et cryptologue Charles Bennett, lui-même membre de la NAS depuis 1997.

La façon dont les deux hommes de science se sont rencontrés mérite d’être soulignée.

«En 1979, je prenais part à un congrès d’informatique théorique à Porto Rico et, entre deux conférences, je suis allé à la plage, raconte le professeur Brassard. Tandis que je nageais, un parfait inconnu a nagé vers moi et, sans raison apparente, il m’a dit qu’il connaissait la façon de créer des billets de banque impossibles à contrefaire grâce à la théorie quantique… C’était Charles Bennett!

«Ce qu’il y a de particulier, c’est que, dans l’avion qui m’amenait à Porto Rico, j’avais lu un article qu’il avait écrit alors que je n’avais jamais entendu parler de lui auparavant, se remémore-t-il. Mais lui savait que j’allais prononcer une conférence sur la cryptographie deux jours plus tard et c’est pourquoi il est venu à ma rencontre!»

C’est ainsi que, grâce à l’apport de Charles Bennett à ses travaux de recherche, Gilles Brassard a pu mettre à profit la mécanique quantique pour élaborer ses théories de cryptographie quantique en 1983. Et, en collaboration avec cinq autres chercheurs, dont M. Bennett mais aussi le Québécois Claude Crépeau, il a inventé le protocole théorique de la téléportation quantique en 1992, qui a été réalisé de façon expérimentale par d’autres chercheurs des années plus tard.

Bientôt un prix Nobel?

Parmi les (très) nombreux prix et distinctions que Gilles Brassard a reçus au fil des ans, mentionnons le Rank Prize, le prix Wolf de physique (dont il a été le premier lauréat canadien), le Micius Quantum Prize et le Frontiers of Knowledge Award de la BBVA Foundation. Il est aussi membre étranger de l’Académie des sciences de Lettonie et de l’Academia Europaea ainsi que l’un des rares fellows québécois francophones de la Royal Society de Londres, où il a apposé sa signature dans le même livre qu'ont signé Isaac Newton, Charles Darwin et de nombreux autres éminents scientifiques.

Au Canada, il a obtenu le prix Killam, la Médaille d’or Gerhard-Herzberg du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, le prix Marie-Victorin (Prix du Québec) et le prix Acfas Urgel-Archambault. Il est membre de la Société royale du Canada ainsi qu’officier de l’Ordre national du Québec et de l’Ordre du Canada.

Depuis décembre dernier, il est le titulaire inaugural de la Turing Chair for Quantum Software de QuSoft, au Centrum Wiskunde & Informatica d’Amsterdam, aux Pays-Bas.

Prochaine étape, un prix Nobel?

«Le processus de nomination est très complexe et il est dans la tradition des Nobel de ne pas informer les personnes mises en nomination: ces listes restent d’ailleurs secrètes pendant 50 ans, sauf pour ce qui est des gagnants bien sûr. On verra en octobre!» lance pince-sans-rire le professeur Brassard. En effet, sur les 26 lauréats du prix Wolf de physique de 1978 à 2010, 14 ont ensuite remporté un prix Nobel.

On ne peut que le souhaiter à celui qui a entamé des études universitaires à l’âge de 13 ans et qui, après avoir fait son baccalauréat et sa maîtrise en informatique à l’UdeM, a reçu son doctorat en informatique théorique de l’Université Cornell en 1979… pour revenir à son alma mater cette année-là et y devenir professeur adjoint à l’âge de 24 ans et être promu titulaire à 33 ans!