Diminuer les douleurs lors des relations sexuelles grâce à une thérapie de couple

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Une nouvelle étude montre l’efficacité de la thérapie cognitivocomportementale de couple pour atténuer les douleurs génitopelviennes.

Une femme sur cinq éprouve des douleurs pendant les relations sexuelles. La dernière édition du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, véritable bible des psychiatres américains, les a répertoriées à la rubrique Trouble lié à des douleurs génitopelviennes ou à la pénétration. Pourtant ces douleurs ne sont pas uniquement psychologiques.

La vestibulodynie provoquée touche environ huit pour cent des femmes en Amérique du Nord. Elle est caractérisée par la présence de vives douleurs à l’entrée du vagin lors de rapports sexuels ou durant l’insertion de tampons. Pour diminuer ces sensations de brûlure, les femmes peuvent appliquer de la lidocaïne, une crème anesthésiante.

Une nouvelle étude menée auprès de 108 couples révèle qu’une thérapie cognitivocomportementale de couple serait plus efficace que l’application de cette crème. Cette étude a été menée par Sophie Bergeron, professeure au Département de psychologie de la Faculté des arts et des sciences de l’Université de Montréal, directrice du Laboratoire d’étude de la santé sexuelle de l’UdeM et titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les relations intimes et le bien-être sexuel ainsi que Natalie O. Rosen, de l’Université Dalhousie. Marc Steben et Marie-Hélène Mayrand de l'Université de Montréal, Marie-Pier Vaillancourt-Morel, de l’Université du Québec à Trois-Rivières, Serena Corsini-Munt, de l’Université d’Ottawa, et Isabelle Delisle ont également participé à ces travaux qui viennent d’être publiés dans le Journal of Consulting and Clinical Psychology.

Un trouble aux causes méconnues

Les médecins ne sont pas parvenus à déterminer ce qui cause la vestibulodynie provoquée. Les facteurs de risque sont nombreux. Parmi eux, on trouve des facteurs biomédicaux comme des infections à répétition qui auraient causé des inflammations dans la région vulvaire (cystite, infection vaginale…), la prise de certains contraceptifs oraux, mais également des prédispositions génétiques, des facteurs conjugaux ou encore des états dépressifs ou anxieux. Des anomalies dans les muscles du plancher pelvien ont également été désignées. On ne sait pas si ces anomalies sont des conséquences de la douleur ou si elles en sont la cause. On ne sait pas non plus si l’anxiété provoque la douleur ou si elle en est la résultante. On a analysé que plus il y a d’anxiété, pire est la douleur.

«On préconise des interventions psychologiques, car une fois que la douleur est installée, elle a tellement de répercussions négatives sur la sexualité et sur le couple qu’il devient alors essentiel de briser le cercle vicieux de peur et d’évitement. La douleur entraîne souvent chez les femmes une perte de désir et les deux partenaires sont frustrés. Il s’agit d’un problème réel et non d’un problème imaginaire», dit Sophie Bergeron.

Peu de traitements validés jusqu’à aujourd’hui

C’est une pratique commune chez les psychologues et les sexologues d’offrir des thérapies de couple. Dans le cas de la vestibulodynie provoquée, le rôle du partenaire est essentiel, d’où son importance dans l’intervention: il peut aggraver le problème ou contribuer à le réduire. Il existait des interventions qui jusqu’à présent n’avaient jamais été appuyées par des données probantes.

Pour la première fois, un essai clinique randomisé a évalué l'utilité d’une thérapie cognitivocomportementale de couple par rapport à l’application de la lidocaïne.

Les thérapies se sont révélées plus efficaces que l’application de la lidocaïne pour diminuer la peur de la douleur, la détresse sexuelle des femmes et leur catastrophisme, ainsi qu’améliorer leur sexualité. Après un suivi de six mois, les femmes étaient deux fois plus satisfaites de leur sexualité et leur partenaire trois fois plus.

Déroulement des séances

Les interventions se sont étalées sur 12 semaines avec une thérapie de couple d’acceptation et d’engagement.

«D’acceptation, c’est-à-dire que, au lieu d’amener une personne à changer ses pensées, on va davantage essayer qu’elle les accepte. On va procéder à une défusion cognitive, soit introduire une distance psychologique entre la personne et ses pensées. Au début de la thérapie, les femmes se définissent notamment par leurs problèmes de douleurs génitopelviennes. La thérapie va leur permettre de faire en sorte que ces pensées aient moins d’emprise sur elles. On tente également de briser l’association qu’elles ont faite selon laquelle sexualité = douleur. On veut la remplacer par de nouvelles associations comme sexualité = plaisir avec mon partenaire, intimité avec mon partenaire», mentionne Sophie Bergeron.

La thérapie va aussi se pencher sur les motivations sexuelles. Qu’est-ce qui est important pour les couples dans leur sexualité? «On essaie d’explorer d’autres aspects de la sexualité qui sont agréables, poursuit la professeure. Sur le plan comportemental, on peut les aider à élargir leur répertoire d’activités sexuelles qui n’engendrent pas de douleur. Généralement, c’est la pénétration vaginale qui occasionne de la douleur, donc on essaie de ne pas toujours mettre l’accent là-dessus.»

Enfin, la thérapie va travailler la régulation émotionnelle des membres du couple. «Lorsqu’un des partenaires réagit avec colère ou frustration lors d’une expérience de douleur, cela ne fait qu’empirer le problème. On aide les membres du couple à mieux gérer leur relation émotionnelle. On amène d’une part le partenaire à être plus empathique par rapport à l’expérience de la douleur de la femme et d’autre part la femme à être plus empathique quant à la frustration de son partenaire. On les aide à voir qu’ils sont une équipe soudée», déclare Sophie Bergeron.

L’importance d’un partenaire dans la thérapie

Selon Sophie Bergeron, la présence du partenaire à la thérapie «aide la femme à amoindrir sa douleur parce qu’elle n’est plus seule devant sa douleur». Les partenaires rapportent mieux comprendre la problématique ainsi que le vécu de l’autre et ils se réjouissent de travailler ensemble à améliorer la situation.

À la fin de leur thérapie, les couples se disent particulièrement satisfaits d’avoir réapprivoisé leur sexualité de façon non menaçante en remettant l’accent sur les expériences agréables plutôt que de laisser la douleur prendre toute la place. Et tout porte à croire que, avec d’autres types de douleurs génitopelviennes, ce traitement pourrait également fonctionner.

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