De l’importance de soutenir l’excellence universitaire en français

La réelle bataille du français en enseignement supérieur et en recherche se situe dans la capacité des universités francophones d’offrir des programmes à la hauteur de ce qui se fait de mieux en anglais tout comme en allemand ou en japonais.

La réelle bataille du français en enseignement supérieur et en recherche se situe dans la capacité des universités francophones d’offrir des programmes à la hauteur de ce qui se fait de mieux en anglais tout comme en allemand ou en japonais.

Crédit : Amélie Philibert

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C’est en misant sur l’excellence en enseignement et en recherche que les universités francophones affirment leur pertinence au Québec comme ailleurs dans la francophonie, selon Frédéric Mérand.

Les universités francophones québécoises et européennes, de concert avec l’ensemble de la francophonie, doivent déployer de réels efforts pour soutenir l’excellence universitaire en français tout en demeurant ouvertes sur le monde.

C’est l’idée que soutiennent le directeur scientifique du Centre d’études et de recherches internationales de l’Université de Montréal (CÉRIUM), Frédéric Mérand, et le conseiller principal aux communications du CÉRIUM, Jean-Frédéric Légaré-Tremblay, dans une lettre qu’ont publiée des journaux québécois et le journal Le Monde.

Tous deux déplorent que «les universités françaises, belges et suisses se tournent vers l’enseignement en anglais, surtout aux cycles supérieurs. Elles se donnent aussi des raisons sociales anglaises qui ne manquent pas de faire sourire les Québécois».

Le français, force d’attraction des universités

Frédéric Mérand

Crédit : Amélie Philibert

Pour MM. Légaré-Tremblay et Mérand, les universités francophones québécoises doivent continuer à résister à l’anglicisation tout en demeurant ouvertes sur le monde.

«… nous ne pensons pas qu’il soit possible de faire des recherches, de former les étudiants ou de rayonner en français seulement, assurent les auteurs. […] Qu’ils se destinent à la recherche, à la fonction publique ou au journalisme, nos étudiants devront être bilingues. […] il est impossible aujourd’hui d’avoir accès aux grands débats et aux grandes découvertes de ce monde sans une solide connaissance de l’anglais.»

Toutefois, ils sont d’avis que le français doit conserver une place de choix dans la communauté scientifique.

«Le français n’est pas ringard, [il] demeure une langue importante de la recherche, surtout en sciences humaines, poursuivent-ils. […] Le Québec et la France soutiennent un réseau de revues scientifiques et de presses universitaires de très haut niveau qui publient l’essentiel des travaux en français. Ceux-ci sont largement diffusés sur des plateformes comme Érudit ou Cairn.»

Et il est faux de croire que le français empêche une université de figurer parmi les établissements de calibre international, selon eux. Ils en prennent pour preuve les universités québécoises francophones, qui attirent des étudiants et des professeurs de partout dans le monde venus y étudier ou y travailler en français, «ce qui ne nie pas que la tentation de l’anglais s’y fait aussi de plus en plus sentir», avertissent MM. Légaré-Tremblay et Mérand.

Ainsi, une université francophone qui se tourne vers l’anglais attirera peut-être de nouvelles clientèles, «mais elle trahit aussi sa position de deuxième rang, de produit dérivé face aux prestigieuses universités anglophones qui étaient probablement le premier choix de ces clients», soulèvent-ils.

Trouver un juste équilibre

Pour Frédéric Mérand, défendre vigoureusement la langue française dans l’enseignement supérieur et en recherche est tout à fait compatible avec l’ouverture à l’anglais et à d’autres langues d’ailleurs.

«La valorisation du français ne doit ni donner lieu à un faux sentiment d’universalisme – comme ce fut jadis le cas en France – ni conduire à un repli sur soi, qui est parfois une tentation au Québec», indique le professeur.

Cette valorisation repose d’abord sur la capacité de résister à la tentation d’utiliser de façon abusive la langue anglaise. «À l’instar du slogan des Jeux olympiques de Paris 2024 [Made for Sharing], nombre d’établissements d’Europe francophone se sont déjà donné des raisons sociales anglaises ces dernières années, rappelle-t-il. Il n’est pas certain qu’ils ont gagné en rayonnement ce qu’ils ont perdu en cachet.»

La réelle bataille du français en enseignement supérieur et en recherche se situe dans la capacité des universités francophones d’offrir des programmes à la hauteur de ce qui se fait de mieux en anglais tout comme en allemand ou en japonais.

«Ce n’est pas l’anglais qui rend meilleures les universités francophones, car la qualité de la recherche n’a pas de langue, conclut Frédéric Mérand. Il est impératif de renforcer la qualité de la recherche et de la formation en français, car produire un savoir et des étudiants francophones et médiocres n’aurait pas beaucoup d’intérêt: c’est pourquoi il importe de soutenir l’excellence universitaire en français, compatible avec l’ouverture sur le monde.»

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