Est-ce que se mettre les pieds dans l’eau permet vraiment de se rafraîchir?

Crédit : Getty

En 5 secondes

Le professeur de l’UdeM et chercheur Daniel Gagnon se penche cet été sur le réel potentiel de rafraîchissement d’un bain de pieds lors d’une canicule.

L’été est synonyme de vacances, de repos, de soleil. Mais aussi de vagues de chaleur qui exacerbent le risque d’être hospitalisé pour un problème cardiaque et d’en mourir.

Et avec les changements climatiques, ces périodes de chaleur extrême sont de plus en plus fréquentes et intenses. Elles s’accompagnent alors d’un nombre accru d’hospitalisations et de décès, surtout chez les aînés, chez les personnes souffrant d’une maladie cardiovasculaire et encore plus chez les gens qui appartiennent aux deux catégories.

Dans une société où la climatisation n’est pas accessible à tous, pour des raisons tant économiques que d’espace, quelles stratégies de rafraîchissement pratiques et peu coûteuses s’offrent à ces populations à risque?

Daniel Gagnon, professeur à l’École de kinésiologie et des sciences de l’activité physique de l’Université de Montréal, tente de le préciser.

À titre de chercheur au Centre ÉPIC de l’Institut de cardiologie de Montréal, il s’intéresse aux raisons qui contribuent à l’augmentation des troubles cardiovasculaires lors des canicules et aux interventions simples et efficaces pour minimiser les conséquences physiologiques de l’exposition à la chaleur.

Dans une étude précédente, le chercheur et ses collègues de l’Université de Sydney, en Australie, ont démontré que dans un environnement chaud et humide le ventilateur est efficace pour se rafraîchir, alors que dans un environnement chaud et sec la vaporisation d’eau serait plutôt la méthode à privilégier pour abaisser sa température.

Cet été, ils tentent de faire la lumière sur une autre pratique répandue, mais pourtant non prouvée scientifiquement: l’immersion des pieds dans l’eau.

Pieds trempés, corps soulagé?

Le protocole sera le même que dans l’étude précédente: des sujets âgés de plus de 50 ans resteront pendant trois heures dans une chambre climatique qui recrée dans un cas des conditions caniculaires et humides (38 °C et 60 % d’humidité) et dans l’autre des conditions caniculaires et sèches (45 °C et 15 % d’humidité).

Dans un premier temps, les participantes et participants ne seront soumis à aucune intervention destinée à les rafraîchir, seules les réponses physiologiques liées à l’exposition à la chaleur seront consignées – rythme cardiaque, température corporelle, production de sueur, perception de la chaleur.

Dans un deuxième temps, les sujets seront rafraîchis par un bain de pieds seulement, puis au moyen d’un bain de pieds combiné avec un ventilateur pour l’environnement humide et avec la vaporisation d’eau pour l’environnement sec.

Comme précédemment, les chercheurs australiens s’intéressent ici à des personnes âgées en bonne santé, alors que les chercheurs montréalais mènent leur étude auprès de personnes souffrant de problèmes cardiaques, considérant que la chaleur provoque un travail du cœur.

«Lors d’une canicule, le corps subit un stress physiologique, explique Daniel Gagnon. Les vaisseaux sanguins sous la peau se dilatent, il y a donc plus de sang qui y circule. Pour répondre à cette demande, le cœur doit travailler plus fort, donc le rythme cardiaque augmente. Dans nos expérimentations, nous avons vu que le simple fait de rester assis à la chaleur peut entraîner une hausse du rythme cardiaque de 10 à 20 battements par minute. Et il y a également la transpiration qui entre en jeu.»

Sur le long terme, ajoute le professeur, la transpiration peut mener à la déshydratation, voire à l’insuffisance rénale, alors que le travail du cœur peut rapidement devenir problématique chez des personnes vivant avec une maladie cardiaque. Le risque d’un coup de chaleur mortel devient alors bien réel.

Potentiellement efficace indépendamment de l’humidité

Grâce à leurs résultats précédents, les chercheurs savent déjà que le ventilateur est efficace en milieu humide et que la vaporisation d’eau l’est en milieu sec.

Daniel Gagnon rappelle que, dans un environnement humide, l’évaporation de la sueur est limitée – donc son effet rafraîchissant aussi. Par conséquent, en augmentant la circulation d’air avec un ventilateur, on améliore l’évaporation.

À l’inverse, dans un environnement sec, la sueur s’évapore aisément. Un ventilateur ne favorise donc pas l’évaporation, mais accroît plutôt le gain de chaleur de l’environnement. La vaporisation d’eau devient alors pertinente, puisqu’elle joue le rôle de sueur artificielle permettant de rafraîchir le corps.

Le professeur-chercheur croit que le bain de pieds sera bénéfique dans les deux types d’environnements, mais encore plus s’il est combiné avec les stratégies précédentes. «En plongeant ses pieds dans une eau froide du robinet, le sang qui circule sous la peau pourra mieux libérer la chaleur vers l’eau», précise-t-il.

Au final, peu importe les résultats, l’étude de Daniel Gagnon et ses collègues permettra de faire des recommandations en matière de rafraîchissement basées sur la science selon le type de canicule. Un atout précieux dans les milieux plus à risque où il n’y a pas de climatiseurs.

Sur le même sujet

environnement professeurs recherche