Le nationalisme n’est pas l’ennemi de l’immigration, aux yeux de Catherine Xhardez

Catherine Xhardez

Catherine Xhardez

Crédit : Amélie Philibert | Université de Montréal

En 5 secondes

Spécialiste des politiques publiques sur l’immigration et le fédéralisme, la nouvelle professeure du Département de science politique Catherine Xhardez estime possible d’«intégrer pour exister».

Catherine Xhardez, nouvelle professeure adjointe au Département de science politique de l’Université de Montréal, prend plaisir à renverser les perspectives, à remettre en question les certitudes et les préjugés, tant ceux des autres que les siens.

La preuve: née en Belgique d’une mère pharmacienne et d’un père kinésithérapeute, elle aurait pu vouloir embrasser une profession du domaine de la santé. De fait, elle a bel et bien entamé des études de médecine, mais l’expérience a été de courte durée.

«Ça ne me plaisait pas… Mes meilleures notes étaient en philosophie et j’ai mis la médecine de côté avec le désir de saisir le monde, de réfléchir et de me doter des clés d’analyse pour mieux comprendre les rapports de force et de pouvoir dans l’organisation des sociétés», relate Catherine Xhardez.

Cette remise en question la mène à se réorienter vers la science politique. Après avoir obtenu un baccalauréat en science politique et en droit à l’Université Saint-Louis–Bruxelles, elle fait une maîtrise en science politique à Sciences Po Paris et une maîtrise en droit public à la Vrije Universiteit Brussel (VUB).

«Mes recherches m’ont incitée à me questionner sur les effets du nationalisme sur l’immigration dans les États fédéraux dont la Belgique et le Canada, où la Flandre et le Québec partagent des similitudes», poursuit-elle.

Les nations minoritaires et l’immigration: intégrer pour exister

Catherine Xhardez entreprend alors ses études doctorales en science politique et sciences sociales en cotutelle à l’Université Saint-Louis–Bruxelles et Sciences Po Paris, au cours desquelles elle effectue des séjours de recherche à l’Université Yale, aux États-Unis, à l’Université McGill et à l’Université d’Oxford, en Angleterre.

Elle fait porter sa thèse sur les liens entre le nationalisme sous-étatique et l’intégration des personnes immigrantes en Flandre et au Québec.

«Je cherchais à comprendre comment évoluent le discours et la circulation d’idées et de revendications dans le club de nations minoritaires en matière d’immigration et comment évolue leur construction interne quant à la façon de voir et d’intégrer les immigrantes et les immigrants», explique Catherine Xhardez.

Et là encore, ses conclusions ébranlent certains à priori.

«On entend généralement dire que les nationalismes n’aiment pas trop les immigrants, mais dans ma thèse, je démontre qu’on peut voir le contraire dans certaines circonstances, que c’est moins conflictuel qu’on pense et qu’on peut intégrer pour exister, assure-t-elle. Malgré les différences entre la Flandre, le Québec ou même la Catalogne ou l’Écosse, l’évolution des idées et des discours sur l’immigration affiche plusieurs lignes de convergence, notamment dans la défense et la promotion de la langue et de la culture, et leurs effets sur le type de populations qu’on souhaite accueillir pour se définir de l’intérieur.»

Sa principale contribution à la littérature scientifique en matière de politiques publiques sur l’immigration est d’avoir montré qu’il y a «un décentrage, que l’intégration s’opère de plus en plus sous l’État central et que les structures sous-étatiques disposent de plusieurs pouvoirs et de moyens pour intégrer les personnes immigrantes».

C’est d’ailleurs le moteur de ses projets en cours: aller voir en dessous de l’État central comment les nations fédérées attirent, sélectionnent, intègrent et retiennent les immigrants et immigrantes – comme c’est le cas au Canada avec les provinces.

Cap sur Montréal… et l’enseignement

Catherine Xhardez nourrit un grand intérêt pour le Québec, et pour Montréal en particulier, depuis bon nombre d’années.

Déjà, à l’âge de 10 ans, elle fait le tour du Québec durant son premier «grand» voyage, dont elle garde des souvenirs mémorables. Adulte, elle revient à Montréal à l’occasion d’une conférence de l’Association internationale de science politique en 2014 et d’un séjour de recherche à l’Université McGill en 2016. C’est en 2018 qu’elle pose vraiment ses valises dans la métropole, à titre de stagiaire postdoctorale à l’Université Concordia, avec son conjoint et leur petite fille de cinq mois.

En 2020, elle retourne en Belgique en tant que postdoctorante FWO à la Brussels School of Governance de la VUB, mais Montréal demeure l’endroit où la famille souhaite s’établir!

L’année 2022 est un tournant pour Catherine Xhardez, qui est non seulement de retour au Québec, mais qui a aussi été engagée comme professeure adjointe au Département de science politique de l’UdeM, où elle donne les cours Immigration et multiculturalisme et Méthodes d’évaluation des politiques publiques.

«Montréal abrite une belle communauté de chercheurs et de chercheuses qui s’intéressent aux débats sur les questions de l’immigration et du fédéralisme. En étant ici, je peux marier les concepts et la théorie à la pratique et mieux comprendre les choses pour mieux les enseigner», affirme-t-elle.

Et que réserve-t-elle à ses étudiantes et ses étudiants?

«Je veux les amener à prendre du recul pour voir de nouvelles perspectives, conclut Catherine Xhardez. Je leur dit qu’on est ici pour désapprendre ensemble, surtout sur les questions de l’immigration, où les idées préconçues sont fréquentes… Et leurs questions me font parfois m’interroger moi-même sur certains concepts!»

On peut suivre les activités de Catherine Xhardez sur Twitter ou sur son site internet.