Un pas de géant est franchi dans la compréhension de l’autisme

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Des neuroscientifiques ont démontré que dans le syndrome de l'X fragile, la cause la plus fréquente de l’autisme, les signaux sensoriels du monde extérieur sont intégrés différemment.

Roberto Araya

Roberto Araya

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Les résultats d’une nouvelle étude menée par le neuroscientifique Roberto Araya, chercheur au Centre de recherche du CHU Sainte-Justine et professeur au Département de neurosciences de l’Université de Montréal, montrent que dans le syndrome de l'X fragile, la cause la plus fréquente de l’autisme, les signaux sensoriels du monde extérieur sont intégrés différemment, ce qui cause leur sous-représentation par les neurones pyramidaux corticaux dans le cerveau. Ce phénomène pourrait fournir des indices importants sur l’origine des manifestations de ce syndrome. Les travaux de l’équipe de recherche permettent non seulement de comprendre le mécanisme sur le plan cellulaire, mais ils ouvrent aussi la porte à de nouvelles cibles de stratégies thérapeutiques.

L'étude a été publiée le 3 janvier dans la revue américaine Proceedings of the National Academy of Sciences.

L'autisme se caractérise par un large éventail de symptômes qui pourraient provenir d'un développement différent du cerveau. Grâce à l’avancement technologique de l’imagerie cérébrale et de la génétique, l'équipe du CHU Sainte-Justine a pu observer le fonctionnement individuel des neurones et se concentrer sur les neurones pyramidaux de la couche corticale 5 – qui sont parmi les principaux neurones de sortie du cerveau dans le cortex (cette fine couche de tissu cérébral qui recouvre le cerveau).

Elle a alors constaté une différence dans la manière dont les signaux sensoriels sont traités dans ces neurones. «Des travaux antérieurs laissaient penser que le syndrome de l’X fragile était caractérisé par un cortex hyperexcitable, considéré comme le principal contributeur à l'hypersensibilité sensorielle observée chez les personnes autistes», explique Roberto Araya.

Crédit : Roberto Araya et Soledad Miranda-Rottmann

«À notre grande surprise, nos résultats remettent en question cette vision généralisée. Ils montrent que l'intégration des signaux sensoriels dans les neurones du cortex est sous-représentée dans un modèle murin atteint de l’X fragile», poursuit Diana E. Mitchell, première coauteure de l’étude et bénéficiaire d'une bourse de recherche postdoctorale du Programme de formation en recherche en autisme – Québec.

L’image de l’arbre permet d’illustrer la morphologie et la fonction des neurones pyramidaux dans le syndrome de l’X fragile. Ces neurones sont l'un des principaux intégrateurs d'informations dans le cortex cérébral, avec de longues «branches» et «racines» représentant les dendrites. Les petites saillies ressemblant à des «feuilles» sont les épines dendritiques, où se trouvent les synapses excitatrices ‒ reliant un neurone à un autre. Les sections floues de l'image illustrent l'altération de l'intégration et de la perception des informations sensorielles du monde extérieur découverte par Diana E. Mitchell, Soledad Miranda-Rottmann et leurs collègues.

Comment expliquer cette différence?

Une protéine, la FMRP, absente du cerveau des personnes atteintes du syndrome de l’X fragile, module l’activité d’un type de canal de potassium dans le cerveau. Selon les travaux du groupe de recherche, c’est l’absence de cette protéine qui modifie la façon dont les entrées sensorielles sont combinées et qui cause leur sous-représentation par les signaux sortants des neurones pyramidaux corticaux dans le cerveau.

Soledad Miranda-Rottmann, également première coauteure de l’étude, est parvenue à restaurer la situation avec des techniques de génétique et de biologie moléculaire. «Même en l'absence de la protéine FMRP, qui a plusieurs fonctions dans le cerveau, nous avons démontré comment la représentation des signaux sensoriels peut être rétablie en réduisant l'expression d'une seule molécule», dit-elle.

«Cette découverte ouvre la porte à de nouvelles thérapies pour aider les personnes atteintes du syndrome de l’X fragile à percevoir correctement les signaux du monde extérieur. Même s’il demeure que la surreprésentation des signaux internes du cerveau causant l’hyperactivité n’est pas prise en charge, la juste représentation des signaux sensoriels pourrait s’avérer suffisante pour permettre une meilleure intégration des signaux du monde extérieur et un apprentissage mieux adapté à la prise de décision et à l’engagement dans l’action», affirme Roberto Araya.

  • Roberto Araya, Soledad Miranda-Rottmann et Diana E. Mitchell

    Crédit : Charline Provost

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