Manifeste pour mettre fin aux violences basées sur le genre

Denis Mukwege

Denis Mukwege

Crédit : Daniel Musaka

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Un manifeste en vue de mettre fin aux violences basées sur le genre vient de paraître pour donner suite au cinquième congrès de la Chaire internationale Mukwege, tenu en décembre 2024 à Montréal.

Marie Hatem

Marie Hatem

Crédit : Daniel Musaka

Le manifeste Mettre fin aux violences basées sur le genre: autonomisation des femmes et développement durable vient d’être publié par l’équipe organisatrice du cinquième congrès de la Chaire internationale Mukwege, qui s'est tenu en décembre 2024 à Montréal.

«Le document constitue une synthèse des stratégies gagnantes présentées à la rencontre et vise à faciliter l’utilisation des données probantes», affirme Marie Hatem, professeure à l’École de santé publique de l’Université de Montréal, qui a été coorganisatrice et présidente du comité scientifique du congrès.

Parce que même si l’égalité des genres fait partie des 17 objectifs de développement durable (ODD) de l’Organisation des Nations unies pour 2030, force est de constater qu’il y a encore beaucoup de violences basées sur le genre, notamment utilisées comme arme de guerre dans de nombreux conflits sur la planète.

«De fait, partout où il y a de l’instabilité, de la pauvreté et où la femme n’a pas de droits, les violences sont là, explique la chercheuse. Pourtant, des milliards ont été dépensés depuis le lancement des ODD pour autonomiser les femmes afin d’arriver à l’égalité des genres. Mais qu’est-ce qui fonctionne vraiment?»

Responsabiliser les États

Le manifeste demande notamment aux États d’assumer leur responsabilité légale et de jouer un rôle actif dans la prévention, la justice et la réparation des violences sexuelles, particulièrement en contexte de conflits armés et auprès des populations déplacées.

«Souvent, les gouvernements adoptent des lois, mais ne les appliquent pas, souligne Marie Hatem. Les victimes de violences sexuelles qui osent entamer des poursuites judiciaires n’ont pratiquement jamais gain de cause et, si elles l’ont, elles n’ont pas la réparation à laquelle elles ont droit. Il est temps que les gouvernements appliquent les lois et pénalisent les gens responsables de violences.»

Réaliser des recherches rigoureuses

La chercheuse remarque aussi que, dans les pays où les femmes vivent énormément de violence, il n’y a généralement pas de recherche qui se fait et que, s’il y en a, les projets manquent de rigueur scientifique.

«Il faut mener des recherches rigoureuses pour tester l’efficacité des interventions avec des protocoles solides qui tiennent compte du trauma, des spécificités linguistiques et culturelles et en collaboration avec les parties prenantes, mentionne-t-elle. Il faut aussi étudier tous les déterminants des violences faites aux femmes pour améliorer la prévention en élaborant des stratégies innovantes. En ce moment, il n’y a pas suffisamment de solutions fondées sur les données probantes.»

Changer les normes sociales

Les organismes communautaires ont aussi un grand travail stratégique à faire pour contribuer aux changements des normes sociales et à la réduction de la stigmatisation des victimes de violences sexuelles.

«Ils ne peuvent pas, par exemple, organiser une activité pour les femmes victimes de violences sexuelles, indique la chercheuse. Qui voudra y aller pour être étiqueté? Les organismes ont de bonnes intentions, mais ils doivent travailler avec l’ensemble de la communauté pour arriver à de réels changements sociaux face aux violences sexuelles et basées sur le genre.»

Adopter des approches holistiques efficaces

Il y a aussi des défis du côté des organismes qui soutiennent la mise en place d’interventions sur le terrain. «Dans une approche holistique, il faut offrir des services médicaux, psychosociaux, juridiques et socioéconomiques en un seul lieu pour favoriser la participation des victimes, fait observer Marie Hatem. Or, même si c’est le cas, plusieurs vont venir chercher un type de services, mais vont en refuser d’autres ou n’y auront pas accès. Pourquoi? On n’a pas nécessairement de données probantes pour l’expliquer. Il faut écouter les femmes, travailler avec elles pour cocréer des interventions qui répondent mieux à leurs besoins.»

Le manifeste servira de base au travail qui se poursuivra lors du prochain congrès de la Chaire internationale Mukwege, qui se tiendra à l’Université libre de Bruxelles en décembre prochain. Le Dr Denis Mukwege, Prix Nobel de la paix en 2018, est gynécologue et président fondateur de la Fondation Panzi, qui aide les femmes congolaises victimes de violences sexuelles.

Le cinquième congrès de la Chaire internationale Mukwege a été organisé par l’Unité de santé internationale, l’Observatoire Hygeia, UdeM international et plusieurs autres partenaires.

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