Un chat stressé est plus à risque de cystites

La cystite idiopathique féline est l’une des principales causes de consultations d’urgence chez le chat.

La cystite idiopathique féline est l’une des principales causes de consultations d’urgence chez le chat.

Crédit : Getty

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Le stress et l’anxiété jouent un rôle clé dans la récurrence des cystites chez le chat, selon une étude du CHUV. Mieux comprendre leurs effets permettrait d’éviter bien des souffrances.

Et si le stress était un facteur déterminant dans les cystites récurrentes chez le chat? C’est ce que donne à penser une étude menée auprès de 33 chats par Marianne Caudron, Pascale Laroche, Isabelle Bazin et Marion Desmarchelier, de l’équipe de médecine du comportement du Centre hospitalier universitaire vétérinaire (CHUV) de l’Université de Montréal. Une piste prometteuse qui pourrait changer la manière de soigner et de comprendre cette maladie douloureuse et mal connue.

Quand le stress attaque la vessie

Marianne Caudron

Marianne Caudron

Crédit : Centre hospitalier universitaire vétérinaire de l'UdeM

La cystite idiopathique féline est l’une des principales causes de consultations d’urgence chez le chat. Cette inflammation aigüe de la vessie se manifeste par des mictions douloureuses, parfois tachées de sang, et un inconfort pour l’animal. Pourtant, dans une majorité de cas, les examens ne révèlent ni infection bactérienne, ni calculs, ni tumeur. L’urine est stérile. L'affection est alors dite «idiopathique», c’est-à-dire sans cause organique définie.

«Il y a une maladie tout à fait comparable chez les femmes, avec les mêmes symptômes. Et on sait qu’elle est souvent la manifestation d’un grand stress ou de l’anxiété», explique Marion Desmarchelier, vétérinaire comportementaliste et professeure à la Faculté de médecine vétérinaire de l’UdeM.

Selon elle, ce mécanisme pourrait bien être le même chez les chats. L’un des aspects les plus préoccupants de la cystite idiopathique féline est son taux de récurrence élevé. Environ la moitié des chats ayant souffert d’un épisode de cystite referont une crise. «Et certains vont finir par être euthanasiés à cause de cela. Ce n’est pas la maladie elle-même qui est mortelle, ce sont plutôt les coûts des soins répétés en urgence que certaines familles ne peuvent plus assumer», indique-t-elle.

La pandémie a permis de révéler le rôle du stress chez les chats

La pandémie de COVID-19 a été un moment clé pour mieux comprendre l’effet du stress sur la santé des chats. Enfermés chez eux, les humains ont bouleversé le quotidien de leurs compagnons félins, réputés pour leur attachement à la routine et à la tranquillité.

«Pendant la COVID-19, on était tous à la maison. Les chiens étaient ravis parce qu’ils sortaient tout le temps. Par contre, on s’est rendu compte que les chats avaient deux fois plus de cystites idiopathiques», observe Marianne Caudron, résidente en médecine du comportement à la Faculté de médecine vétérinaire de l’UdeM. C’est ce constat qui a poussé l’équipe du CHUV à lancer une étude pour mieux cerner les liens entre comportement anxieux et récurrences de cystites.

Un profil anxieux bien particulier

Marion Desmarchelier

Marion Desmarchelier

Crédit : Courtesy

Trente-trois chats (23 mâles et 10 femelles) qui souffraient d’une cystite idiopathique ont fait partie de l’étude. Les personnes vivant avec eux ont été invitées à remplir un questionnaire sur le comportement et le mode de vie de leur compagnon: rapport aux inconnus, agressivité, accès à la nourriture, interactions sociales, etc. Les chats ont ensuite été répartis en deux groupes: ceux n’ayant eu qu’un seul épisode de cystite et ceux chez qui la maladie était récurrente.

Résultat: 94 % des chats qui retombaient malades manifestaient une peur marquée des personnes inconnues, contre seulement 59 % chez ceux n’ayant eu qu’un épisode de cystite. Cette peur semble donc être un indicateur possible d’un terrain anxieux, propice aux récurrences.

«On pensait que les chats anxieux et agressifs pourraient être plus sensibles, mais ce n’est pas ce qu’on a vu. Ce sont surtout les chats peureux, repliés sur eux-mêmes qui semblent plus à risque», souligne Marion Desmarchelier. En d’autres termes, les chats qui intériorisent leur stress seraient plus vulnérables que ceux qui l’extériorisent.

Soigner l’anxiété: une priorité trop souvent oubliée

Les auteures de l’étude plaident pour un changement de perspective: il ne s’agit pas seulement de traiter une inflammation de la vessie, mais aussi d’aborder la santé mentale du chat dans sa globalité. «On pense que cette maladie est causée par le stress et l’anxiété, résume Marion Desmarchelier. On ne devrait plus parler de cystites idiopathiques, mais de cystites secondaires à l’anxiété.»

Mais comment traiter un chat anxieux? La médication peut aider, mais elle ne suffit pas. «Ce n’est pas juste une pilule magique», insiste-t-elle. Par exemple, si le chat est constamment harcelé par d’autres congénères à la maison, aucune molécule ne réglera le problème tant que l’environnement ne change pas. «Si quelqu'un est allergique aux cacahuètes, on ne va pas lui en donner chaque jour en disant simplement qu’il a besoin d’un EpiPen tout le temps!» illustre la vétérinaire.

La clé reste une approche globale, où l’environnement joue un rôle central. «Il n’y a aucun animal pour qui on ne fait que prescrire une médication pour l’anxiété. Il faut aussi améliorer son cadre de vie», affirme-t-elle.

Cela peut passer par des changements concrets et souvent simples, comme multiplier les sources d’eau et utiliser des fontaines; proposer des zones de repos calmes, en hauteur; ajouter un bac à litière de plus que le nombre de chats; varier les jouets et les activités de chasse simulée; offrir un accès sécurisé à l’extérieur.

Même si l’étude du CHUV n’a pas démontré que ces mesures réduisent à elles seules les récurrences, elles demeurent essentielles dans une démarche de prévention et de bien-être.

Réconcilier médecine vétérinaire et comportement animal

La cystite idiopathique féline met en lumière un fait souvent négligé: chez le chat, comme chez l’humain, le stress chronique peut engendrer de véritables troubles physiques. Et comme le dit Marion Desmarchelier, «cette maladie nous montre à quel point le stress peut avoir un immense effet sur la santé».

Pour les chercheuses, des travaux plus vastes sont nécessaires, avec des outils d’évaluation comportementale standardisés, pour mieux comprendre le lien entre anxiété et santé urinaire. Mais d’ici là, les vétérinaires peuvent déjà poser quelques questions simples sur le comportement du chat en consultation et orienter les cas à risque vers une prise en charge comportementale.

Du côté des humains vivant avec des chats, l’essentiel est de comprendre que leur animal ne souffre pas «sans raison». Un chat qui urine en dehors de sa litière ou qui a des cystites à répétition n’est pas capricieux: il exprime un mal-être. «Si leur chat va deux fois par an chez le vétérinaire pour un blocage urinaire et que ça leur coûte une fortune, il y a des solutions, rappelle Marion Desmarchelier. Il faut faire passer ce message: ce n’est pas une fatalité.»

À propos de cette étude

L’article «Association between behavioral factors and recurrence rate in cats with feline “idiopathic” cystitis», par Marianne Caudron, Pascale Laroche, Isabelle Bazin et Marion Desmarchelier, a été publié dans le numéro de mars-avril 2025 du Journal of Veterinary Behavior.