Serge Larivée part à la chasse aux charlatans
- Forum
Le 12 décembre 2014
- Dominique Nancy
Pourfendeur de gourous et autres imposteurs, l'auteur invite les gens à faire preuve de discernement et à cultiver un esprit critique.
Il est parfois difficile pour Monsieur et Madame Tout-le-monde de faire la part entre science et pseudoscience. Des phénomènes paranormaux tels que la télépathie, la réincarnation et le pouvoir de guérison aux vieilles recettes de grand-mère, les prétendants à la vérité rationnelle sont pléthore.
«En librairie, il se vend encore 90 % plus d'ouvrages sur l'astrologie et d'autres phénomènes paranormaux que sur la science reconnue», déclare Serge Larivée, professeur à l'École de psychoéducation de l'Université de Montréal, qui vient de publier Quand le paranormal manipule la science. Il y rappelle qu'«aucun champ de connaissance n'est à l'abri des pseudoscientifiques. Les sciences humaines et sociales constituent cependant un terreau particulièrement fertile pour les charlatans de tout acabit.»
Pourfendeur de gourous et autres imposteurs, l'auteur invite les gens à faire preuve de discernement et à cultiver un esprit critique. Il prend l'exemple de l'astronomie et de l'astrologie. «Le seul point commun entre ces deux approches réside dans leurs cinq premières lettres, lesquelles recoupent également au Québec une marque de yaourt : Astro. Nous sommes nettement en présence de deux médailles bien distinctes!» écrit-il dans la postface de son essai critique sur l'emprise des croyances.
Dans cet ouvrage, il cherche notamment à comprendre l'attrait du cerveau humain pour la «fausse science». Cette catégorie comprend tout ce qui a trait au paranormal (comme la clairvoyance, la divination et les fantômes) et à l'astrologie. M. Larivée y inclut aussi la psychanalyse qu'il a déjà pourfendu dans le passé. À son avis, le climat socioculturel et le système d'éducation contribuent à la promotion de ces pseudosciences. «En tant que lieux privilégiés de la culture et du savoir, les librairies, les bibliothèques, la télévision et Internet encouragent le sous-développement intellectuel en offrant une très vaste gamme de produits pseudoscientifiques», observe-t-il.
Le laxisme et la naïveté de certains médias à l'égard des pseudosciences sont aussi écorchés au passage. Il déplore entre autres que la façon de présenter les informations dans les médias s'oppose à la démarche scientifique. «On recherche le sensationnel, assuré par l'image instantanée et la prévalence des stimuli rapides, ce qui empêche l'analyse détaillée et l'observation systématique : la brièveté des explications est la règle et le témoignage (le “vécu”) prévaut sur l'expertise», peut-on lire.
Nul lecteur ne se trompera sur ses visées premières : dénoncer les fausses sciences, des plus anodines et risibles aux plus sournoises et dangereuses. Le ton est souvent amusé comme lorsqu'il évoque la présence d'anges gardiens et l'inconscient collectif jungien soumis à l'influence des planètes. Mais il est plus grave quand il raconte l'infiltration des pseudosciences dans le monde universitaire québécois et européen. L'auteur n'hésite pas à affirmer que cette infiltration est «insidieuse».
Pour aider les lecteurs à mieux cibler les impostures scientifiques, le professeur Larivée présente 26 arguments auxquels recourent les tenants des pseudosciences pour justifier leurs approches. Ainsi, l'absence de protocole expérimental et d'évaluation par les pairs, l'utilisation habile du doute ou encore de l'aspect ésotérique du relativisme cognitif et le recours à des théories invalidées ou non encore validées, ainsi qu'aux mystères et aux anomalies pour légitimer une démarche sans jamais apporter de preuves ont pour conséquence une dérive du sens critique.
Son ouvrage incisif, «qui devrait faire tomber en dépression tous les adeptes des pseudosciences», est une lecture essentielle pour tous les étudiants, notamment ceux des secteurs de la santé. Il apporte les bases de l'esprit critique indispensable à leur exercice futur de la profession. Les professionnels de la santé et le grand public y trouveront également leur compte.
Dominique Nancy
Serge Larivée, Quand le paranormal manipule la science,
Montréal, Éditions MultiMondes, 2014, 226 pages, 24,95 $.