Pourquoi les autochtones ne peuvent pas être confondus avec les minorités au Québec

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Comment mieux distinguer les principes d’équité-diversité-inclusion et les approches de décolonisation-réconciliation-autochtonisation.

«Nous ne sommes pas des immigrants et nous ne voulons pas faire partie de la catégorie des nouveaux arrivants, comme si nous n’étions pas là auparavant», affirme Mélanie Boivin, directrice générale du Centre d’amitié autochtone du Lac-Saint-Jean.

Bien souvent, les peuples autochtones ont tendance à être confondus avec les minorités au Québec. S’il y a bien un cadre commun relatif aux droits et aux libertés qui s’appliquent à tous et à toutes, leur situation est pourtant régie par deux corpus juridiques bien distincts. Dans la revue Possibles, les nuances à apporter ont été expliquées par un collectif formé de Carine Nassif-Gouin, responsable du certificat en coopération et solidarité internationales et du programme ACCES-FEP de la Faculté de l’éducation permanente de l’Université de Montréal, de Chantal Levesque, responsable du certificat en santé publique, du certificat en gestion des services de santé et des services sociaux et du certificat en intervention psychoéducative de la Faculté de l’éducation permanente, de Pierre Picard, membre de la nation huronne-wendate et directeur du Groupe de recherche et d’interventions psychosociales en milieu autochtone, de Mélanie Boivin, directrice générale du Centre d’amitié autochtone du Lac-Saint-Jean, et de Samuel Blain, professeur de clinique au Département de médecine de famille et de médecine d’urgence à la Faculté de médecine.

Quelques définitions

Rappelons tout d’abord que les peuples autochtones regroupent toute personne appartenant aux Premières Nations, aux Métis ou aux Inuits. Les Premières Nations comprennent les Abénakis, les Anishnabek (Algonquins), les Atikamekw Nehirowisiw, les Eeyou (Cris), les Hurons-Wendats, les Innus, les Malécites, les Mi’gmaq, les Mohawks et les Naskapis.

L’autochtonisation résulte quant à elle «des efforts conscients [qui] sont mis en œuvre pour intégrer les peuples autochtones, leurs philosophies, leurs connaissances et leurs cultures dans les plans stratégiques, les rôles de gouvernance, l’élaboration et l’examen des programmes d’études, la recherche et le perfectionnement professionnel», souligne Mélanie Boivin.

La réconciliation «consiste à établir et à maintenir une relation de respect réciproque entre les peuples autochtones et non autochtones dans ce pays.»

L’équité «réfère à un sentiment ou une perception de justice par rapport à une situation donnée. Elle désigne une démarche pour corriger les désavantages historiques existants entre des groupes». Et l’inclusion «fait référence à l’action de mettre en place un environnement respectueux de la diversité qui intègre pleinement tous les membres de la communauté, qui les accompagne et leur offre des mesures de soutien pour favoriser le bien-être et leur accomplissement.»

Des droits juridiques distincts

Les droits des peuples autochtones sont définis par des textes législatifs bien précis. Ainsi, l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 reconnaît les droits des peuples autochtones issus de traités comme des droits constitutionnels ancestraux, notamment les droits existants issus d’accords sur les revendications territoriales.

En ce qui concerne les minorités, afin de favoriser l’équité, les Nations unies ont fait une déclaration distincte en 1981 sur l’élimination de toute forme d’intolérance et de discrimination fondée sur la religion ou les croyances.

D’autres aspects sociaux

Plus de 150 000 enfants issus des Premières Nations, des Inuits et des Métis ont été forcés à fréquenter les pensionnats autochtones. En 2008, la Commission de vérité et réconciliation a demandé à ce que tous sévices subis soient dévoilés et consignés et à ce que toutes les institutions soient restructurées afin que les systèmes et les structures coloniaux soient abolis dans toutes les sphères de la société canadienne. La Commission insiste sur le fait que les droits des peuples autochtones issus de traités et de conventions, de droits constitutionnels et de droits de la personne doivent être respectés.

Distinctions concernant la santé

Le Centre de collaboration nationale de la santé autochtone du gouvernement fédéral présente des déterminants sociaux de la santé propres aux personnes et aux communautés autochtones.

Le principe de Jordan a été adopté en mémoire de Jordan River Anderson, un jeune Cri du Manitoba décédé seul à la suite de conflits entre les différents ordres de gouvernement quant à la responsabilité de l’offre de services. Ce principe vise à ce que tous les enfants des Premières Nations vivant au Canada aient accès à des services de santé ou à un soutien adéquat en passant par l’offre de services de santé.

Le principe de Joyce vise à reconnaître la discrimination systémique dont sont victimes, au Québec et au Canada, les Premières Nations et les Inuits dans leurs relations avec les services publics, et principalement en matière de santé et de services sociaux. Il reconnaît ainsi que les peuples autochtones ont le droit d’utiliser leur pharmacopée traditionnelle et de conserver leurs pratiques médicales. Il reconnaît aussi que les peuples autochtones ont également le droit d’accéder, sans aucune discrimination, à tous les services sociaux et de santé.

Distinctions concernant la recherche

Le chapitre 9 de l’énoncé de politique intitulé «Éthique de la recherche avec des êtres humains» repose sur le concept de réciprocité entre les communautés autochtones et le milieu de la recherche. Il permet aux communautés autochtones de préserver et de gérer leurs connaissances collectives et l’ensemble des données qui proviennent de leurs collectivités. Les communautés autochtones ont l’autorité sur l’accès et la propriété des processus de collecte de données et sur la façon dont celles-ci peuvent être utilisées.

De nombreux textes scientifiques et législatifs signalent la distinction entre les principes d’équité-diversité-inclusion et les approches de décolonisation-réconciliation-autochtonisation.