Les mairesses sont plus nombreuses que les maires à utiliser les réseaux sociaux au Canada

Selon la littérature sur la couverture médiatique des femmes en politique, les réseaux sociaux pourraient être utilisés afin d’éluder une couverture médiatique biaisée de la politique municipale.

Selon la littérature sur la couverture médiatique des femmes en politique, les réseaux sociaux pourraient être utilisés afin d’éluder une couverture médiatique biaisée de la politique municipale.

Crédit : Getty

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Les femmes qui dirigent une municipalité au pays sont plus nombreuses et actives que leurs confrères sur les réseaux sociaux, indique Katherine V. R. Sullivan dans sa thèse de doctorat.

Au Canada, les mairesses sont plus nombreuses que les maires à avoir un compte sur les réseaux sociaux et elles l’utilisent davantage que leurs confrères. Mais globalement, rares sont les premiers magistrats municipaux qui se servent de ces outils pour communiquer avec leurs commettants.

C’est l’un des éléments qui ressort des travaux de recherche doctorale effectués par Katherine V. R. Sullivan, dont les premiers résultats ont été publiés dans la revue Information Polity. Ce premier article propose des données descriptives portant sur le taux d’adoption des réseaux sociaux par les maires et mairesses ainsi que leur utilisation active, avec un intérêt particulier pour la variation selon le genre. L’absence de données sur les élues et élus municipaux au Canada a mené à la création de cette base de données ambitieuse. 

Sous la supervision du professeur Frédérick Bastien, du Département de science politique de l’Université de Montréal, Mme Sullivan a regroupé les données de 3525 maires et mairesses à partir du recensement fait en 2016 par Statistique Canada et à l’aide de résultats électoraux.

Ensuite, elle a examiné la proportion de mairesses et de maires qui, à travers le pays, avaient une page Facebook, un compte Twitter ou un compte Instagram, ainsi que la proportion d’entre eux qui utilisaient activement leurs comptes numériques à l’extérieur d’une période électorale.

Mme Sullivan a également tenu à étudier l’écart genré selon la taille de la population des municipalités. Il est à noter que le genre, dans le cadre de cette étude, a été codé de manière binaire. Cependant, Mme Sullivan examine plus en détail la performance du genre dans le reste de sa thèse et démontre que ce construit social est loin d’être blanc ou noir.

Encore loin de la parité hors ligne

Katherine V. R. Sullivan

Crédit : Courtoisie

Le premier constat qui se dégage des données est que notre conception de la parité en politique municipale est erronée, car on évalue souvent celle-ci en combinant les proportions de mairesses et de conseillères. En ne tenant compte que des postes d’élues à la tête d’une municipalité, les résultats démontrent que 19,4 % de ces postes sont occupés par des femmes.

Bien que les mairesses soient toujours peu nombreuses, les résultats indiquent qu’elles sont cependant en plus grand nombre sur les réseaux sociaux, comparativement aux maires, et qu’elles sont plus actives sur les trois plateformes étudiées.  

Les résultats laissent aussi croire que les petites municipalités seraient plus accessibles aux femmes désireuses de s’engager en politique, car on compte davantage de mairesses dans des municipalités dont la population est de 10 000 à 49 999 personnes.

Un écart genré positif

Bien que peu de mairesses et de maires utilisent activement les réseaux sociaux, Facebook et Twitter demeurent les plateformes les plus populaires. En effet, 7,3 % des mairesses et des maires sont actifs sur leur page Facebook et 6,6 % le sont sur Twitter, tandis que seulement 2,3 % utilisent Instagram.

Les données montrent aussi que les mairesses (18,2 %) sont plus nombreuses que les maires (10,8 %) à avoir un compte Facebook et à l’utiliser (12,1 % contre 6,2 %).

Par ailleurs, dans les grandes villes, les mairesses sont sept fois plus enclines à utiliser Twitter en comparaison de celles qui dirigent de petites municipalités.

Mais se pourrait-il qu’en raison de la pandémie plus de mairesses et de maires se soient tournés vers les réseaux sociaux pour communiquer avec le public en dehors des campagnes électorales?

«Il est possible que l'utilisation des réseaux sociaux ait augmenté pendant la pandémie à cause du confinement, mais avec l’accroissement observé de l'incivilité numérique envers les élus et élues, cela pourrait aussi avoir modéré certaines ambitions à cet égard», nuance Katherine V. R. Sullivan.

Une différence à explorer davantage

Comment expliquer la différence d’utilisation des comptes de réseaux sociaux par les mairesses et les maires canadiens?

«D’une part, mon projet de recherche portait sur les comptes professionnels de ces dirigeantes et dirigeants, et non sur leurs comptes personnels, et leur expérience sur ces plateformes n’est pas toujours positive, particulièrement pour les femmes: différentes études démontrent qu’elles sont nombreuses à recevoir plus de commentaires négatifs – voire désobligeants – comparativement aux hommes en politique municipale», avance la doctorante de l’UdeM.

Une autre explication pourrait résider dans le potentiel de désintermédiation des réseaux sociaux, c’est-à-dire le contournement des médias traditionnels. «Selon la littérature sur la couverture médiatique des femmes en politique, les réseaux sociaux pourraient être utilisés afin d’éluder une couverture médiatique biaisée de la politique municipale. Il faut toutefois se souvenir que les réseaux sociaux ne sont pas une panacée», conclut Mme Sullivan.

Les femmes sont encore sous-représentées en politique municipale

L’un des constats qui ressort de l’analyse de Katherine V. R. Sullivan est que les femmes sont encore nettement sous-représentées dans les postes de premiers magistrats municipaux: un peu moins de 20 % de ces postes sont occupés par des femmes.

Selon elle, ce résultat contraste avec le ton optimiste de la couverture médiatique quant au nombre apparemment croissant de candidatures féminines aux élections municipales.

Dans un article qu’elle a signé dans la revue Policy Options en novembre 2019, Mme Sullivan écrit notamment que «l'idée que la politique municipale est beaucoup plus accessible aux femmes est persistante au Canada, malgré les recherches d'universitaires […] qui ont contesté cette idée. Une partie du problème réside dans la couverture médiatique trop positive autour des femmes occupant des postes de direction municipale ainsi que dans le manque de données pour démystifier ou étayer les affirmations».

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