Comment les Européens perçoivent-ils l’Europe?

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Les récits officiels sur l’Europe touchent les citoyens européens quels que soient leur statut économique et leur niveau de scolarité: ils croient à l’importance de préserver la paix.

Après deux guerres mondiales, l’Europe s’est construite idéologiquement sur un modèle de coexistence pacifique entre des États autrefois rivaux. Aujourd’hui, alors que partout en Europe différentes éventualités se profilent relativement à ce projet initial, des chercheurs se sont demandé ce qu’en pensaient les citoyens européens. Comment perçoivent-ils l’Europe selon leur statut socioéconomique et leur niveau de scolarité?

Pour le savoir, une vaste étude conduite auprès de 21 groupes de discussion dans quatre villes européennes a été menée au sein du Réseau transatlantique sur l’Europe politique. Cette recherche a été dirigée par Laurie Beaudonnet, professeure au Département de science politique de l’Université de Montréal, directrice scientifique du Centre Jean Monnet de Montréal et chercheuse au Centre d’études et de recherches internationales de l'UdeM. Les responsables locales pour chaque pays sont Céline Belot, chargée de recherche au laboratoire Pacte et enseignante à Sciences Po Grenoble, pour la France; Virginie Van Ingelgom, professeure à l’Institut de sciences politiques Louvain-Europe de l’Université catholique de Louvain, pour la Belgique; et Marina Costa Lobo, chercheuse à l’Institut des sciences sociales de l’Université de Lisbonne, pour le Portugal.

Les résultats généraux de cette étude se trouvent dans un article écrit par Laurie Beaudonnet, Céline Belot, Hélène Caune, chargée de recherche au laboratoire Pacte et enseignante à Sciences Po Grenoble, Anne-Marie Houde, doctorante à l’Université Warwick, et Damien Pennetreau, doctorant à l’Université catholique de Louvain. La section portant sur les valeurs est le résultat d’un travail en cours de Laurie Beaudonnet, Céline Belot et Hélène Caune.

Discuter de l’intégration européenne

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Vingt et un groupes de discussion ont été menés dans quatre villes durant une période de quatre mois: à Grenoble (France), Louvain-la-Neuve (Belgique), Lisbonne (Portugal) et Florence (Italie).

Les 95 personnes participantes ont été réparties dans des groupes homogènes de gens âgés retraités, d’étudiants et d’étudiantes ainsi que d’employés et d’employées de bureau. 

Une modératrice ou un modérateur posait une question puis l’écrivait, proposait ensuite différents passages avec des messages ou des images politiques et donnait plus de trois heures de discussion aux groupes pour leur laisser le temps de réagir.

Un soutien différent à l’intégration européenne selon le capital économique et financier

L’étude montre que le sentiment d’intégration à l’Union européenne varie suivant le capital économique et financier, et ce, quel que soit l’âge ou le pays. «Les personnes qui possèdent un plus grand capital financier et culturel, qui sont mobiles dans leur travail, qui peuvent faire du tourisme vont avoir tendance à soutenir l’intégration, alors que les personnes qui sont économiquement moins stables vont en général se sentir exclues de cette dynamique», affirme Laurie Beaudonnet.

Une question de valeurs

Ce sentiment d’intégration ne dépend pas uniquement du statut économique de l'individu, mais aussi de ses valeurs personnelles. «Les citoyens ont déjà une certaine idée du projet européen en ce qui a trait aux valeurs. Cela peut être des valeurs de démocratie ou de redistribution, de partage, d’ouverture. Cela leur permet d’évaluer le projet et de considérer si le projet est conforme à leurs attentes», déclare-t-elle.

L’importance de la paix pour les Européens

«Ce qui nous a beaucoup surpris, c'est de voir combien la place de l’Europe dans le monde était importante pour les citoyens européens. Ils attendent de l’Europe qu’elle possède des valeurs démocratiques et qu’elle ait une action extérieure conforme à ces valeurs», ajoute la chercheuse.

L’étude montre que le discours officiel sur la paix a été intégré par les Européens, quels que soient leur citoyenneté, leur âge, leur statut économique et leur niveau de scolarité. Tous s’accordent à dire que l’Europe a pour responsabilité de garantir la paix à l’extérieur et de gérer la question migratoire de la meilleure des façons. «Plus on est à gauche et plus on est jeune et plus la critique va être virulente. Les jeunes générations s’expriment également différemment face à la responsabilité du passé colonial de certains États membres», affirme la professeure Beaudonnet.

Surprise de l’étude: des groupes de discussion trouvent un consensus

Il aurait été plus simple d’envoyer un long questionnaire et d’analyser les réponses au lieu d’étudier celles de 21 groupes de discussion, mais l’objectif était plutôt de laisser des gens s’exprimer librement dans un débat pour obtenir ensuite des opinions distinctes. Étonnamment, de nombreux consensus ont émergé et particulièrement dans des groupes d’aînés, qui ont été rencontrés à trois reprises.

Les chercheurs analysent maintenant comment la dynamique d’un groupe peut produire une impression de consensus, alors même que les énoncés étaient conçus pour susciter le débat avec des messages polémiques.

«En ayant le verbatim de toutes les discussions, on peut observer d’un point de vue linguistique ce qui s’est produit. Il y a des moments saillants où l'on note que les participants et participantes n'ont pas du tout les mêmes positions et arrivent quand même à se dire d’accord. Il y a alors production de consensus du point de vue verbal, alors qu’en termes de position, pas du tout!» note Laurie Beaudonnet.

Les chercheurs analyseront sous peu ce qui a pu entraîner ces consensus. Est-ce que les participantes et participants étaient gênés? N’est-il pas socialement acceptable d’exprimer publiquement son désaccord?

  • Préparation du groupe de discussion

    Préparation du groupe de discussion

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  • Remue-méninges

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  • Discussion autour de carricatures.

    Discussion autour de caricatures

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