Mathieu O’Bomsawin, jeune leader, grande influence

De gauche à droite :
Annie Pullen Sansfaçon, Mathieu O’Bomsawin, Daniel Jutras et Louis-Philippe Boivin Grenon

De gauche à droite : Annie Pullen Sansfaçon, Mathieu O’Bomsawin, Daniel Jutras et Louis-Philippe Boivin Grenon

Crédit : Joelle Simard-Lapointe

En 5 secondes

Mathieu O’Bomsawin a reçu le Prix de la valorisation des langues autochtones de l’UdeM pour ses initiatives en vue de susciter l’intérêt des nouvelles générations à l’égard de la langue abénakise.

«Dans ma communauté et ma nation, à part une aînée très âgée, plus personne n’a l’abénakis comme langue maternelle ou ne le parle couramment. Mais des gens se souviennent de l’avoir entendu il y a une cinquantaine d’années ou l’ont appris. Et heureusement, nous avons beaucoup de données et d’enregistrements qui ont permis à la langue de survivre.»

C’est ainsi que Mathieu O’Bomsawin, agent de développement culturel au Grand Conseil de la Nation Waban-Aki, campe la situation en début d’entrevue lorsqu’on lui demande pourquoi il est si engagé dans sa communauté en matière de culture, notamment de langue.

«On ne souhaite pas que la langue disparaisse, poursuit-il. On préfère dire que la langue est endormie pour mieux se réveiller avec la nouvelle génération, qui montre un intérêt plus grand pour se la réapproprier.»

Dans la communauté d’Odanak, où il réside, en bordure de la route 132 à 30 km à l’est de Sorel, il constate qu’il y a de nombreuses ressources offertes aux personnes qui souhaitent apprendre la langue abénakise. «Mais la majorité des membres de la nation habitent à l’extérieur de la communauté et n’y ont pas accès», précise-t-il.

Heureusement, ce ne sont pas les idées qui manquent chez Mathieu O’Bomsawin pour permettre à un plus grand nombre de gens de s’initier à l’abénakis ou d’améliorer leurs connaissances sur la langue.

 

 

Une application sur la langue abénakise

L’homme de 33 ans a notamment eu l’idée de créer une application sur la langue abénakise qui sera lancée dans les prochaines semaines.

«J’ai vu qu’il existait une subvention de Patrimoine canadien pour le volet Langues autochtones, alors j’en ai fait la demande et c’est ainsi que le Grand Conseil de la Nation Waban-Aki peut concevoir une application en collaboration avec plusieurs jeunes de la nation», raconte celui qui travaille sur le projet depuis deux ans et demi.

Que ce soit les dessins, la réalisation, la programmation, l’intégration des contenus ou les enregistrements en français et en abénakis, l’application est entièrement mise au point par des personnes abénakises.

Il y a aussi en parallèle un travail réalisé avec l’Université de Sherbrooke pour recenser et rapatrier tous les documents et enregistrements en langue abénakise.

«Lorsque nous aurons traité toutes ces données, nous les intégrerons à l’application, indique Mathieu O’Bomsawin. Ce sera fait au courant de l’année. Nous pourrons donc entendre parler notamment des hommes et des femmes dont l’abénakis est la langue maternelle, avec l’accent original.»

Un dictionnaire français-abénakis

Parmi les autres projets qui le tiennent occupé ces temps-ci, il y a la coordination de la production du dictionnaire français-abénakis standardisé, qui devrait sortir au cours de l’année.

«Plusieurs dictionnaires, avec différentes façons d’écrire les mots, ont été rédigés ici et là, remarque Mathieu O’Bomsawin. Avec un comité mis en place il y a quelques années, nous avons décidé de standardiser la langue. Le dictionnaire fait 600 pages non éditées. En ce moment, on effectue le travail de révision linguistique et de mise en page.»

Ce dictionnaire sera le plus gros ouvrage de référence sur la langue abénakise. «Ce sera un produit de qualité qui offrira un tableau complet de la langue, qui répondra à toutes les questions, explique-t-il. On aura aussi des définitions complètes parce que, très souvent, un mot en abénakis signifie une phrase en soi.»

Une famille engagée

Mathieu O’Bomsawin, qui a un baccalauréat en administration des affaires, profil Ressources humaines, est engagé depuis toujours dans sa communauté pour faire rayonner la culture.

«C’était naturel de s’impliquer dans ma famille, surtout du côté de ma mère, relate-t-il. Mes grands-parents habitaient juste en face de chez moi et j’étais toujours chez eux. Mon grand-père, Fernand O’Bomsawin, était dans le comité du pow-wow, a été chef de la communauté pendant une dizaine d’années et a cofondé le Musée des Abénakis. Il m’a transmis sa passion. J’ai un peu suivi ses traces. Il a toujours été clair pour moi que je voulais travailler dans le domaine de la culture et du tourisme abénakis.»

Dès l’âge de 15 ans, Mathieu O’Bomsawin a été guide au Musée des Abénakis. Il en est devenu le directeur général en 2016, fonction qu’il a assumée jusqu’à son départ, en 2019, alors qu’il s’est joint au Grand Conseil de la Nation Waban-Aki.

Il a aussi réalisé plusieurs actions bénévoles dans sa communauté et a été élu conseiller au Conseil des Abénakis d’Odanak pour un mandat de deux ans. «Nous avons construit une politique culturelle avec un plan d’action en définissant des orientations et des priorités pour, concrètement, mieux faire rayonner la langue et la culture», explique celui qui était porteur du dossier.

Mathieu O’Bomsawin a été très surpris de recevoir le Prix de la valorisation des langues autochtones de l’UdeM: c’est un ancien collègue qui a soumis sa candidature à son insu.

«Lorsqu’on m’a annoncé que je recevais ce prix et que j’ai vu les lauréats des années précédentes [Nicole Petiquay en 2022, Kahtehron:ni Iris Stacey et Marcel Godbout en 2021, Yvette Mollen en 2020], j’ai dit que ma contribution au rayonnement de la culture de ma communauté n’était pas suffisante pour accepter cet honneur, affirme-t-il. Mais on m’a expliqué qu’on voulait aussi reconnaître avec ce prix des initiatives de la relève pour valoriser les langues autochtones.»

Le Prix de la valorisation des langues autochtones a été remis le 11 mai, à l’occasion du 90e Congrès de l’Acfas, qui se déroule à l’Université de Montréal jusqu’au 12 mai. «Mon grand-père est décédé le 11 mai l’an dernier, mentionne Mathieu O’Bomsawin. C’était donc une journée très significative pour moi.»