Un logiciel pour créer facilement de nouvelles musiques électroniques

Navigation dans une mosaïque créée avec le logiciel de Dominic Thibault et son équipe de recherche

Navigation dans une mosaïque créée avec le logiciel de Dominic Thibault et son équipe de recherche

Crédit : lfo-lab

En 5 secondes

Grâce à des avancées technologiques récentes, le logiciel Mosaïque permettra de démocratiser la création de musiques numériques.

Le tonnerre gronde. Vous entendez la pluie tomber avec force. Imaginez que vous puissiez extraire avec une infime précision chaque son qui vous parvient, en sélectionner certains et les mélanger à des notes de piano ou de l’instrument de votre choix pour créer votre propre mélodie.

C’est le projet de recherche-création sur lequel travaille cet été Dominic Thibault, professeur à la Faculté de musique de l’Université de Montréal, avec son équipe composée de cinq auxiliaires de recherche. Il utilise une technique d’échantillonnage sonore nouvelle nommée «synthèse concaténative par corpus», qui consiste à segmenter et à indexer de multiples caractéristiques sonores de larges collections de fichiers. Une représentation graphique du corpus permet alors de lire distinctement les divers segments et de composer de nouvelles musiques électroniques.

Mais pour celles et ceux qui ne sont pas férus d’informatique musicale, il est complexe de se repérer dans ces vastes réseaux de données. Souhaitant rendre ces techniques plus simples d’accès, Dominic Thibault et son équipe sont à concevoir un logiciel de création de musique numérique: Mosaïque. «L'intention est de partager avec la communauté musicale des corpus sonores déjà analysés et cartographiés dans Mosaïque afin qu'elle puisse rapidement commencer à faire de la musique avec l'outil», mentionne le professeur.

Le projet est financé par le programme Soutien à la recherche-création pour la relève professorale du Fonds de recherche du Québec – Société et culture et par l’Observatoire interdisciplinaire de création et de recherche en musique.

Recueillir différents sons

Cet été, l’équipe procède à une immense collecte de sons pour agrandir sa base de données.

Une clarinettiste va ainsi jouer pendant 30 minutes devant un microphone. «Le son enregistré va être divisé en petites tranches. Par exemple, à chaque attaque de notes, le son va être découpé, ce qui va nous donner plusieurs milliers de segments. Ils vont avoir de multiples caractéristiques: plutôt aigus ou graves, forts ou faibles, bruiteux ou harmoniques…», explique Dominic Thibault.

David Piazza, qui s’intéresse aux synthétiseurs, va composer un corpus avec l’un de ces appareils de marque Buchla. L’étudiante Gabrielle Caux va quant à elle préparer des corpus de paysages sonores avec des bruits de vent, d’eau, des chants d’oiseaux… L'équipe intègre également dans ses corpus des sons instrumentaux grâce à la collaboration de Jean-Michaël Lavoie, professeur en interprétation contemporaine à la Faculté de musique de l'UdeM.

Réaliser une gigantesque cartographie de timbres

Une fois les sons recueillis, ils vont être indexés suivant leurs caractéristiques et cartographiés. Les sons de nature similaire seront regroupés, comme les aigus d’un côté et les plus graves de l’autre.

«L’utilisateur de cette carte devient une sorte de navigateur du timbre et peut se déplacer à l'intérieur de la carte selon différentes caractéristiques du son, par exemple en suivant ses hauteurs», dit Dominic Thibault.

Représenter des milliers de tuiles musicales

Chaque son est représenté graphiquement par une petite tuile colorée. Les milliers de sons qui sont rentrés et indexés cet été dans la base de données musicales formeront ainsi une gigantesque mosaïque.

L’équipe de Dominic Thibault travaille également à ce que chaque musicien ou musicienne puisse ajouter sa collection de sons à partir de l’instrument de son choix. Il sera ainsi possible de téléverser une mélodie réalisée avec un violoncelle ou un enregistrement de crépitement du feu. Le logiciel segmentera les sons et composera automatiquement une mosaïque.

Mais comment représenter des milliers de tuiles sur un même écran? Est-il préférable de les montrer en trois dimensions? Cela ne serait-il accessible qu’aux personnes possédant une carte graphique dotée de fortes capacités? Pourrait-on alors avoir un bouton pour activer ou désactiver le volet 3D? En collaboration avec la professeure Myriam Boucher, spécialiste en audiovisuel, l’équipe tente de répondre à ces questions et à d’autres connexes pour rendre ce logiciel le plus accessible possible.

Jouer de la musique en appuyant sur des milliers de tuiles

Comment rendre musicale la sélection de petites touches colorées? Est-ce «musical» de se servir d’une souris ou d’un clavier pour saisir les différentes tuiles? Faudrait-il un clavier spécial? Serait-ce plus pratique d’élaborer plusieurs trajectoires particulières? Pourrait-on par exemple relier certains points et les rejouer à intervalles réguliers, puis les faire muter dans le temps? C’est ce que cherche à savoir Mike Cassidy, étudiant invité au Laboratoire formes-ondes.

Une version bêta du logiciel sera créée pour la fin de l’été. Puis l’équipe de recherche améliorera l’outil pour composer des musiques et les interpréter. Rendez-vous au cours des trois prochaines années pour écouter le résultat dans une salle de concert!

Pour plus d'informations sur ce projet, rendez-vous sur le site du Laboratoire formes•ondes.