Une astronome de l’UdeM découvre que les naines brunes vieillissent seules

Cette illustration montre une naine brune, un objet plus massif qu'une planète mais moins qu'une étoile. On sait que les naines brunes peuvent avoir des compagnons. Toutefois, ces paires d'astres semblent se séparer, selon une étude récente dirigée par une astronome de l'UdeM.

Cette illustration montre une naine brune, un objet plus massif qu'une planète mais moins qu'une étoile. On sait que les naines brunes peuvent avoir des compagnons. Toutefois, ces paires d'astres semblent se séparer, selon une étude récente dirigée par une astronome de l'UdeM.

Crédit : NASA, ESA, Joseph Olmsted (STScI)

En 5 secondes

Il faut être deux pour valser, mais dans le cas de naines brunes qui étaient autrefois en paire, cette relation s’étiole! Une nouvelle étude montre que les naines brunes vieillissent souvent seules.

Clémence Fontanive, chercheuse postdoctorale à l’Institut Trottier de recherche sur les exoplanètes (iREx) de l’Université de Montréal, a utilisé le télescope spatial Hubble de la NASA pour étudier certaines des naines brunes les plus froides et les moins massives du voisinage solaire. 

Les naines brunes sont des objets interstellaires plus massifs que Jupiter, mais moins que les plus petites étoiles. Comme les étoiles, les naines brunes peuvent naître par paires et orbiter l’une autour de l’autre, dans ce qu’on appelle un système binaire. Dans un article publié dans The Monthly Notices of the Royal Astronomical Society, l’équipe rapporte qu’aucun compagnon n’a été trouvé autour des 33 naines brunes du voisinage solaire observées avec Hubble. 

Le fait que ces naines brunes – relativement vieilles – n’aient pas de compagnon suggère que si certaines d’entre elles se sont formées par paires, elles se sont séparées au fil du temps.

«Notre étude confirme que les paires de naines brunes sont extrêmement rares parmi les naines brunes âgées de plus faible masse. Comme des naines brunes binaires sont observées à des âges plus jeunes, cela suggère que de tels systèmes ne survivent pas au fil du temps», a déclaré Clémence  Fontanive.

Moins massif? Moins de chance d’avoir un compagnon!

Clémence Fontanive

Clémence Fontanive

Crédit : Alessandro della Bella

Plus de la moitié des étoiles de notre galaxie se trouvent dans des systèmes binaires. Les étoiles les plus massives sont généralement accompagnées d’une autre étoile. 

«Il existe une tendance selon laquelle moins un astre est massif, moins il est susceptible d’avoir un compagnon. La motivation de cette étude était de voir si cette tendance est vraie pour les naines brunes les plus froides et de plus faible masse», explique la chercheuse.  

La très faible fréquence des paires de naines brunes déduite de cette étude est compatible avec l’hypothèse que la tendance s’étend jusqu’aux astres les moins massifs. Cela confirme aussi la théorie selon laquelle les naines brunes naissent de la même manière que les étoiles, par l’effondrement gravitationnel d’un nuage d’hydrogène moléculaire. Seule différence: leur masse n’est pas suffisante pour permettre la fusion nucléaire de l’hydrogène en vue de produire de l’énergie.

De jeunes couples existent, mais les séparations sont fréquentes

On sait que les mécanismes de formation stellaire produisent des naines brunes binaires, même parmi celles qui sont de faible masse. Clémence Fontanive a justement découvert un tel système en 2020 dans la jeune région de formation stellaire d’Ophiuchus. Les récents résultats de l’équipe apportent donc une preuve que ces jeunes systèmes binaires seront probablement perturbés et ont peu de chances de survivre à long terme.  

Pourquoi? La chercheuse explique l’hypothèse la plus plausible: «Lorsqu’elles sont jeunes, les étoiles et les naines brunes font partie de nuages moléculaires qui, en évoluant, se dispersent. À ce moment-là, les choses commencent à bouger et les astres passent relativement près les uns des autres. La force gravitationnelle qui lie les paires de naines brunes, plus légères que les étoiles, est très faible, d’autant plus si les compagnons sont éloignés. Les étoiles qui les approchent peuvent donc facilement séparer ces couples». 

Le télescope Hubble à la recherche de compagnons

Pour son étude avec le télescope spatial Hubble de la NASA, l’équipe a sélectionné un échantillon de naines brunes précédemment identifiées par un autre télescope spatial de la NASA, le Wide-Field Infrared Survey Explorer (WISE). L’échantillon se compose de 33 naines brunes parmi les plus proches et les plus froides, pour lesquelles on ne connaissait pas de compagnon.  

Pour ces astres proches, Hubble peut détecter des binaires aussi rapprochées l’une de l’autre qu’une distance de 500 millions de kilomètres, soit la distance approximative entre notre Soleil et la ceinture d’astéroïdes. 

Ces naines brunes sont si froides (quelques centaines de degrés de plus que Jupiter, dans la plupart des cas) que leur atmosphère contient de la vapeur d’eau qui s’est condensée. Pour repérer les compagnons potentiels les plus froids, Clémence Fontanive et ses collègues ont utilisé deux filtres infrarouges différents, un au travers duquel les naines brunes froides paraissent brillantes et l’autre au travers duquel elles le sont beaucoup moins en raison de l’absorption de l’eau dans leur atmosphère.  

«Nous n’aurions pas pu réaliser ce type d’étude sans la précision et la sensibilité de Hubble. Il est intéressant, mais pas surprenant que nous n’ayons rien trouvé», déclare Clémence Fontanive. «Cela confirme les modèles antérieurs en fournissant les meilleures preuves observationnelles à ce jour.»

À propos de cette étude

L’article «An HST survey of 33 T8 to Y1 brown dwarfs: NIR photometry and multiplicity of the coldest isolated objects» a été publié le 22 septembre 2023 dans le Monthly Notices of the Royal Astronomical Society.

En plus de Clémence Fontanive (iREx, UdeM, Canada), l’équipe comprend sept co-auteurs de l’Italie, des États-Unis et du Royaume-Uni. 

Relations avec les médias

  • Marie-Ève Naud
    Institut Trottier de recherche sur les exoplanètes (iREx)
    Tél: 514-279-3222
  • Julie Gazaille
    Université de Montréal
    Tél: 514 343-6796

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