L’île d’Anticosti est une métaphore des Bermudes

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  • Le 29 janvier 2021

  • Mathieu-Robert Sauvé
Claire Legendre

Claire Legendre

En 5 secondes

Claire Legendre publie le roman «Bermudes», qui s’inscrit dans une trilogie multimédia.

Professeure de création littéraire à l’Université de Montréal depuis 2011, Claire Legendre vient de publier Bermudes chez Leméac (la sortie française est prévue chez Grasset cet hiver). Comme le titre ne le dit pas, cette histoire se déroule principalement à l’île d’Anticosti. Bien accueilli par la critique, ce roman est la seconde partie d’une trilogie qui compte un documentaire et une pièce de théâtre qui sera montée dans les prochains mois.

Originaire de Nice, l’auteure a enseigné la littérature, la sémiologie théâtrale et l’écriture dramatique à l’Université de Nice et à Prague; en 2000, elle séjourne à la villa Médicis de Rome. Elle a écrit plusieurs romans et nouvelles ainsi que des essais. Elle a dirigé, en 2020, le collectif Nullipares, réunissant les textes de 10 auteures qui n'ont pas porté d'enfant.

Elle répond à nos questions.

Pourquoi ce livre?

Pourquoi écrit-on des romans? Peut-être parce qu'on ne sait pas faire autrement? C'est pour moi ma cour de récréation, l'endroit que je me donne pour être complètement libre. J'écris depuis l'adolescence. J'ai porté le projet de Bermudes pendant plusieurs années, il s'est modifié peu à peu jusqu'à trouver sa forme définitive. Il parle de désir, des disparitions volontaires, d'écriture, d'immigration et, ce qui n'était pas prévu, de la vie des gens sur l'île d'Anticosti.

Comment se situe-t-il dans votre œuvre?

C'est mon 7e roman et mon 12ouvrage. C'est un livre ambitieux, à la fois très personnel et très romanesque, quelque part entre le documentaire, le journal de bord et le roman d'amour. Il fait partie d'une trilogie littéraire, cinématographique et scénique. J'ai réalisé le film documentaire Bermudes (Nord) en 2018, il est sorti l'an dernier et on peut encore le voir en ligne sur Vimeo [Bermudes (Nord) de Claire Legendre (with English Sutitles)]. Le tournage m'a permis de retourner sur la Côte-Nord pour y retrouver les personnes et les paysages d'un premier voyage, et de tourner 50 heures de rushes qui ont aussi nourri le roman. Le troisième volet est une création scénique dont j'ai laissé les clés à Système Kangourou, une compagnie montréalaise qui travaille autour du théâtre du réel, de manière très onirique et poétique. La première aura lieu à La chapelle à Montréal en février, puis à Rouyn-Noranda au Théâtre du Tandem.

Comment conciliez-vous votre travail d'universitaire, soit l’enseignement et la recherche, avec votre production écrite?

C'est un vrai défi sur le plan du temps, car les professeurs de recherche-création ont trois métiers: ils sont professeurs, chercheurs et créateurs. Mais sur le fond du travail, être dans une démarche de recherche-création vous donne une exigence et une liberté déterminantes: pour un écrivain, c'est la possibilité d'écrire en cherchant, de prendre le temps de la réflexion, de ne pas être esclave des impératifs du commerce, de ne rien céder aux injonctions de la séduction, mais de pouvoir suivre et d'interroger sa propre voie. Ce qui n'empêche pas d'être lu ni de vouloir l'être. Mais pas à n'importe quel prix. C'est la même liberté qu'ont nos étudiants et étudiantes qui écrivent: on ne leur demande pas de s'adapter au lectorat, mais ils participent, au contraire, à modifier à long terme les références de celui-ci. C'est un privilège et une responsabilité.

Qui désirez-vous joindre?

Qui le voudra! C'est une relation intime qui se tisse entre un roman et son lecteur. Je ne cherche pas à plaire à un public, mais à rencontrer des individus. Quand ce que j'écris parle à quelqu'un, c'est une relation forte. Je suis toujours émue en rencontrant les lecteurs. Cette année, cette rencontre ne pouvant se faire – pas de lancement, salon du livre à distance –, les réseaux sociaux ont pris le relais. Mais l'échange est toujours intense. On est seul quand on écrit, alors ces retours sont précieux.

 

Claire Legendre, BermudesMontréal, Leméac, 2020.

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